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Everything Everything

Get To Heaven

Everything Everything - Get To Heaven
Chronique Album
Date de sortie : 15.06.2015
Label : RCA
2
Rédigé par Hugues Saby, le 22 juin 2015
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J'ai un problème avec Everything Everything. Enfin plusieurs. Disons que j'en ai un sérieux et d'autres moins importants. Ces derniers sont certainement d'ordre plus personnel, et sans aucun doute surmontables. Il s'agit plus de petits tracas, de reproches divers.

Le premier d'entre eux, c'est que EE (désolé, mais j'en ai marre de retaper leur nom à chaque fois) n'a produit que deux, voire trois bons morceaux sur leur nouveau disque Get To Heaven. Et qu'en plus, ceux-ci sont en tout début d'album. Ça peut être un choix, ça peut être une qualité même. Mais quand les huit autres pistes sont ennuyantes à mourir, ça pose quand-même un petit souci. À savoir qu'on décroche dès la quatrième, à la cinquième on pique du nez, et on est en plein sommeil paradoxal à la sixième déjà. Et on se réveille à la fin de l'opus. Résultat, on recommence. Et on se dit que les trois premiers morceaux sont vraiment bons. Et puis on décroche. Et puis...Vous voyez le tableau.
Le deuxième reproche à faire à EE, c'est que le constat était le même sur leurs précédents albums. Hormis quelques titres géniaux (mais par contre vraiment), à l'instar du fabuleux Cough Cough, c'était quand même passablement ennuyeux. Disons dispensable. À la limite, ça serait même tout à fait convenable si le groupe n'avait pas une fâcheuse tendance à l'expérimentation pénible. La volonté affichée de faire quelque chose de différent, de novateur, ce qui donne rarement une musique humble. C'est là le troisième petit tracas que me causent les Anglais. Il y a dans leur expression musicale une véritable forme de talent, et pour le coup quelque chose de vraiment surprenant, au bon sens du terme. J'y reviendrai. Mais cette surabondance d'inutiles artifices pour épater la galerie, c'est sacrément casse-bonbons.
Prenez par exemple cette espèce de beat à l'envers sur la dernière plage de l'album. Un effet de syncope entre la basse et la batterie qui donne l'impression d'avancer à reculons. Ça ne sert à rien, c'est prétentieux et c'est énervant. Ces collages sonores à répétition, comme sur Distant Past et ces voix synthétiques qui viennent couper la parole à Jonathan Higgs en se juxtaposant à son flow déjà très rapide et plutôt envahissant. Ça non plus ça ne sert à rien, et ça aussi c'est prétentieux et c'est énervant. Et c'est là qu'on touche au vrai problème. Et là, ce n'est pas de ma petite opinion qu'il s'agit. Tout le monde doit se sentir concerné.

Car en récidivant sur Get To Heaven avec leur musique hystérique à base de copier/coller sonores et musicaux, les EE posent un défi majeur à la pop moderne. Aurait-on à ce point fait le tour de la question ? Cette manière de construire une musique injouable en live, impossible à fredonner ou à reproduire avec une guitare acoustique ou un piano à moins de les transformer profondément... Cela interroge sur la manière de composer, d'envisager, de penser la musique. Y a-t-il déjà eu tant de groupes, tant de morceaux, qu'on en serait arrivés au point que les accords, la mélodie, l'évolution harmonique d'une chanson soient devenus obsolètes ? Comme si l'avenir de la pop devait à partir de ce jour n'être plus qu'une anonyme série de pistes sur Pro Tools, samplées à l'envi, retouchées, superposées. Bien sûr, tout cela n'est qu'une thèse que je pose là. Mais c'est l'effet que me fait la musique des anglais. D'accord, ils jouent sur des instruments, d'accord les meilleurs morceaux ont une vraie identité, des mélodies accrocheuses, une structure couplet/refrain/pont finalement très traditionnelle. Mais où est le feeling, l'humanité, la tendresse dans cette musique profondément synthétique ? Personnellement, je ne la trouve pas. Disons que je ne sais pas y accéder. Réactionnaire ? Peut-être bien.

Mais tout n'est pas perdu pour autant. Car malgré tout ce qui précède, EE possède un incroyable talent (pardon) : celui de créer des dynamiques à couper le souffle entre des couplets minimalistes et des refrains surdimensionnées. C'était le cas sur Cough Cough, c'est aussi le cas sur les deux premiers morceaux de Get To Heaven. Sur To The Blade, la voix progresse presque a capella, sur un fil, frêle et innocente. Et puis d'un coup, tout explose. Quatre accords plaqués, surpuissants, qui donnent du relief à tout l'ensemble. On en prend plein la gueule. C'est la même sur Get To Heaven et son refrain en falsetto, sur Distant Past et ses guitares presque funky, ou encore sur le pont de Spring/Sun/Winter/Dread, où tout l'art du groupe se révèle sur un principe d'anaphase vocale et rythmique unique, breveté et sincèrement impressionnant (« Cause you dit it to her / And you did it to Him / And you did it before / And you'll do it again ») qui crée une tension euphorisante, extatique. Dans ces moments-là, les EE sont littéralement géniaux, et on ne peut que sauter partout en s'abandonnant à la supériorité de la chose. Mais lorsque la magie n'opère pas, c'est à dire la plupart du temps (sept titres sur onze tout de même), les morceaux sont vains, ennuyeux, et ce disque n'a pas de réel intérêt. Sauf bien sûr si vous êtes le genre de personne à adorer The King Of Limbs de Radiohead, auquel cas vous l'aimerez beaucoup. Si au contraire vous êtes, comme moi, plutôt le genre à vénérer AM des Arctic Monkeys, avec ses vrais instruments, ses vraies mélodies et sa vraie écriture, vous le détesterez.

Réactionnaire ? Peut-être bien.
tracklisting
    01. To The Blade
  • 02. Distant Past
  • 03. Get To Heaven
  • 04. Regret
  • 05. Spring/Sun/Winter/Dread
  • 06. The Wheel (Is Turning Now)
  • 07. Fortune 500
  • 08. Blast Doors
  • 09. Zero Pharoah
  • 10. No Reptiles
  • 11. Warm Healer
titres conseillés
    To the Blade, Distant Past, Spring/Sun/Winter/Dread
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