Frank Turner

A tout juste trente ans, il semble que Frank Turner n'en finisse plus de travailler : entre ses tournées, EPs, albums et un projet d'écriture, il prend aujourd'hui le temps de sortir un second volet de son « Three Years Project ».

Il y a tout juste un an, il nous présentait son magnifique quatrième album, England Keep My Bones, une ode à son Angleterre natale et il nous confiait, peu après en interview, qu'il avait en tête de nombreux plans qu'il prendrait soin de concrétiser au plus vite. C'est donc une compilation, deuxième du nom, qui succède à celle sortie il y a trois ans presque jour pour jour, qui est achevée ici. Avec vingt-deux titres, parfois inédits, parfois remaniés, des lives et des reprises en hommage à Nirvana ou Bad Religion, cet opus hétéroclite paraît avoir pour vocation de satisfaire les fans insatiables du bellâtre, mais en s'y penchant un peu, chacun peut aisément y trouver son bonheur.

Ici, on retrouve encore plus que sur une simple production studio, ce qui rend Frank Turner si spécial : son talent d'interprétation, la diversité de ses influences et ce don de transformer une jam session en un moment fédérateur inoubliable.
Avec la simplicité qu'on lui connaît, il réussit à la fois à reprendre de grands standards du rock comme le Thunder Road de Bruce Springsteen ou d'autres succès populaires plus inavouables comme le surprenant The Greatest Day du boys band Take That ou encore Last Christmas des Wham!. Même sur cette dernière, devenue guimauve insupportable des fêtes de fin d'année, il réussit à insuffler une nouvelle vie et termine dans une fureur endiablée, sa voix rauque se brisant, donnant autant de cœur qu'il le faisait lorsqu'il œuvrait au sein de Million Dead.

A la force de ses cordes vocales, accompagné le plus souvent par une simple guitare sèche, il réinvente plus qu'il ne reprend. Pour un songwriter comme lui, on aurait pu croire que l'exercice de la reprise le mettrait en porte-à-faux mais ce serait cantonner l'Anglais à un seul rôle. Il nous prouve ici qu'il est à l'aise dans tous les domaines.
Ce ne sont probablement pas les meilleures reprises stricto sensu que l'on connaisse mais elles ont, pour la plupart, le mérite de respirer l'honnêteté et la conviction et ce, sans l'aide d'arrangements étoffés mais par la seule présence du folkeux. Il y met tout son cœur pour créer une compilation extrêmement personnelle. Souvent, le mot « compilation » révèle une opération marketing plus qu'autre chose mais ici, elle semble être l'occasion pour Frank Turner de se faire plaisir et de raconter un peu son histoire.
A côté des B-sides, lives et titres de son précédent EP, Rock & Roll, la partie la plus intéressante de ce Second Three Years est sans conteste celle, très importante, des reprises. Le choix des titres vient à nouveau nous prouver la diversité de la culture musicale de Frank : une petite chanson traditionnelle (Barbara Allen) pour rappeler ses racines, de vieux classiques comme le Thunder Road de Springsteen, un très bel hommage à Dylan avec Song To Bob, parallèle au Song To Woody que Mr Zimmerman avait lui-même écrit pour son idole Woody Guthrie, mais aussi une grande part laissée au punk, famille d'adoption de Frank : du Linoleum de NOFX au My Poor Friend Me de Bad Religion, on passe aussi par le fameux On A Plain de Nirvana, un peu moins passionnante que le reste. Ajoutez à cela l'audace de chanter des tubes de Take That ou Wham! Et vous aurez compris que Frank Turner pioche un peu partout dans le paysage musical.

The Second Three Years est donc pour Frank Turner une petite récréation musicale, un moment pour lui de montrer qu'au-delà du songwriting, il tire aussi son épingle du jeu dans les reprises.