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Foals

What Went Down

Foals - What Went Down
Chronique Album
Date de sortie : 28.08.2015
Label : Transgressive Records
5
Rédigé par Hugues Saby, le 24 août 2015
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« Wow » : voilà une entrée en matière qui me paraît justifiée pour qualifier le disque anglais le plus attendu de cette année. What Went Down nous cueille par une trempe en pleine figure là où Holy Fire nous avait laissés. C'est à dire en présence d'un groupe qui a marqué un très grand coup à chacun de ses albums, révélant systématiquement une nouvelle facette de sa personnalité, explorant —et surtout maîtrisant— une nouvelle dimension musicale de son infinie identité.

Combien de groupes peuvent se targuer d'une telle discographie ? D'un premier album aussi puissant et marqué que Antidotes ? D'un deuxième disque aussi confirmé et hallucinant de confiance que Total Life Forever ? D'un chef d'œuvre truffé de singles comme Holy Fire en guise de troisième ? Pas beaucoup. Chaque effort des musiciens d'Oxford offre, à travers ses singles phares, une idée de leur évolution et de leur potentiel, tous deux gigantesques. Prenez par exemple : Balloons, Spanish Sahara, Late Night. Pris séparément, chacun de ces titres —on pourrait en citer tant d'autres- est une folie à lui seul. Si on l'envisage sous l'angle de la progression, en termes de technique, d'identité, de profondeur, ça devient carrément dingue. Après leur troisième album, peu de cordes manquaient encore à l'arc de Foals pour devenir un groupe total, un « Barça » de la musique.

Fureur, rage, violence, agressivité... Dès le premier morceau de What Went Down (c'est à dire What Went Down) on comprend immédiatement que plus rien ne leur manque, et que tout est possible désormais. Avec ses guitares à la fois fuzz et sur-distordues, sa hargne vocale, ses refrains en plomb fondu, c'est sans doute le titre le plus costaud jamais composé par Foals. Ils enfoncent le clou ébauché sur des titres comme Providence, mais en profitent cette fois pour défoncer le mur. Cette dimension violente sera exploitée, ouvertement ou de manière sous-jacente, sur l'ensemble du disque, s'ajoutant au reste de leur répertoire désormais illimité. Avec ce quatrième opus, ils poursuivent une marche en avant vertigineuse en direction de la perfection. Rien que d'imaginer où la suite les/nous emmènera me flanque le tournis.
On pourrait d'ailleurs dire de chaque morceau qu'il est « le plus quelque chose » jamais composé par eux. Ainsi, Mountain At My Gates, avec son ouverture cristalline, sa montée en puissance fulgurante, sa pureté mélodique, vocale et sonore, est sans doute leur plus beau. Give It All et ses gammes pentatoniques à la fois kitch et sublimes, celui où Yannis Philippakis chante le mieux, oscillant entre frêle oisillon et tonitruant panzer, s'adaptant sans cesse avec brio à son sujet. Snake Oil, et son blues rock pesant des mégatonnes, dont l'assurance et la beauté sont à la fois furieusement cool et méchamment pernicieuses, leur plus moderne, finalement. Avec en plus cette bizarrerie que la voix de Yannis évoque —stupeur— celle de Dan Auerbach. Et ainsi de suite, vous voyez où je veux en venir. What Went Down peut donc être sommairement résumé —mais jamais réduit— à l'album superlatif du groupe. Plus encore, c'est certainement le plus abouti. Les trois premiers disques contenaient en eux toutes les racines des fleurs célestes qui poussent aujourd'hui dans nos oreilles et cerveaux ébahis. Mais ils étaient tous plus orientés dans une direction musicale plutôt qu'une autre. Même Holy Fire, qui ferait figure de testament pour de nombreuses autres formations, n'était pas aussi complet, aussi plein. On a affaire à une œuvre totale, non pas un aboutissement mais quelque chose d'entier et d'énorme, un mastodonte protéiforme, un monolithe d'intelligence façon « 2001 l'Odyssée de l'Espace », symbolisant non pas la finitude mais bien le nouveau départ d'un groupe qui a surclassé tout le monde. Ou presque. À mon sens, seuls les Arctic Monkeys et leur discographie ont atteint le même statut dernièrement, la même qualité, dans des genres bien sûrs très différents, et même si des centaines de milliers de haters débineront allégrement cette attestation. Ce n'est pas un hasard si What Went Down se clôt par un triptyque, composé de London Thunder, Lonely Hunter et A Knife In The Ocean, dont les pianos arythmiques, la mélancolie, la profondeur mélodique, les voix hypnotiques rappellent parfois Radiohead -tiens, un autre groupe culte—, mais viennent surtout parachever l'œuvre d'ensemble, un peu comme la fresque de la chapelle Sixtine.

Sur ce disque, seuls Birch Tree et Albatross sont un peu plus conventionnels, un peu plus paresseux, même si ces épithètes sont bien mal choisis pour décrire un travail certes un chouia circulaire et plus accolé aux standards foalsiens, mais qui reste excellent, harmonieux et tellement efficace. Cette rythmique tribale incessante, ces chœurs éthérés... Damn ! Autre petit défaut du disque : un excès de compression sur les montées en puissance, certainement voulu à la production, mais parfois un poil agaçant parce qu'inutile, en fait. Les compositions sont si parfaites qu'elles se suffisent à elles-mêmes, sans effet de manche. Pas de quoi fouetter un chat donc, ni même enlever un demi-point à ce sublime disque, qui restera comme une pierre d'angle pour les oxfordiens, qui flottent désormais au firmament parmi les illustres, et comme un chef d'œuvre à contempler et écouter en boucle dans les années à venir pour le reste d'entre nous, pauvres mortels.

Alors même que les charts de France sont squattés par des tocards sans talent ; alors même que les passéistes s'emportent en brandissant leur fameux « c'était mieux avant » ; alors que quelque part un énième rock critic vient de prononcer pour la millionième fois la phrase « le rock est mort », nous avons la chance d'assister, en 2015, à la naissance d'un groupe divin, mythique, éternel. Alors, on arrête de pleurer sur son Sgt. Pepper's Lonely Hearts Club Band ou son Definitely Maybe, et on court acheter le dernier disque de Foals. Vous ne rêvez pas. Ça se passe ici, et maintenant.
tracklisting
    01. What Went Down
  • 02. Mountain At My Gates
  • 03. Birch Tree
  • 04. Give It All
  • 05. Albatross
  • 06. Snake Oil
  • 07. Night Swimmers
  • 08. London Thunder
  • 09. Lonely Hunter
  • 10. A Knife In The Ocean
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    What Went Down, Snake Oil, Night Swimmers
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