Her Name Is Calla

Il y a cette sensation de flottement persistant dans le post-pop-rock lancinant de Her Name Is Calla. Il y a cette flamme flegmatique en dedans de chaque titre, comme des envolées stoïques, et des voyages sans mouvements. Constante chez le groupe anglais, cette sensation de navigation à vue, dépourvue de guides et de repères évidents, donne une impression d'errance perpétuelle d'où n'émergent que les quelques cris acerbes de Tom Morris, échos d'un noyau en ébullition dans un monde en friches. Si Her Name Is Calla nous avaient laissés sur de longues plages aux rythmes cycliques et à du post-rock très marqué, ceux-ci nous reviennent avec un Navigator bien plus empreint de pop-rock qu'à l'accoutumée. Grand bien leur en eut fallu.

La grande nouveauté se fera bien là avec Navigator, sur la forte empreinte pop-rock qui vient diluer les couleurs diaphane du rock résolument et traditionnellement austère de Her Name Is Calla. Si les longues plages délétères ainsi que leurs points de ruptures inhérentes au post-rock sont toujours là en substance, la seule présence régulière de paroles et de mélodies viennent détacher ce dernier album de leur discographie. Ils se rapprochent ainsi de plus en plus de leurs congénères et amis de I Like Trains mais avec un penchant beaucoup plus instrumental et acoustique, tantôt industriel (The Roots Run Deep), tantôt gothique (Ragman Doll), tantôt fondamentalement folk aux relents psychédéliques (It Was Flood).
Il y a ainsi l'influence insondable de Pink Floyd période mi-seventies venant se faire entendre, tout comme celui des Red House Painters ou Calexico et ses lentes déclinaisons acoustiques, le tout se mêlant aux fulgurances progressives et bruitistes de la sphère Constellation, de Godspeed You! Black Emperor à Thee Silver Mt. Zion.

Si la plupart des chansons gardent ces structures ascètes et radicalement désossées, on se surprend à trouver de ces titres aux fondements éloignées de leurs terreaux habituels, tels Meridian Arc sonnant comme les popeux de Fanfarlo et leurs chansons en escalier, ou bien un Perfect Prime dont on attend la voix de Mark Kozelek ou John Bramwell résonner sur ces arpèges de guitare. Il y a ainsi une évolution évidente, non seulement dans la musique, mais également dans l'identité de Her Name Is Calla, s'imprégnant d'une contemporanéité musicale, certes restreinte à un certain genre, mais absolument ouverte.

Ni foncièrement radical, ni fondamentalement novateur, Navigator semble néanmoins plus à l'écoute d'un zeitgeist du post-rock de ces dernières années, rendant la musique de Her Name Is Calla un petit peu moins opaque ; mutation accueillie avec une attention des plus bienveillantes.