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Bloc Party

Hymns

Bloc Party - Hymns
Chronique Album
Date de sortie : 29.01.2016
Label : BMG Rights Management
3
Rédigé par Julien Soullière, le 27 janvier 2016
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A en écouter certains, c'est sûr, Bloc Party n'est plus. Le groupe anglais est mort et enterré, et si c'est aux extrémistes que l'on offre notre attention, c'est pour se faire dire qu'il l'est depuis la sortie de son premier album. Il faut une belle dose d'arrogance pour affirmer avec autant d'aplomb de telles choses, car cela reviendrait finalement à dire, et d'une que l'on est en droit de décider ce que doit être ou non un groupe, et de deux, qu'une formation ne pourrait se définir qu'en fonction d'un genre ou de gens. D'ailleurs, et si c'était le cas ? Et si Bloc Party ne trouvait de légitimité que dans les envies et l'appétit de Kele Okereke ? Alors, le mécanisme ne se serait jamais grippé, la planète nous ferait l'affront de tourner encore, car, oui, le joueur ainsi pointé du doigt est toujours sur le terrain.



Si l'on définit Bloc Party comme le projet artistique de Kele Okereke, celui-ci n'a donc jamais cessé d'exister. Il n'a fait qu'évoluer, album après album. Deux fois de suite, le coup du renouveau aura fonctionné. Et puis, arriva Four, et avec lui, la ligne séparant grassement l'avant de l'après : pour la première fois, un disque signé Bloc Party ne laissera aucun goût particulier en bouche. Son successeur direct, Hymns n'en laissera pas davantage.
On vient d'évoquer la sensible hétérogénéité qui caractérise la discographie de Bloc Party, et il est vrai qu'il n'y aurait pas assez d'un seul monde pour combler le vide qui s'étend entre Hymns et Silent Alarm. La témérité des débuts gît désormais à terre, tout à côté des refrains fédérateurs et immédiats dont on aimait se délecter. A mille lieues du père fondateur, ce nouvel opus ne se rapproche pas plus d'A Weekend In The City, d'Intimacy ou de Four. Du premier disque cité, il n'a pas l'amplitude émotionnelle. Du second, il n'hérite aucunement de l'incroyable exubérance. Du dernier, il ne retient pas grand-chose de ses élans primitifs, ce qui a bien y réfléchir, n'est pas forcément plus mal. Personnages emblématiques quatre chapitres durant, Matt Tong et Gordon Moakes ont quant à eux rendu les armes, entraînant dans leur fuite l'énergie déployée toutes ces années par leurs instruments de prédilection (basse, batterie). Peu ou pas de surprises : on sentait le vent tourner depuis longtemps déjà, et ce malgré les jeux de mains habiles d'Okereke le manipulateur (le bonhomme noyait volontiers le poisson en interview). Celui-ci place deux nouveaux pions dans son jeu, Louise Bartle et Justin Harris, qu'il espère plus avares en contestations.



Hymns n'est donc aucun de ses prédécesseurs, mais ces derniers s'y expriment malgré tout par petites touches. Pour autant, là où on aurait espéré des forces en présence qu'elles concourent d'un trait un seul vers l'harmonie, qu'elles en appellent à l'excellence, c'est en un tout autre endroit que celles-ci convergent. Et c'est alors sur une admirable absence de parti pris que les faisceaux s'arrêtent. Hymns est un disque honnête, qui s'écoute sans broncher, mais qui a pour défaut d'être un album excessivement tiède et donc parfaitement quelconque.
Aucunement turbulent, à la limite du contemplatif, il laisse tout juste le temps à Russell Lissack de faire sonner sa guitare comme au bon vieux temps (Virtue, My True Name, So Real) et aux effets électroniques de tenter quelques franches incartades (le clavier kitscho-braque qui égaye The Love Within, les sirènes alertes qui hantent les refrains de l'excellent Virtue). Parfois, la névrose des bons jours reprend le dessus (Different Drugs et ses accents dubstep), mais à lui tout seul, l'arbre ne saurait cacher l'immense forêt qui s'avance. Si la voix de Kele est toujours aussi agréable, sauf bien sûr lorsqu'il se décide à geindre (Fortress, titre aussi hypnotique que dépouillé), et qu'on se félicite d'avoir évité la soupe électro-dance qu'on pouvait craindre, reste que nombre de morceaux ne présentent ici que trop peu d'intérêt : à ce titre, les candides So Real et Into The Earth sont tout juste passables, là où The Good News pleine de peps et de relents country semble malgré tout bien fade au vu des pépites dont le groupe s'est déjà rendu coupable par le passé.

Objectivement, Hymns n'a rien de honteux, c'est même un disque tout à fait agréable. Mais quand on se dit que la chose est signée Bloc Party, on ne peut qu'être gagné par la déception. Pourquoi ? Parce qu'on prend aujourd'hui pleinement conscience que ce nom n'est définitivement plus synonyme d'avant-garde.
tracklisting
    01. The Love Within
  • 02. Only He Can Heal Me
  • 03. So Real
  • 04. The Good News
  • 05. Fortress
  • 06. Different Drugs
  • 07. Into The Earth
  • 08. My True Name
  • 09. Virtue
  • 10. Exes
  • 11. Living Lux
titres conseillés
    Different Drugs, My True Name, Virtue
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