Field Music

Alors qu'ils sont nominés au Mercury Prize pour leur magnifique album Plumb, paru un peu plus tôt cette année, Field Music nous présentent aujourd'hui une compilation de reprises enregistrées entre 2008 et 2012. Entre rééditions et inédits, ce sont huit classiques qui sont ici réinterprétés par les frères Brewis.

L'exercice de la reprise peut être une pente glissante ; entre risques de plagiats et véritables redécouvertes, la frontière est parfois mince mais Field Music aiment le risque, comme ils ont déjà pu nous le prouver.
Loin de s'attaquer à de sombres inconnus, c'est plutôt à des pointures que les frères Brewis rendent hommage : entre Syd Barrett et The Beatles, la pop est mise à l'honneur tandis que leur goût pour le rock progressif se traduit par la présence de Roxy Music ou encore Robert Wyatt. Si certains choix restent plus surprenants (les Pet Shop Boys notamment), l'affaire est excitante.
Certains morceaux avaient déjà été édités auparavant (Heart et Rent des Pet Shop Boys avaient fait l'objet d'une parution lors du Record Store Day de cette année tandis que David avait déjà sorti If There Is Something en face B d'un single sous son side-project, School Of Language, dans une version cependant différente de celle qui nous intéresse aujourd'hui) alors que d'autres sont totalement inédites.

Pendant la trentaine de minutes que dure ce Field Music Play..., nous découvrirons donc les influences musicales des petits gars de Sunderland. Tout commence par un choix plus qu'ambitieux ; reprendre du Syd Barrett, qui plus est Terrapin, semble être un numéro de haute voltige. Initialement sortie en 1970 sur l'album The Madcap Laughs, cette composition en acoustique faisait surgir au grand jour le génie bancal et fragile de Syd dans une version acoustique déchirante. Ici, la reprise sonne très Classic rock, oubliant la tendance blues de l'originale. On regrette que le titre perde de sa fragilité pour une production plus riche où l'âme de Barrett ne se retrouve à aucun moment. Début plutôt balbutiant, donc...
Heureusement, les autres choix s'avèrent bien plus judicieux. Si la dextérité et le talent de Field Music éclatent sur des titres tels que Born Again Cretin, c'est sur l'inattendu et le redouté qu'ils vont s'avérer être les plus créatifs. Lorsque l'on découvre leur volonté de reprendre Heart, ce titre synthétique des Pet Shop Boys, on se demande bien comment le groupe va réussir à en sortir quelque chose d'intéressant. Et pourtant... Le synthé n'étant pas leur fer de lance, loin s'en faut, ils lui préfèrent la guitare électrique et le résultat est surprenant et audacieux. Côté classiques, Suzanne de Leonard Cohen et If There Is Something de Roxy Music sont plus consensuelles, plus classiques. Elles sont en effet parfaitement exécutées mais il manque l'originalité inhérente à une bonne reprise.
Cependant, comme toujours, ils nous font mentir là où on pensait, encore une fois, qu'il n’excelleraient pas. Oser une reprise des Beatles, à part un soir de Fête de la Musique dans le bar PMU du coin lorsque l'on a quinze ans et que l'on aspire à une carrière de pop star, c'est plutôt risqué. Le choix de Don't Pass Me By est heureusement loin des clichés éculés et Field Music nous livrent là une petite merveille. On est loin de l'originale et l'introduction intrigante aurait plutôt été vue pour la reprise de Barrett. On se rend ici compte combien ils sont un grand groupe de pop. Le travail sur les changements de rythme est surprenant.

Ainsi, comme l'on pouvait s'y attendre, cette compilation ne recèle pas que des trésors mais a l'avantage de proposer un tracklisting osé dans lequel on retrouve quelques réinterprétations des plus réussies.