Savages & Bo Ningen

Attention, concept ! Vous voilà prévenus, j'ai gâché l'effet de surprise. Pourtant, si on ne se jette pas tête la première dans ce morceau, on se rappelle que le rock tendu de Savages n'est pas si académique et qu'il ne s'agit de toute façon pas d'un disque du seul quatuor anglais, mais d'une collaboration avec Bo Ningen, quatuor japonais d'acid punk. Mieux vaut prévenir que guérir...

Words To The Blind est ainsi un morceau de trente-sept minutes, né pour une performance scénique et enregistré devant un public ayant fini en transe. Un plus grand nombre va pouvoir ainsi découvrir cette expérience dadaïste de la poésie simultanée. Les dadas prennent cher ces temps-ci, et même s'ils assumaient voire revendiquaient les maux de têtes que pouvaient engendrer leurs œuvres, ils avaient plutôt la réputation d'artistes farfelus et sympathiques.

En cette fin 2014, comme pour célébrer un quasi centenaire, leur mouvement est le prétexte à deux actions violentes alors que l'humour était plutôt leur arme de choix : la destruction des Google Glass d'un invité du 20ème prix de Flore et Words To The Blind ! Gemma Thompson, guitariste de Savages, explique que ce nouvel acte dada « met en scène un monde chaotique dans lequel l'individu a du mal à se faire entendre » et rappelle que les jeunes dadas étaient réaction à la Première Guerre Mondiale. Mission accomplie, et même dépassée, ce disque est aussi absurde que difficile à appréhender.

Le monolithe est malheureusement impossible à écouter de bout en bout alors qu'émergent de la cacophonie et des hurlements quelques phrases rythmiques basses/batteries intéressantes. Une œuvre lancée par une longue complainte bruitiste et dérangeante, et achevée avec tout autant de bruits et de fracas, mais dans une atmosphère plus énergique. La fin du morceau vient même comme une libération. A écouter avec une dose de masochisme.