The Magic Numbers

Tout comme son prédécesseur, Alias aura mis quatre ans à voir le jour. Et tout comme son prédécesseur, il s'éloigne des débuts du groupe, délaissant le son 60's pour une approche plus mélancolique. Mais, contrairement à son prédécesseur, il parvient, lui, à convaincre sur l'ambition musicale qu'empruntent The Magic Numbers au fil des années.

Alors que leurs deux premiers albums, The Magic Numbers et Those The Brokes, proposaient des compositions à la pop débridée et se revendiquaient des influences country et disco, The Runaway et Alias affichent une maturité forte, audible dès les premières secondes de Hurt So Good, première plage de The Runaway. De même, Wake Up rend ici immédiatement compte d'une minutie folle dans sa structure et ses arrangements.
Le titre passe progressivement d'un piano-voix classique à un déferlement d'harmonies : la batterie Led Zeppelinienne de Sean Gannon fait une entrée fracassante, puis c'est au tour de la guitare, aux larsens menaçants, de s'immiscer, avant que les chœurs crève-cœur d'Angela Gannon et Michele Stodart ne viennent faire basculer Wake Up vers une solennité saisissante.
A ces six minutes éprouvantes viennent aussitôt s'ajouter les six minutes de You K(no)w, à l'ambition aussi forte mais mesurée, sans verser dans la grandiloquence comme savent le faire des groupes comme The Veils ou The Decemberists. Moins prenants que le post-rock de Wake Up, les arrangements de cordes de You K(no)w demeurent toutefois somptueux, et complémentaires de la reverb de la guitare aux accents blues, le tout porté par la voix de Romeo Stodart, tantôt étouffée tantôt écorchée.

Quelques titres plus rentre-dedans et immédiats parsèment aussi Alias, notamment Out On The Streets et le disco à la Bee Gees de E.N.D.. Pas les plus intéressants de l'album, ils ont cependant le mérite de rappeler, par moments, le passif du quatuor anglais en arborant une structure basique et une instrumentation décomplexée.
Shot In The Dark, qui débute sur un rock entêtant, également un peu bas du front et simpliste, sort toutefois son épingle du jeu en basculant miraculeusement à mi-chemin sur des sonorités à la Arcade Fire, plus posées et subtiles, pour ensuite laisser s'échapper l'électricité sur un final rock'n'roll explosif.
Quelques intrumentations se font remarquer en fin d'album, à l'image de Black Rose porté par la voix à la fois forte et fragile d'Angela Gannon, ou encore Accidental Song qui combine les harmonies d'un Bodies of Water aux accents pop d'un Elbow.

Pas encore le disque parfait, Alias s'en approche pourtant fortement cette fois-ci. Quelques ombres au tableau viennent encore gâcher l'ensemble, plus rares que sur The Runaway mais clairement encore présentes. Et cela est d'autant plus regrettable que l'ordre des chansons amplifie ce sentiment d'imperfection qui se dégage de l'album, les deux meilleures étant placées en tout début. Dommage pour un groupe qui se nomme The Magic Numbers...