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The Kills

Midnight Boom

The Kills - Midnight Boom
Chronique Album
Date de sortie : 10.03.2008
Label : Domino Records/PIAS France
3
Rédigé par Kris, le 10 mars 2008
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L’étape du troisième album est un exercice périlleux, décisif dans une carrière musicale d’un groupe. Un troisième album est la confirmation, l’acte de présence, l’album désignant le parcours artistique décidé par le groupe. Une carrière musicale sur la scène contemporaine se définit désormais par le choix et la direction artistique de ce troisième album. Il définit également l’identité, non seulement que souhaite véhiculer le groupe, mais à laquelle ils s’identifient désormais, une identité avec laquelle ils sont en adéquation. Les troisièmes albums marquent parfois également la rupture, comme pour montrer une prise de conscience, trancher avec les imperfections, laisser s’exprimer son soi, ses envies, et être en accord avec sa propre identité et embrasser ses propres velléités artistiques.

Le bicéphale duo anglo-américain des Kills affronte donc à son tour cette étape-clé de leur carrière musicale, après le crasseux et vénéneux, et accouché dans la douleur No Wow. Cependant, individuellement et artistiquement, les Kills ont clairement changé. Au bord de la rupture vitale durant la gestation de No Wow, VV et Hotel semblent désormais posés et apaisés. Et qu’ils l’avouent ou non, Midnight Boom donne des signes d’ambitions. Fait neuf dans une carrière somme toute récente. Keep On Your Mean Side, monolithe nihiliste, apposé à un No Wow sombre et poisseux, font figure de reliques, d’antécédents assimilés à la nouvelle mécanique menant à ce Midnight Boom. Tous les rouages sont bien évidemment toujours là : guitares sèches et rythmiques rêches, chant calcinant de VV, écho brumeux de Hotel, son brut et dépouillé.

Certains éléments, néanmoins, témoignent d’un différentiel dans l’approche artistique. Les sons sont plus amples, les arrangements plus souples. Les hymnes syncopées laissent ainsi place à des mélodies plus contemporaines, moins nerveuses. Plus important, bien qu’autarcique dans sa conception, Midnight Boom semble autrement plus ouvert sur le monde. Peut-être le travail du producteur de Spank Rock, Alex Epton, mais il n’en est pas moins du fait que le garage ait laissé ses portes ouvertes pour laisser entrer de nouvelles influences. Pour exemples flagrants est la stylisée "Cheap And Cheerful", à l’instru taillée pour une M.I.A., qui sur ses bases martiales divague entre new-wave et électro-rock. Les choses ne sont plus les mêmes et pourtant "Getting Down" et l’efficace "M.E.X.I.C.O.C.U." nous rappellent toujours aux bons souvenirs d'une PJ Harvey.

D’où vient ce décalage d’appréciation donc ? Le changement est intraitable. Face à une impossibilité d’inertie, les Kills innovent et délivrent sans conteste, leur album le plus musical et le plus mélodieux. Cependant, le changement intervenant, la logique impose que les choses ne soient plus les mêmes. Et ici, ce qui rendait la musique des Kills irrésistible ne sont plus exactement les mêmes. La lubricité, la tension maladive, le nihilisme engendré par la solitude, la brutalité vive. Si les deux premiers albums furent sans conteste garage et lo-fi, Midnight Boom est minimaliste, imbriquant de nombreuses choses mais à marge réduite. Les choix étaient de toute manière limités d’avance pour ce fatidique troisième album, stagner ou avancer ?

Mais le plus significatif est finalement, qu’au fur et à mesure, les Kills s’éloignent de leur propre diktat qu’ils tentent constamment d’instaurer. En s’isolant en studio et en se coupant du monde lors des phases d’enregistrements, leur démarche montre leur volonté idéaliste de se rapprocher de l’Art brut, au sens défini par le peintre Dubuffet. Cette approche candide et innocente de l’art par des non-artistes, par des autodidactes isolés, créant de toute pièce sans aucun bagage artistique, n’altérant ainsi pas la démarche créative pure. En voyant l’évolution de Keep On Your Mean Side à Midnight Boom, en passant par No Wow, il est évident que cette identité, cette immaculation, se sont diffusées irrémédiablement, que la rage et l’innocence artistique des débuts se sont vues absorbées par l’expérience et la maturité. Malgré la qualité intrinsèque de Midnight Boom, la musique des Kills s’est intellectualisée, et c’est peut-être cette variation de l’âme à la raison qui nous bride. De l’admiration inconditionnel du séminal art naïf.
tracklisting
    01. U.R.A. Fever
  • 02. Cheap And Cheerful
  • 03. Tape Song
  • 04. Getting Down
  • 05. Last Day Of Magic
  • 06. Hook And Line
  • 07. Black Balloon
  • 08. M.E.X.I.C.O.C.U.
  • 09. Sour Cherry
  • 10. Alphabet Pony
  • 11. What New York Used To Be
  • 12. Goodnight Bad Morning
titres conseillés
    Cheap And Cheerful, Last Day Of Magic, Black Balloon, M.E.X.I.C.O.C.U.
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