Frank Turner

Quatrième album solo pour le plus punk des folkeux. S'il nous avait laissés un peu déçus avec Poetry Of The Deed, il semblerait que Frank Turner ait repris du poil de la bête. C'est aujourd'hui une ode à l'Angleterre qu'il nous propose avec son England Keep My Bones et nous sommes heureux de le retrouver avec sa pugnacité d'antan.

Fidèle à ceux qui l'entourent, c'est à nouveau Tristan Iverny qui produit et mixe ce nouveau disque. Frank fait également à nouveau appel à ses musiciens de prédilection, ceux qu'il nomme The Sleeping Souls pour construire un disque tout en émotion et en sincérité sur un sujet qui lui semble cher : son pays. Loin de tomber dans les niaiseries, il préfère passer par les cases Histoire et Sentiments pour montrer son attachement à l'île de son cœur. Contrairement à PJ Harvey qui dépeignait récemment une Angleterre morose sur Let England Shake, Turner préfère la célébrer et la mettre à l'honneur.
La recette est toujours la même : une dose de folk, une autre de punk et surtout, l'instrument qu'il maîtrise le mieux : sa voix. England Keep My Bones , titre tiré d'une pièce de Shakespeare, The Life Of King John, aborde des considérations universelles telles que l'Histoire, à travers English Curse, titre a cappella rappelant l'invasion normande et la résistance anglaise qui y a fait face, la Religion, avec la clôture sur Glory Hallelujah, hymne de l'athéisme, et l'Amour (If Ever I Stray), qui reste le sujet de prédilection de Frank Turner. Ce dernier avoue que son succès grandissant a forcément eu un impact sur son songwriting : celui qui se plaisait, à ses débuts, à pleurer son statut de brebis galeuse n'est plus en situation de le faire ; néanmoins, son écriture ne perd ni en inspiration, ni en beauté, comme le prouve le jeu d'allitérations haletant sur I Am Dissapeared.

Plus que jamais, les influences punk de Frank Turner ressortent de la plus vive des façons et England Keep My Bones vient nous rappeler les temps où Shane McGowan et les Pogues vantaient le folklore irlandais de leur punk acoustique. Dès l'entame, Turner nous annonce que « Not everyone was born to be a king, not everyone can be Freddie Mercury, but everyone can raise a glass and sing ». Une fois encore, comme avec son EP l'hiver dernier, il tient ici le rôle de fédérateur entre les personnes et les invite à croire au pouvoir de la musique (I Still Believe). Il réussit à allier la rage punk à la douceur acoustique de la folk et sa voix est l'ultime arme pour y parvenir : la sincérité, la fureur à peine contenue, l'émotion, elle lui permet de réussir avec brio à combiner intelligemment les deux styles, comme sur la superbe I Am Disappeared.
Frank Turner, à l'image de Tom Gabel lorsqu'il ne chante pas au sein d'Against Me, a ce don de captiver l'attention par sa simple voix et ses paroles qui font des moments du quotidien des titres qui resteront figés pendant longtemps (Redemption). Qu'il nous parle de la force de l'Angleterre, de l'Amour ou de l'inexistence de Dieu, le jeune homme convainc par sa sincérité. L'orchestration sait alterner entre acoustique et étoffement pour permettre de passer de l'intimité à des hymnes fédérateurs comme Glory Hallelujah où Turner hurle ses convictions (« Brothers and sisters, have you heard the news ? The storm has lifted and there's nothing to lose. So swap your confirmation for your dancing shoes, because there never was no God » ).

Meilleur que jamais, Frank Turner signe un album intense duquel on décroche difficilement : on se laisse bercer par ses histoires jusqu'à en ressortir ravi.