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Mongol Horde

Mongol Horde

Mongol Horde - Mongol Horde
Chronique Album
Date de sortie : 26.05.2014
Label : Xtra Mile Recordings
4
Rédigé par Hugues Saby, le 17 juin 2014
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Oh, un disque de jazz... Voilà ce que j'ai pensé, naïvement, à l'écoute des premières mesures de Mongol Horde. Petite introduction groovy, à la cool, toute en cymbales et en légèreté... Bizarre. Attention, spoiler : fans de Duke Ellington ou de Charlie Parker, profitez-en bien, car ça ne dure que quelques secondes. Vingt-huit très exactement. Ensuite, ça envoie du lourd. Une voix d'outre-tombe entonne en hurlant un « once upon a time », comme dans les jolies histoires. Sauf que les trombes de disto et de double-pédale qui s'ensuivent incitent plutôt à tenir ce disque hors de la portée des plus jeunes et/ou des plus sensibles.

Make Way, morceau inaugural du disque, porte bien son nom. Dégagez le passage, Franck Turner et sa horde mongole déboulent. Franck Turner ? Eh oui. Car c'est bien ce guitariste-songwriter prolifique, pas très connu (pas assez du moins) de ce côté-ci de la Manche, plutôt porté sur la folk pop contestataire et intimiste, qui est à la manœuvre – et au micro - ici. Les bras m'en sont tombés. Si vous êtes comme moi fan de ce talentueux tatoué, qui représente encore dans ce monde désespérant un idéal d'indépendance et de romantisme musicaux, oubliez les complaintes post-amoureuses de Tape Deck Heart ou les ritournelles courtoises de England Keep My Bones.
Le premier EP solo de Turner, sorti en 2006, s'intitulait Campfire Punkrock. Impossible de définir mieux sa musique, à la fois poignante, et profondément rebelle. Mais rien de tout cela ici. Le troubadour libertaire –souvent moqué au Royaume-Uni pour avoir « trahi » (monde désespérant, vous disais-je) le milieu hardcore straight edge pour celui plus mainstream de la folk pop- retrouve ses premières amours. Eh bien non, j'avoue, je ne le savais pas, Franck Turner a commencé sa carrière dans un groupe de hardcore : Million Dead. Pas grand-chose à voir cependant avec Mongol Horde. Là où Million Dead affichaient ouvertement des influences pop, pop punk, voire FM, rappelant à la fois At The Drive-In mais aussi des groupes comme Incubus ou Nada Surf, le groupe venu des steppes ne fait quant à lui pas dans le détail, et marche sur les pas d'illustres aînés.
Au fil des écoutes, j'ai subitement replongé dans ma prime jeunesse, croyant déceler ici une touche impitoyable de Deftones (période trilogique intouchable : Adrenaline, Around The Fur, White Pony), là des ambiances terrifiantes à la Korn (rappelez vous comme Life Is Peachy était révolutionnaire -et angoissant- en 1996), ou même des groupes britanniques plus récents comme Enter Shikari.

Bref, on est dans le dur. Mongol Horde donnent dans le hardcore pur sucre. Ça joue, et ça joue sacrément bien. La plupart des titres ne lâchent pas un centimètre de terrain, à l'image de Casual Threats From Weekend Hardmen ou Weighed And Found Wanting, titre d'une précision millimétrique, tout en tension, emmené par une caisse claire surtendue, prête à claquer (réécoutez l'intro de My Own Summer de Deftones, vous reconnaissez ce son?). D'autres, comme Stillborn Unicorn et Weak Handshake se rapprochent plus du style FM du premier groupe de Turner, sans jamais pourtant tomber dans la facilité (et là encore, At The Drive-In n'est jamais très loin).
Sur certains morceaux, enfin, on touche au black métal à la mode scandinave, comme sur Winky Face The Mark Of A Moron et Your Problem. Mis à part une incartade instrumentale un peu inutile (The Yurt Locker), et un impardonnable fade out (sur Stillborn Unicorn), ce disque ne commet aucune faute de goût. C'est bien produit, c'est efficace, et surtout, ça tient bougrement la route musicalement. De quoi nous réconcilier un peu avec le hardcore, en quelque sorte, qui s'est bien souvent égaré sur des terres douteuses.
Les textes de Turner sont un vrai plus, mélange de conscience politique aiguisée et de dérision, comme sur Tapeworm Uprising, narrant l'épopée du ver solitaire de Natalie Portman, qui décide un beau jour de sortir de sa jolie tanière pour se rendre à Hollywood, et qui, déçu par ce qu'il y trouve, fonde une république libre pour tous les vers de son espèce. Dans un registre moins amusant mais tout aussi malin, Staff To The Refund Counter est LE point fort du disque. Bijou d'écriture et de tension, ce morceau se place du point de vue d'un individu insatisfait de la vie, et qui demande donc logiquement, en bon consumériste, à être remboursé. Le refrain est amené par une montée héroïque de caisse claire évoquant une chevauchée sauvage (de guerriers mongols assoiffés de sang, sans nul doute), et quand il explose, c'est absolument jouissif. On pense très fort à Margaret Thatcher, et on hurle de bon cœur avec Turner « I want my money baaaack ! ». Ce titre est d'une intelligence et d'une classe folle.

Revers de la médaille, sur l'ensemble de l'album, c'est parfois un peu bavard : les titres des morceaux sont longs et un peu démonstratifs, les textes parfois un peu ampoulés. Mais c'est finalement bien peu de chose au regard de cet album, drôle et grave, violent et tendre à la fois, et surtout, ce qui caractérise tout ce que touche Franck Turner depuis plus de dix ans, d'excellente facture.
tracklisting
    01. Make Way
  • 02. Weighed And Found Wanting
  • 03. Tapeworm Uprising
  • 04. Casual Threats From Weekend Hardmen
  • 05. Staff To The Refund Counter
  • 06. The Yurt Locker
  • 07. Stillborn Unicorn
  • 08. Winky Face The Mark Of A Moron
  • 09. Weak Handshake
  • 10. Your Problem
  • 11. How The Communists Ruined Christmas
  • 12. Blistering Blue Barnacles
  • 13. Hey Judas
titres conseillés
    Weighed And Found Wanting - Tapeworm Uprising - Staff At The Refund Counter
notes des lecteurs