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Joanna Gruesome

Peanut Butter

Joanna Gruesome - Peanut Butter
Chronique Album
Date de sortie : 11.05.2015
Label : Fortuna POP!
35
Rédigé par Hugues Saby, le 6 mai 2015
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Un bon gros feedback en guise d'ouverture. Des enchaînements d'accords simples, et une tension permanente entre agressivité et tendresse. Voilà qui fait toujours plaisir, et qui installe dès les premières secondes un sentiment de confort et un vif intérêt pour ce deuxième album de la jeune coqueluche grunge/pop de Cardiff Joanna Gruesome. En un éclair -vingt-deux minutes !- le quintet nous balance en pleine poire et avec férocité une naïveté et une évidence mélodique qui rappellent les Ramones, tant en termes de sensibilité musicale que d'efficacité, en l'occurrence redoutable. Mais plus encore que les similitudes, nombreuses, avec de très bons groupes, ce qui frappe d'emblée c'est la voix d'Alanna McArdle. Cette voix aérienne et étonnamment fluette pour ce style de musique, a le mérite d'emmener très haut l'ensemble des musiciens, sans toutefois tomber dans le piège d'une vulgarité lyrique déplacée. Et paf, déjà un point dans la musette. En seulement dix morceaux, très courts, les affreux installent une ambiance à deux étages, joyeuse et névrotique alternance entre une guitare rythmique profondément distordue et une guitare lead très délicate, presque cristalline, et extrêmement harmonieuse. Les double voix sont belles et sans fioritures, à la tierce ou à la quinte, sans que cela ne paraisse faiblard ni simpliste. Pourtant, dans ce type de pop délicate, les écueils sont nombreux, le principal d'entre eux étant de tomber dans un registre mainstream typiquement nineties façon Six Pence None The Richer (aïe aïe aïe). Mais la team Gruesome sait contenir son art avec maîtrise dans des limites familières et agréables, celles d'un lo-fi pré grunge évoquant l'inexorable triplette Sebadoh/Teenage Fanclub/Pavement, et bien sûr aussi, les Ramones déjà évoqués (et dont Joanna Gruesome reprennent accessoirement le concept de fausse fratrie). La batterie est impeccable, la basse est un sniper, à la fois précis et impitoyable. Bref, tout cela est très plaisant. Paf, un deuxième point dans le cornet.

Aux alentours du quatrième morceau, on ne peut néanmoins se défaire d'une impression désagréable d'un trop grand contrôle. Il manque quelque chose à ce disque, sans doute un véritable lâcher prise, et cela nuit à ce qu'il peut parfois nous faire ressentir. L'originalité et la profondeur manquent cruellement, et on cherche rapidement une couche sous le sensuel vernis. En résumé, et malgré une composition et une exécution quasi parfaites, ça manque de tripes. La faute peut-être à cette voix justement, qui donne un sentiment de propre un tantinet trop tenace y compris quand elle crie. Et c'est seulement quand des dissonances et des dérapages s'immiscent entre les accords répétés en boucle qu'une véritable tension apparaît, donnant une idée de ce que Peanut Butter a vraiment sous le capot. C'est la cas sur Crayon ou I Don't Wanna Relax par exemple. Autre accident, ce riff de guitare fabuleux sur Separate Bedrooms (de 1 minute 21 secondes à 1 minute 32 secondes) tout droit sorti de Buddha, le premier album de Blink-182, et qui vaut à lui seul le troisième point.

Ces quelques éraflures mises à part, le groupe joue un jeu de good cop/bad cop trop systématique, à l'image des double voix du chant lead alternant cris sauvages et douceur angélique, capables en un feulement de nous faire frissonner d'émotion, mais sans jamais que vraiment l'on ne tremble. Psykick Espionnage, sans doute le titre le plus abouti de l'album, est la parfaite synthèse des qualités et des défauts de ce beurre de cacahuètes. L'alchimie entre douceur et violence est parfaitement dosée, mais trop calculée, trop lisse, manquant au final cruellement d'envie, d'urgence et donc d'intérêt. Il s'en serait pourtant fallu de pas grand chose pour que ce disque ne soit un sans faute. Et c'est malheureusement à la fin du disque que les horribles se lâchent enfin. Ce tourment, cette tension tant désirés apparaissent enfin sur Hey ! I Wanna Be Yr Best Friend et sa dissonance intrigante entre guitare lead et basse, et ses riffs de guitare à mi-chemin entre une musique de jeu de plateforme et le psychédélisme pervers d'un apprenti guitariste qui contiendrait à peine son désir de rage et d'électricité en récitant maladroitement ses gammes à son prof de solfège. Et à titre personnel, c'est pourtant exactement ce que j'avais envie d'entendre.

Pour cela, Joanna Gruesome méritent encore un demi-point. Et s'ils pondent un prochain disque avec dix morceaux de cet acabit, ils mériteront sans forcer les 1,5 points qui les séparent encore de la perfection.
tracklisting
    01. Last Year
  • 02. Jamie (Luver)
  • 03. Honestly Do Yr Worst
  • 04. There Is No Function Stacey
  • 05. Crayon
  • 06. I Don't Wanna Relax
  • 07. Jerome (Liar)
  • 08. Separate Bedrooms
  • 09. Psykick Espionnage
  • 10. Hey! I Wanna Be Yr Best Friend
titres conseillés
    Separate Bedrooms, Psykick Espionnage, Hey! I Wanna Be Yr Best Friend
notes des lecteurs