Belle And Sebastian

Les fans de Belle & Sebastian n'ont pas attendu la sortie de cette compilation pour s'échanger des bootlegs des BBC Sessions du groupe, mais on ne peut que saluer l'initiative, car le disque est goûtu. Il réunit des enregistrements effectués sur la Beeb entre 1996 et 2001, dont les quatre morceaux jusqu'ici inédits de leur passage chez John Peel en mai 2001, Shoot the Sexual Athlete, The Magic of a Kind Word, Nothing in the Silence et (My Girl's Got) Miraculous Technique. Le reste consiste en deux sessions chez le DJ Mark Radcliffe en 96, et une Evening Session de 97.

Les inédits mis à part, donc, on a le plaisir de redécouvrir le Belle & Sebastian des débuts, depuis Tigermilk (I Could Be Dreaming) jusqu'au quatrième album Fold Your Hands, Child, You Walk Like A Peasant (Wrong Love, plus tard intitulé The Wrong Girl sur l'album). S'il n'était acquis que le groupe n'a plus rien à prouver, on trouverait osée l'entrée en matière, ce The State I'm In commençant presque a capella, d'une voix peu assurée, qui prend soudain de l'ampleur et du coeur en même temps que l'orchestration se complexifie. Finalement, c'est cela qui restitue le léger frisson du direct, bien plus que ne l'aurait fait la voix du speaker si elle n'avait été coupée: ces émotions perceptibles dans une ligne de chant hésitante, mais émouvante, sincère et simplissime, bientôt emportée par la hardiesse maîtrisée des envolées poétiques.

One, Two, Three, Four, Suart Murdoch donne le rythme en même temps qu'il préfigure la beauté précise et douce des compositions. C'est dans ce bref espace d'attente que se conçoivent les espérances et que se noue le désir de la redécouverte. On pourrait disserter longtemps sur le charme du tempo ainsi donné en prologue. Dans une musique qui ne se prête guère à l'improvisation, tant la légèreté y est précisément construite, l'enregistrement neuf demeure une proposition différente autant qu'un bonheur renouvelé: on appréciera en particulier la fragilité contenue de The Stars of Track and Field, ou ce traitement original, un peu tremblé, très américain, de I Could Be Dreaming.

Venons-en aux inédits de la John Peel Session. Shoot The Sexual Athlete et son surprenant ton electro-jam (si l'on peut dire) semble être un jeu de Belle & Sebastian avec leur propre style, une mise à distance amusée d'eux-mêmes. Laissant la batterie ouvrir le jeu, le texte est ensuite parlé, récité, la piste brève; quoique semblant prendre les traits caractéristiques du groupe a contre-pied, on y retrouve pourtant l'essentiel, la légèreté, ici celle du jeu (on pourra aussi bien parler d'expérimentation, mais celle-ci demeure ludique et sans conséquences) et de l'ironie point trop cruelle. Avec The Magic of a Kind Word, on revient à une couleur romantique (vert clair, en l'occurence), et c'est cette fois le murmure d'Isobel Campbell qui énonce des contes de fée. Cette voix est bouleversante. On la retrouve sur Nothing in the Silence, peut-être le plus beau morceau de cet album; c'est un clavier cristallin qui rend hommage au silence, et Campbell toute dans un souffle, pour un chant presque sacré.

(My Girl's Got) Miraculous Technique revient aux basiques, pour un effet un peu hawaïen assez frais – avec peut-être un aspect trop bien rôdé, d'autant que cette compilation dans son ensemble révèle très nettement l'unité sonore inamovible du groupe. Mais qu'importe au fond si beaucoup de chansons se ressemblent, puisqu'elles se ressemblent en beauté.