¡Forward, Russia!

Deux années quasiment mois pour mois après la sortie de leur premier album frais, inspiré et salué par une critique unanime, Give Me A Wall, l’un des quatuors les plus décalés de Leeds se confronte enfin au périlleux exercice du second opus. Et afin de mettre toutes les chances de leur côté et réussir là où beaucoup ont échoué, ¡Forward, Russia!, cette fois-ci, se consacre exclusivement à la création artistique, s’affranchissant de la production, laquelle confiée à un label et une oreille neuve, Matt Bayles. Autre fait nouveau, quoiqu’anecdotique, les chansons portent désormais un titre autre que les numéros dont elles étaient affublées jusqu’à présent et, eu égard à la poésie de certains d’entre eux, on regrette que ce choix n’ait point été fait plus tôt.

A l’image de l’introduction de l’album, Welcome To The Moment (The Rest Of Your Life) ou encore de Spring Is A Condition, la nouvelle coloration sonore de la formation est à la fois plus profonde et intense, sans pour autant que ne se soient envolées les qualités des compositions antérieures, à savoir l’urgence et la complexité des mélodies. En effet, Life Processes nous plonge instantanément, à l’instar de We Are Grey Mater où la violence et l’énergie le disputent à la subtilité et à l’inventivité, dans un univers onirique et magique inédit.

De même, relève-t-on, avec un réel bonheur, l’apparition de quelques morceaux plus lents, comme Some Buildings ou Spanish Triangles, qui lorgnent du côté des circonvolutions tortueuses et progressives, ou bien des titres résolument nonchalants et minimalistes, comme le bouleversant duo piano-chant de Fosbury In Discontent, véritable épuration harmonique où la mélodie se fait encore plus limpide. Si le style inimitable de ¡Forward, Russia! s’est sensiblement enrichi, il ne perd strictement rien de son efficacité ainsi qu’en témoigne le premier single extrait de l’album Breaking Standing.

Truffé de compositions plus variées et abouties les unes que les autres, magnifiées par une production très alerte, le pari de ¡Forward, Russia! est gagné haut la main, leur second album figurant d’ores et déjà au nombre de ces réalisations rares et intenses que l’on redécouvre à chaque écoute, qui se réinventent perpétuellement, tant elles foisonnent d’idées novatrices. Même s’il n’est peut-être pas l’album de l’année, vu la précocité de sa sortie, il ne fait néanmoins aucun doute, étant donné que son son indémodable restera dans les mémoires, qu’il pourra concourir pour le titre d’album de la décennie. Avec Life Processes, ¡Forward, Russia! a dompté le chaos électrique, illustrant de la plus belle des manières la célèbre phrase de Nietzsche : « On a besoin de chaos dans son esprit pour donner naissance à une étoile qui danse ».