Therapy?

Je dois avouer avoir pris peur lorsque j'ai accepté de chroniquer ce nouvel opus de Therapy?. « Pourquoi donc ? » me demanderas-tu. Parce que ces irlandais, c'est un peu comme une vieille histoire d'amour pour moi. Nous avons passé de très bons moments ensemble jusqu'à ce jour de 1995 où nous nous sommes perdus de vue. C'était après un Olympia de bonne facture à l'occasion de la sortie du cinquième album, Infernal Love. Et depuis ? Plus rien, je suis resté sourd à toutes les sorties. Je n'ai même jamais rattrapé mon retard alors que huit albums ont fait irruption entre temps !

Que dire de cette quatorzième livraison ? Dès l'entame vient le nouveau single, Living In The Shadow Of The Terrible Thing, efficace en diable. Les riffs de guitare, la basse, le refrain, la batterie bien présente, une petite partie parlée avec effets qui n'est pas sans rappeler Maynard James Keenan des américains Tool. On frôle le chef d’œuvre du genre, chapeau, je suis bluffé, me voilà projeté dix-sept ans en arrière, les retrouvailles s'annoncent plutôt bien.
Le rageur Plague Bell prend la suite avec la voix puissante d'Andy Cairns. La batterie est frappée fortement, au milieu les guitares crissent et semblent vibrer telles des ondes Martenot. Therapy? n'a pas perdu son goût pour les titres ciselés avec de petits détails que les oreilles perspicaces sauront déceler à la dixième écoute. Fin du morceau, le rythme ralentit, un doux piano se superpose à l'ensemble puis prend le dessus. C'est le temps de la pause instrumentale. Marlow débute sur une joyeuse et déroutante introduction à connotation tropicale avant que les fûts ne viennent rappeler que nous ne sommes pas dans un album de pop même si de légers « houhouhou » sont entonnés ici et là au milieu de distorsions bien senties.

Retour au métal avec Before You, With You, After You. Le ton est glacial, les paroles scandées, les références aux groupes du passé sont évidentes mais Therapy? tire son épingle du jeu. Le bordélique, déstructuré et punk The Buzzing marque la mi-temps. Les guitares partent dans tous les sens, on passe d'un moment calme et acoustique à une grosse déferlante de décibels en un rien de temps. Sur le morceau suivant, d'inquiétantes voix qui tentent de ressurgir de l'au-delà laissent place au chant habité d'Andy qui ressort lors de silences fantomatiques. Ghost Trio marque ensuite par son absence de refrain comme si les guitares prenaient le relai des mots. Elles se font enivrantes et donnent envie de se laisser pousser les cheveux, de bouger la tête fortement d'avant en arrière, headbanging, viens à moi, je t'en supplie.
Andy interrompt ce chaos sonore avant le prochain Why Turbulence. Le son plus heavy, le rythme saccadé, les couches sonores qui s'entremêlent donnent le tournis juste avant le véritable moment de grâce. Stark Raving Sane te plaque immédiatement au sol. Son format punk (moins de trois minutes) est une arme de frappe redoutable. Les cordes crient de désespoir, le chant s'accélère, la batterie assène une cadence infernale. Et ce avant la conclusion qui revient à l'étonnant Ecclesiastes. Son ton se démarque musicalement de tout ce qui le précède. Cette balade où la voix Cairns est compressée au vocoder achève cet album assez noir sur une note désespérée rappelant l'absurdité de l'humanité.

Cet album montre que le goût du groupe pour la diversité et l'innovation est intact. Les amateurs du genre y trouveront leur compte et ceux qui, comme moi, ont laissé filer quelques albums pourront se raccrocher à ce wagon contenant quelques pépites que l'on espère bientôt pouvoir entendre sur une scène parisienne.
Therapy?, tout n'est finalement pas terminé entre nous. Je crois que nous serons appelés à nous revoir très vite, si tu le veux bien !