Tunng

Tunng a commencé à défier les catégorisations musicales dès 2003. Le duo londonnien devenu depuis sextuor, disons le carrément, un véritable collectif, continue de tracer sa route sans se soucier des panneaux d'indication. Certains sont allé chercher le terme de «folktronica» pour parler de ce groupe sans attaches. Il s'agit surtout d'une musique d'atmosphères, d'ambiances calfeutrées, et cependant toujours au bord du ravin. Un cocooning de tous les dangers.

Au coeur d'un environnement de bruitages, de voix lointaines, détails sonnores du grouillement de la vie extérieure, le son de Tunng confie à son auditeur ses secrets les plus intimes. Si on lit d'une traite les titres de l'album dans l'ordre, on se croirait presque devant la liste des courses : Take Bricks Hands Bullets Soup Spoon King Arms Secrets String Cans. Un mot par chanson. Un bric à brac d'objets, de parties du corps humain, un secret. Tout le petit bazard de la vie embarqué en bandoulière. Autant de sonorités sous le bras.

Une voix masculine doublée de son alter-ego féminin, à moins que ce ne soit l'inverse, véhicule la douceur de compostions subtiles, sur le fil. Comme une contemplation méditative à l'arrière d'une voiture, devant le paysage qui se déroule : guitares rêveuses des campagnes sages, radios et machines des villes turbulentes...tout l'espace humain cohabite dans le même esprit. Les structures classiques de la ballade se laissent embarquer dans le tourbillon d'une myriade d'instruments y surgissant par surprise. Alors qu'on s'évade dans la nostalgie d'une boîte à musique résucitée de l'enfance, que le rythme lent et régulier de la cuillerée à soupe nous ramène aux souvenirs de soirées chez nos grands-parents, au son d'un vieux poste de radio, Tunng nous réveille de notre stupeur pour nous ramener vers la dure matérialité d'une déflagration de guitare électrique sur beats furieux (Soup). On pense alors parfois à TV on The Radio, s'il fallait absolument se référer à un autre habitant de ce pays musical étrange.

Pour être clair, c'est d'une certaine liberté qu'on s'approche. Une liberté minitieusement apprivoisée. Un espace-temps ainsi libéré de ses frontières naturelles : passé et avenir jouent sans complexe dans la même cour, vie et mort dialoguent au travers des textes, simplicité frugale et goût de l'expérimentation ne s'annulent pas mais s'enlacent. «Good Arrows» emmène sur de nombreux et aventureux chemins qui se dessinent sous vos pas. On ne l'écoutera pas tout le temps, mais on pourra l'écouter à tout moment.