Red Kite

Rapace au plumage brun-roux, le Milan Royal (« red kite », en anglais) a fait du paléarctique occidental son terrain de chasse privilégié. Non content d’emprunter son nom à ce majestueux prédateur des airs, le nouveau groupe de l’ex-The Cooper Temple Clause Daniel Fischer se sent visiblement l’âme conquérante, bien décidé à faire sienne la zone géographique érigée en royaume par l’animal, et, pourquoi pas, à imposer sa patte plus largement encore. D’aucuns diront que Red Kite se sont sentis pousser des ailes, mais qu’il leur faut maintenant apprendre voler.

Et c’est là un art bien difficile à maitriser, qui demande une infinie concentration. Trop faibles, les Red Kite n’amèneront pas leur power-pop aussi loin qu’espéré. Dommage, car tout commençait à la perfection. Premier single tiré de ce Songs For Crow, The Gathering Storm oscille avec doigté entre la comptine remplie d’émotions enfantines, et la ballade rock chargée de guitares qui, comme l’acné sur une peau adolescente, poussent ici et là sans crier gare. Gourmand comme un bon titre de Feeder, Montreal assure comme il se doit la relève, alors que se dessinent à l’horizon Streetlights et Songs For Crow, des pièces jumelles, langoureuses, terriblement mélancoliques, qui ne sont pas sans évoquer le travail des géniaux I Like Trains, tant par l’ambiance qui suintent de ces titres que par le phrasé de Daniel Fischer, si proche de celui du leader de la formation originaire de Leeds. Turbulente et festive à souhait, Spanish Courtyard vient clôturer une première moitié de disque tout à fait recommandable. Le groupe prend de l’assurance, et de l'altitude.

Mais dehors, le vent tourne. Poltergeist et Caliope (d'aussi bon goût qu'une fête foraine) s’avancent alors comme pour mieux annoncer la fin d’un temps : terriblement datées, aussi émoustillantes qu’un mash-up entre un titre de Dave et un générique de manga, elles ont au moins pour elle leur vitalité. Tout le contraire de Saddle Up, Son, une balade en calèche trop molle pour espérer accrocher l’oreille et qui, comble du comble, parvient à dégager moins d’émotion que certains titres précédents (Streetlights et Songs For Crow). Bien qu’on jurerait l’avoir entendue mille fois déjà, la burnée Red Blooded Males vient pourtant, l’espace de cinq minutes incandescentes, renverser une vapeur qui en avait ô combien besoin, et ce, juste avant un final de plus de neuf minutes, d’abord délicat, pour ensuite s’aventurer dans le pompeux.

Capables de bien belles choses, Red Kite ne pourront rien espérer sans persévérer. C’est comme ça, Rome ne s’est pas faite en un jour. Sortez les agendas : le prochain examen est d’ores et déjà programmé.