Elle Milano

Il aura fallu presque six mois au quatuor à l’imagination fertile et à l’univers musical débridé, affranchi de toutes limites, j’ai nommé le très pittoresque Elle Milano, pour tenter de valider, par le biais d’un premier album, Acres Of Dead Space Cadets, le brillant essai virevoltant, constitué par le single My Brother, The Astronaut. Et dans la mesure où nous nous étions engagé, dans la chronique de ce dernier, en promettant un opus réussi, varié et percutant, c’est non sans une certaine appréhension, voire moiteur frontale, que nous nous lançons dans l’écoute des onze compositions, même si ceux offerts à l’écoute sur la page Myspace de la formation donnaient quelques garanties à ce sujet.

Pour nous rassurer et dissiper les sueurs froides du doute, il ne faut guère plus d’une poignée de secondes, juste le temps que fusent, à l’amorce du morceau introductif, Laughing All The Way To The Plank, les premiers accents de la voix aérienne d'Adam M. Crisp, sidérante de justesse et d’émotion, laquelle se met à survoler une rythmique enlevée, débordant de subtilités harmoniques et de changements de rythme. Car tout ce que l’on peut espérer chez un groupe de la scène rock britannique porteur d’un message et nanti d’un forte identité, c’est-à-dire le détachement, la fraîcheur, l’énergie et la fantaisie, le tout transcendé par une interprétation grandiose aux accents symphoniques, est bien au rendez-vous dans Acres Of Dead Space Cadets.

En effet, l’auditeur est littéralement bombardé d’une succession de perles mélodiques, depuis l’envoûtant et ciselé au scalpel, Meanwhile In Hollywood, jusqu’au somptueux Carousels et son envolée lyrique confinant à la sublime pureté, sans oublier l’obsessionnel et métronomique Wonderful Wonderful (All The Time), qui nous saisit à la gorge pour nous entraîner dans une étreinte endiablée jusqu’au bout de soi-même et où cohabitent harmonieusement, ainsi que souvent chez Elle Milano, légèreté, humour, surréalisme et noirceur.

Si, parfois, la musique du quatuor déjanté offre quelques relents de rock expérimental des années quatre-vingt-dix, à l’instar de son Katsuki And The Stilettoed Stranger, dont l’atmosphère s’inspire du rock électro-hystérique d’Ikara Colt, chacune des chansons proposées sur Acres Of Dead Space Cadets nous fait vivre une expérience musicale unique, n’ayant de cesse de nous faire osciller entre deux états extrêmes, de la sensation euphorique et jubilatoire de flotter en apesanteur à la plongée introspective dans les abysses de l’âme humaine.