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We Are Catchers

We Are Catchers

We Are Catchers - We Are Catchers
Chronique Album
Date de sortie : 24.03.2014
Label : Domino Records
4
Rédigé par Xavier Turlot, le 13 mars 2014
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Un hublot ouvert sur une mer ensoleillée. Il aurait été difficile de trouver une pochette qui reflète mieux la musique de We Are Catchers. Ce tout jeune groupe de Liverpool articulé autour de Peter Jackson (c'est un homonyme) vient de signer chez Domino Records pour un disque éponyme brillant. A croire que la pop des années 60 ne passera jamais complètement de mode. Quand certains s'affairent à dépoussiérer la musique psychédélique, d'autres élèvent le respect historique au rang de sacerdoce, et We Are Catchers font partie de ceux-là. Musique naïve au sens le plus noble du terme, escapade sonore intemporelle, pont jeté entre Angleterre et Californie, Peter Jackson brouille lieux et époques en dix morceaux rayonnants.

Le piano centralise toute l'esthétique du disque, ouvrant sur un Water's Edge d'emblée mélancolique, à la limite du piano bar. Le chanteur pose une voix haut perchée qui rappelle un peu les errances de Damon Albarn sur son projet éphémère The Good The Bad and The Queen, ou encore David Gilmour sur les ballades de ses débuts chez Pink Floyd. De facture ultra classique, le morceau annonce sans feinte l'atmosphère détendue qui tiendra sur l'ensemble de l'œuvre. Un squelette de piano, des parties de chant qui doivent presque tout aux Beach Boys et une section rythmique retirée à l'extrême. Ne cherchez pas de solo ou de quelconque démonstration technique, We Are Catchers portent très bien leur nom et ne voudront qu'imprimer leurs rêveries dans votre inconscient, et sans doute vous faire passer un hiver moins dur.

Le seul single sorti jusque ici, Tap Tap Tap, réussit haut la main cette accroche immédiate, mais n'est encore rien en comparaison à If You Decide et son roulis d'accords sirupeux qui accompagne un chant impeccable. Les chœurs sont omniprésents, et on y trouve même l'une des très rares percées de guitare de l'album, escortée par la chaleur d'un orgue si éloigné qu'il en est à peine perceptible. Toutes les pistes donnent ainsi l'impression d'avoir été enregistrées dans une église sur un magnétophone de fortune, et ce côté do it yourself est toujours bon à prendre dans un monde musical souvent guidé par la recherche de propreté.
L'une des chansons les plus fascinantes de l'album, Isabella, est d'une beauté renversante. En même temps triste et joyeuse, elle s'inscrit avec raffinement dans la lignée des ballades/déclarations d'amour qui fonctionneront éternellement. Son refrain explose avec évidence, faisant jaillir le prénom de la dulcinée dans une déflagration d'échos, avec l'immémorial désir de rejeter la fatalité.

Les chanteurs à piano s'étaient faits plutôt rares ces derniers temps, et la sur-représentation de cet instrument n'agacera pas ici tant elle apparaît logique. Le Liverpuldien a d'ailleurs probablement composé toutes ses chansons dessus. Un autre passage majeur, If I Fell, tire aussi les ficelles des amours déçues, mais dans des couleurs moins sombres, pour livrer un hymne accrocheur qui maintiendra le cap de nos épopées.
La mer partage avec la musique de ne rien représenter d'autre qu'elle-même, d'où la fascination que l'on en retire. Tout est sujet à interprétation personnelle, et cette surface calme et paisible prendra la forme que chaque auditeur voudra bien lui donner. Comme un port, ce disque possède une forme et un emplacement mais peut évoquer tout ce que quelqu'un pourra imaginer en le scrutant.
La poésie évasive du comparse de Bill Ryder-Jones ne cesse jamais, et la fin du disque réserve son lot de perles à qui n'aura pas déserté le navire. Thousand Steps, et plus encore Richer Man sont de prodigieux exercices de style. Cette dernière est beaucoup plus dynamique que l'ensemble du disque, tous les instruments sont joués avec plus d'entrain, la guitare sort du bois et vient soutenir un refrain dont on vous laissera apprécier la qualité. Même le piano se risque à esquisser un riff qui vient briser le calme dans lequel on baignait depuis l'ouverture. Il en est de même pour Where Are We, ultime piste dont le titre suggère avec justesse que le voyage ne visait aucune destination. Peter Jackson souque avec le même entrain et un bottleneck vient donner un accent tropical à ses divagations qui s'achèveront confusément, laissant mourir prématurément la voix du chanteur qui n'a jamais été aussi lointaine et perdue.

Cet Anglais méconnu signe là un premier album réellement fascinant, s'appropriant des codes éculés et démontrant des talents d'écriture indéniables. Si on imagine mal une carrière de dix albums cantonnés à cette esthétique de départ, pour un lancement de carrière il s'agit d'un début intrigant et passionnant dont on attendra l'évolution avec impatience.
tracklisting
    01. Water's Edge
  • 02. Tap Tap Tap
  • 03. If You Decide
  • 04. Isabella
  • 05. The Fear
  • 06. Over The Hill
  • 07. If I Fell
  • 08. Thousand Steps
  • 09. Richer Man
  • 10. Where Are We
titres conseillés
    Isabella, If I Fell, Richer Man
notes des lecteurs