Fuck Buttons

A la fois glaçant et somptueux, ce Street Horrrsing des Anglais de Fuck Buttons est la bizarrerie rêvée de l’année. En totale perdition, la musique contemplative du duo formé d’Andrew Hung et Benjamin John Power nous fait plus que voyager, ils nous font rompre toutes notions sensorielles pour imposer leur propre imaginaire, leur propre épopée didactique. Noise par ses saturations omniprésentes, ce Street Horrrsing use de la puissance insidieuse et maligne de la drone afin de puiser dans l’inconscience même de leur musique. Entre plongée horrifique et voyage mirifique, Fuck Buttons fait varier ses ambiances et ses influences, mariant impunément Yo La Tengo avec Spacemen 3, ou My Bloody Valentine avec Aphex Twin. Barré et hypnotisant, le son des Anglais ne lésine pas sur les effets et les moyens.

Sous forme d’ode à notre belle planète, l’album débute sur quelques légères notes entremêlées, pour nous conforter, nous attiser. Sweet Love For Planet Earth s’entiche alors d’un signal à résonance persistante et galvanisante. L’électrification de l’ambiance nous délivre alors de toute rationalité et permet ainsi aux Fuck Buttons de nous emporter là où ils le souhaitent. Dans leur monde. Imaginé. Calfeutré. Effarant. Street Horrrsing est un véritable voyage vers d’autres confins de l’immatériel, vers nos inconscients réprimés s’exprimant au travers de cris distordus, comme libérés. Puis vient le débarquement, l’arrivée à destination. Sur Ribs Out et Okay, Let’s Talk About Magic, se développent alors un véritable éco-système, et l’on se retrouve perdu dans une jungle luxuriante hantée de bruits et de sons tribales. On y entend ça et là des cris d’animaux, une véritable faune inconnue nous entourant et nous observant. Les nappes synthétiques viennent poser le voile sur nos acquis et révéler cette transcendance.

Derrière ce bruit, ce mur du son inconsidéré, grandit une entité. Race You To My Bedroom / Spirit Rise est une quête initiatique, où à travers ce son parasite se laisse découvrir la grandeur d’une civilisation inconnue. Celle peuplant la musique de Fuck Buttons. Celle menant les rênes de notre imaginaire léthargique. En conflit avec notre rationalité, cette essence artistique fait naître une véritable incandescence sensorielle représentée par ce foisonnant spectre organique évoluant derrière cette barrière bruitiste assommante. Au travers de bruits rappelant des communications radios spatiales, l’album nous libère au sein d’un environnement, stable, moins hostile, comme acceptés dans cette nouvelle communauté surréaliste se cachant des profanes derrière cet intense garde-fou bourdonnant. Derrière le bruit se cache la vérité de la musique.