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Young Fathers

White Men Are Black Men Too

Young Fathers - White Men Are Black Men Too
Chronique Album
Date de sortie : 06.04.2015
Label : Big Dada
45
Rédigé par Julien Soullière, le 27 mars 2015
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Ce fut rapide. Trop, pouvait-on craindre. Car, à bien y réfléchir, DEAD n'a qu'une petite année d'existence, et un Mercury Prize ne peut sûrement rien contre l'excès de confiance. Ce fut rapide. Trop, pouvait-on craindre. Mais, à bien y réfléchir, la première claque fut si bien mise qu'on ne pouvait que tendre l'autre joue, le visage marqué par le poids de l'euphorie et les yeux remplis d'astres solaires.

Alloysious, Kayus, et le petit « G ». Ils sont trois, trois prophètes à hauteur d'homme, trois poètes des temps modernes, trois émissaires de la classe moyenne écossaise qui mettent en musique leurs vies, leurs états d'âme, ces petites histoires de rien du tout, nées de l'asphalte et mortes dans les caniveaux, mais qui jamais ne font de leurs comptines hip-hop des odes aux traîne-misère.
Car dans un monde qui demande toujours plus de noirceur, Young Fathers apportent une réponse d'une extrême limpidité, en prise directe avec la réalité, et en décalage évident avec celle ébruitée par la plupart des pourvoyeurs d'une musique que l'on qualifiera, par facilité, d'urbaine. Certes, le hip-hop reste un formidable vecteur de revendication, certes, la vie peut se montrer bien violente, mais c'est également au sein de cette dernière que naissent les joies et les espérances : White Men Are Black Men Too ne se fait donc pas plus sombre que de raison, tord le coups à la morosité ambiante, et si de certains titres se dégage une réelle animosité (Feasting, Rain Or Shine, Old Rock'n'Roll), à aucun moment ce second opus ne se fait suffocant.

Moins cafardeux que son ainé, White Men Are Black Men Too est un objet teinté de ruptures, bourré de nuances et de vents contraires : ici, il y a toujours un chant céleste, des cliquetis édéniques, ou un groove parfaitement imparable pour s'immiscer parmi la horde de rythmiques sourdes, d'incantations et d'effets électroniques syncopés (Shame et Rain Or Shine suintent l'urgence) qui ont fait vœux de prendre d'assaut les nouvelles compositions proposées par le groupe.
Ainsi, bien que Dare Me tombe par instants dans le trip-hop sanguinaire, il sait aussi se faire mélopée pour mieux propulser nos esprits dans les étoiles, nous renvoyant, à l'instar de Nest et de la guillerette 27, à quelques copies rendues ici et là par TV On The Radio et Bloc Party. Et tandis que sur John Doe, c'est la gouaille punk empruntée à Jamie T. qui vient nous mettre du baume au cœur, c'est bien la rythmique binaire de Shame qui nous donnera l'envie, à chaque écoute de la chose, de tenter quelques pas de danses, imparfaits bien évidemment.

On le disait déjà, mais White Men Are Black Men Too, c'est aussi est un pur produit de la rue. En ce sens, la voix reste tout du long un élément absolument central, qui passe, repasse, se faufile, et va même jusqu'à s'imposer lorsque le morceau est essentiellement instrumental (Feasting). Mieux encore, celle-ci sait également se travestir, et l'espace de quelques secondes, la voilà qui se fait ample et caverneuse pour mieux nous renvoyer l'image de ce bon vieux Matthew Dear (Feasting, toujours elle).
Alors, parfois, cette voix cède à l'appel des aigus. Parfois, elle se montre autrement plus virulente, vecteur d'une colère aussi franche qu'insoutenable, et c'est dans ces moments d'abandon d'ailleurs que naissent les titres du calibre d'Old Rock'n'Roll qui, contrairement à ce que son nom laisse à penser, est un titre hip-hop pareil à ceux nés dans les années 90 à l'ombre des buildings de Manhattan. Et puis, parfois, mais c'est là beaucoup plus rare, elle se fait funambule, insaisissable, joueuse dira-t-on même, preuve en est l'étonnante Get Started (quel meilleur titre pour clôture un album ?), valse rap tout à fait inattendue et pièce maîtresse de ce second album de bout en bout maîtrisé.

Aussi incroyable que celui puisse paraître, White Men Are Black Men Too se hisse donc au niveau de son prédécesseur, et achève d'élever Young Fathers au rang des groupes britanniques les plus stimulants du moment. Solaire, mais jamais niais, il avance sur son fil avec aisance, tel un funambule sans balancier, passant sans frémir entre ombre et lumière pour mieux nous rappeler la complexité des sentiments auxquels l'âme humaine peut être soumise. Parait-il que certains ont récemment mis le feu aux poudres de la polémique. En cause : le titre de l'album. Les pauvres, s'ils savaient à quel point ils gagneraient à se concentrer sur la belle musique que voilà.
tracklisting
    01. Still Running
  • 02. Shame
  • 03. Feasting
  • 04. 27
  • 05. Rain Or Shine
  • 06. Sirens
  • 07. Old Rock'n'Roll
  • 08. Nest
  • 09. Liberated
  • 10. John Doe
  • 11. Dare Me
  • 12. Get Started
titres conseillés
    Shame, Old Rock'n'Roll, Get Started
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