Robin Guthrie & Mark Gardener

Retour de Slowdive, nouvel album de My Bloody Valentine, reformation de Ride : ces dernières années nous aurons plongé en plein revival shoegaze. Une myriade de groupes se revendiquent aujourd'hui de cette scène née dans les années 90, et ce parfois jusqu'à en dégouter les plus grands amateurs de distorsion et de voix vaporeuses. Après tout, on le sait, il ne restera de cette période que les meilleurs, et les autres seront oubliés dans les abimes de Discogs. Et au milieu de ce chaos, deux légendes issues du shoegaze originel ont décidé de former un duo et d'enregistrer un album en toute confidentialité. Mark Gardener, chanteur guitariste de Ride, et Robin Guthrie, moitié des regrettés Cocteau Twins, ont ainsi allié leurs forces pour accoucher de Universal Love. L'album suinte l'humilité, comme le montre le manque de communication l'ayant précédé. Les deux hommes semblent ainsi avoir voulu se faire plaisir avant tout, et l'ensemble s'en ressent.

L'album s'ouvre sur une très belle chanson éponyme. Au-dessus des vagues de guitare de Guthrie, Gardener semble appeler l'auditeur au calme et à la simplicité (« keep it simple keep it slow, this crazy scene will make your head explode »). Naïf, oui. Niais, sans doute. Mais le titre, en dépit de ce goût un peu sucrailleux, a quelque chose d'infiniment apaisant, jusqu'à ce que surgisse ce magnifique solo de guitare en plein milieu de la chanson. Ici semblent s'écarter, enfin, les nuages; ici semble s'arrêter, pour quelques secondes seulement, le temps. Universal Love, si elle constitue un des sommets de l'album, préfigure ce que sera ce dernier : une succession de chansons pop dénuées de tout cynisme, parfois maladroites, mais presque d'autant plus attachantes.
Guthrie, en retrait, réussit à sublimer les mélodies susurrées par Gardener en y ajoutant des choeurs lointains et des guitares pleines de réverbération. Old Friend, qui fait suite au très joli Amnesia, ne dépareillerait cependant pas dans un ascenseur ou dans une happy end faussement mélancolique. Le trop plein de sucre : voilà une des choses que l'on pourra reprocher au duo à plusieurs reprises. Travers rapidement oublié dès l'écoute de Yesterday's News, ballade chantée par un quinquagénaire qui regarde en arrière et contemple sa vie. Car s'il y a bien quelque chose de mélancolique qui se dégage de tout l'album, le sentiment qui prédomine est bel et bien la sagesse. Les deux compères ont connu les affres du succès, et avec eux le chaos, la route et les excès. Ils ne semblent maintenant aspirer qu'au calme et à la liberté de faire ce qui leur plait.

Et c'est, bien souvent, pour le plus grand bonheur de l'auditeur. Ainsi, l'enchainement de Sometime, Triumphant et Reason est réellement sublime. La dernière chanson, en particulier, marque le point culminant de l'album, avec ces montées venues de nulle part, qui semblent, vers la fin, ne plus jamais vouloir redescendre de leur sommet. La production de Universal Road trouve également dans ce titre son climax, construisant une montagne croissante de choeurs et d'instruments. L'album se clôture sur la dispensable Blind, référence au titre Drive Blind de Ride.

Une collaboration réussie, donc, pour les deux vétérans du shoegaze et de la dream pop que sont Mark Gardener et Robin Guthrie. Les deux hommes semblent avoir une complicité à toute épreuve et livrent là un album sincère et, chose rare de nos jours, dénué de toute prétention. Un disque à écouter en déambulant dans les chaotiques rues de la ville, mains dans les poches et clope au bec. Le tout en essayant d'observer le monde avec autant de sagesse et d'humilité que semblent le faire ici les deux musiciens anglais.