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CHVRCHES

Every Open Eye

CHVRCHES - Every Open Eye
Chronique Album
Date de sortie : 25.09.2015
Label : Virgin Records
4
Rédigé par Hugues Saby, le 5 octobre 2015
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Je me rappelle encore de l'arrivée de CHVRCHES sur terre. Tout droit descendu de la voute céleste, ce trio synthétique de Glasgow a délivré son premier message d'amour en 2013, et personnellement, je ne m'en suis toujours pas remis.

The Mother We Share, leur premier single, était un choc absolu. D'une intensité phénoménale, d'une beauté indicible et d'une urgence presque intolérable. À l'écoute de ce morceau parfait, qui possède cette capacité commune à tous les grandes œuvres électroniques de se connecter immédiatement et directement au centre nerveux de nos émotions les plus viscérales, et de s'adapter parfaitement à n'importe quel paysage physique ou mental, on ne pouvait qu'être convaincu de la capacité du groupe à parler à nos âmes en perdition sans intermédiaire. Les singles suivants, Recover, et Gun étaient plus ou moins de la même trempe, un uppercut au plexus solaire administré par une voix d'ange, trois bouts de ficelle synthétique et une sincérité musicale extrême. En cela, CHVRCHES s'inscrit dans la droite lignée de groupes comme Depeche Mode –dont ils ont d'ailleurs assuré la première partie aux arènes de Nîmes en 2013- : leur musique, circonstanciée par un contexte électronique bien précis, vieillira sans doute et nous paraîtra un jour très marquée « tennies » (comme la formation de Gahan était marquée eighties puis nineties). Mais sa capacité à nous toucher de la manière la plus intime et la plus prenante qui soit demeurera intacte. C'est la force des groupes que l'on regroupe sous la catégorie synthpop : un langage synthétique dont la texture seule parle aux tréfonds des entrailles combinée à une écriture pop qui s'adresse elle à nos intellects romantiques et tourmentés.

Every Open Eye est ainsi le successeur évident de The Bones Of What You Believe, leur premier disque, dont il reprend les qualités tout en en compressant les défauts. Ces qualités, vous les connaissez, nous les avons décrites par le menu : urgence et puissance, beauté et intensité, émotion et passion. Tout cela nous pète à la figure dès Never Ending Circles, qui ouvre l'album. Des beats tonitruants, mécaniques et sous pression, un refrain alcalin et des arrangements naïfs (au sens artistique du terme) sur laquelle la voix élégiaque de Lauren Mayberry n'a plus qu'à se poser pour nous mettre à genoux, prostrés devant la toute puissance divine, dévoués à la cause de ces réjouissantes églises. Comme sur le précédent opus, c'est d'ailleurs cette voix à la fois fragile et dévastatrice de la jeune Écossaise qui place le groupe au-dessus du lot. Non pas que les instrumentaux soient de piètre qualité, bien au contraire, mais c'est elle qui fait l'identité du groupe, sa signature musicale. Il suffit pour s'en convaincre d'écouter le refrain de Leave A Trace, qui est un condensé de leur style : une arme de destruction massive d'une déconcertante vulnérabilité. C'est elle qui permet aussi, sur Keep You On My Side de rendre palpable, sur des phrases aussi banales que « I don't sleep well », une tension intérieure proche de l'explosion. Elle est il est vraie parfaitement soutenue dans cette tâche par des beats infatigables et des synthés dont la naïveté (on y revient, cette dimension est essentielle) rappelle les grandes heures de groupes comme The Human League.

Dans ce voyage à très haute altitude, les trous d'air sont rares. High Enough To Carry You Over en constitue un majeur, où l'on se rend compte, comme sur le premier album, que lorsque Mayberry ne chante pas, l'affaire retombe comme un soufflé. L'alchimie est un équilibre permanent, et quand un élément n'est pas à sa place, cela se sent tout de suite. Parfois, l'innocence pop et des synthétiseurs un peu trop systématiques nous montrent aussi les limites de l'exercice, comme sur Empty Threat, où les claps et les rythmes hystériques rappellent de manière assez désagréable la bande son des premiers films de Danny Boyle. Mais le ratage n'est jamais complet puisque la voix de Lauren, encore et toujours elle, parvient malgré tout, ne serait-ce qu'un court instant, à relever le niveau. C'est paradoxalement dans les morceaux les plus ouvertement sensibles, posés, romantiques, que CHVRCHES réussit le moins. Down Side Of Me et surtout Afterglow, qui clôture le disque sur une note bizarrement très « Take My Breath Away » sont ainsi très en dessous du reste (même si jamais complètement dénués de tension et d'intérêt). C'est donc vraiment cela l'art, l'ADN des glaswegiens : leur sensibilité exacerbée et la beauté subtile de leur musique ne s'exprime jamais mieux que lorsque les instrumentaux et les beats sont au summum de leur agressivité. Ce sont eux qui permettent à la chanteuse de pleinement exprimer ce qu'ils ont à dire. Clearest Blue, Playing Dead et Bury It en sont de parfaits exemples. Dans ces moments-là, le groupe est intouchable, et chose rare, vraiment unique.

La seule question qui persiste est celle de la scène : la retranscription littérale et pas toujours juste de The Bones Of What You Believe en concert fut une réelle déception, en tout cas au début de la tournée. Arriveront-ils à rendre les qualités de Every Open Eye en live ? C'est le seul doute qui demeure. Car pour le reste, c'est l'évidence même : voilà un excellent disque d'un excellent groupe.
tracklisting
    01. Never Ending Circles
  • 02. Leave A Trace
  • 03. Keep You On My Side
  • 04. Make Them Gold
  • 05. Clearest Blue
  • 06. High Enough To Carry You Over
  • 07. Empty Threat
  • 08. Down Side Of Me
  • 09. Playing Dead
  • 10. Bury It
  • 11. Afterglow
titres conseillés
    Never Ending Circles, Leave A Trace, Keep You On My Side
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