Biffy Clyro

A partir de maintenant, je vais tout bonnement arrêter de parler de péché mignon, de plaisir coupable, de petite douceur « à savourer non sans une certaine modération ». Il n’y a plus aucune raison de penser en ce sens, d’écrire en ces termes, de chercher à se justifier d’une manière ou d’une autre, ce que j’ai souvent fait par le passé. S’il y a bien une chose que l’âge doit pourvoir nous apporter, c’est l’indépendance d’esprit, coûte que coûte, quelles que soient les circonstances, et l’écoute d’un disque, et de facto son appréciation, sont avant tout affaire personnelle. Tout ça pour dire que, et bien qu’un virage serré comme un marshmallow ait été amorcé il y a de cela quelques années, la musique jouée par Biffy Clyro me plait énormément.

Le groupe a toujours été à part dans le paysage musical britannique, loin des préoccupations brit-pop, de la grisaille mancunienne, et des claviers vintage; il l’est finalement tout autant au regard de ce qui constitue habituellement mes playlists, rendant ma profonde affection pour le groupe plus remarquable encore.
Figure de proue d’un rock maousse, grassement calibré FM, et qui oscille entre l’hymne de stade sur-vitaminée (paré de tous les chœurs, du genre « who-who-who », envolées lyriques, et refrains entêtants qu’on puisse humainement imaginer), et la bluette qui se déguste entre midinettes au coin du feu, notre trio fait aujourd’hui le pari du double-album. Un disque au final assez mal nommé, puisque aucune « opposition », autre que celle des sentiments (mais c'est une habitude chez Biffy Clyro), n'est à déclarer ici. Tout juste pourrait-on dire que la seconde galette se montre globalement plus aventureuse. Du reste, on va la faire simple : Opposites n’est autre qu’une double ration du Biffy Clyro dont on se délecte depuis plusieurs années déjà.

Chers amis, si Puzzle et Only Revolutions vous ont fait du bien aux oreilles, vous allez avoir du mal à vous séparer d’Opposites. Il est quand même incroyable de voir à quel point une même recette peut encore et toujours fonctionner. A croire qu’on ne peut se lasser d’un artiste quand il s’adonne à ce qu’il maîtrise le mieux. On demanderait presque à Biffy Clyro de ne jamais rien changer, tant c’est un éternel plaisir que de retrouver cette rage lumineuse qui enveloppent leurs titres les plus « punchy » (Biblical, qui possède effectivement un je-ne-sais-quoi de céleste), ces dernières lignes droites dantesques, qui nous poussent à croire que le trio a cédé sa place à tout un orchestre (on citera celle, toutes trompettes dehors, qui achève Spanish Radio, ou le point culminant de la bouleversante The Thaw), ces ballades magnifiquement relevés (Opposite), et ces breaks parfaitement exécutés, à l’instar de celui, tout en touches math-rock, qui vient bousculer Victory Over The Sun.

Qui mène la danse sur Opposites ? L’émotion, bien évidemment, elle qui conforte encore et toujours Biffy Clyro dans sa position de groupe qui aime à parler à nos cœurs plus qu’à nos têtes, qui pousse à la communion des ressentis et des sens. Un choix respectable, et qui ne pourra par ailleurs pas entacher le talent du groupe; sans ce brio, il serait sûrement difficile de digérer leur style plein d’emphase, leur goût prononcé pour la mélodie sirupeuse, et leur ressemblance, parfois frappante, avec certains groupes en activité sur la côte Ouest américaine, du type Blink-182 et consorts .

J’évoquais déjà un second disque plus aventureux, et sans parler de bouleversement, il contient malgré tout plus de titres à même de souffler un petit vent de fraicheur sur la planète Biffy Clyro. Skyline par exemple, qui se voit envahi dans sa seconde moitié par une horde de cliquetis électroniques (The Fog joue lui aussi sur cette mouvance... c'est d'ailleurs la seule originalité dont peut se targuer la première galette), et semble alors narrer les pérégrinations parsemées d’étrange d’une poignée d’astronautes en déroute. Rayon fraîcheur, on notera également le recours sporadique aux instruments à vent (cf. les belles cornemuses dynamisant Stingin' Belle), mais aussi aux cuivres (trompettes), en témoigne la très caliente Spanish Radio.

Bourré d’émotions et d’énergie, Opposites ne réinvente par la roue Biiffy Clyro, mais maintient toujours un peu plus à niveau le capital sympathie acquis par le groupe à mesure des disques publiés. Qui plus est, on a beau se retrouver face à deux disques, jamais le sentiment de trop-plein ne vient pointer le bout de son nez, ce qui dans l’absolu, est déjà un petit exploit. Décidément, nos écossais forment un bien beau groupe de chevet.