Chronique Album
Date de sortie : 08.04.2016
Label : Fortuna POP!
Rédigé par
Yassine, le 9 avril 2016
September Girls, quintette formé en 2011 à Dublin, est de retour avec son second album, Age Of Indignation, sortant ce vendredi 8 avril chez Fortuna POP!. Le groupe, dont le nom trouve son origine dans la chanson September Gurls de Big Star écrite par Alex Chilton en 1974, s'est fait connaître avec un premier opus, Cursing The Sea (2014) qui a reçu les éloges de la part de la critique musicale, grâce à un mélange savoureux des genres, alliant le surf rock du Los Angeles des années 60, l'esprit punk des années 70 et la pop britannique des années 80.
Cette fois, la bande formée par Caoimhe Derwin, Jessie Ward, Lauren Kerchner, Paula Cullen et Sarah Grimes a pris un chemin très différent, avec un disque plus crépusculaire, structuré autour d'une atmosphère pop gothique et des guitares vaporeuses plus proche de la tradition post-punk britannique que des mélodies pop sucrés auxquelles elles nous ont habitué. Un changement significatif, où le groupe navigue en eaux troubles avec pour moteur la colère et un engagement politique marqué sur des sujets brûlants, tels que le féminisme ou la place de la religion dans la société irlandaise. Des thématiques fortes, avec un travail sonore plus dense, plus chirurgical aussi, grâce à des moyens techniques plus importants mis à sa disposition : contrairement à Cursing The Sea, Age Of Indignation a vu le jour dans un lieu d'enregistrement professionnel, à l'Orphan Studio de Dublin.
Une donnée qui a son importance, car à l'écoute des dix pistes, on sent le souci que le groupe a eu de trouver une harmonie entre l'écriture et le chant, afin de rendre leur sentiment d'indignation plus audible. Les guitares de Caoimhe Derwin et Jessie Ward O'Sullivan créent un sentiment de tension permanente, là où les lignes de basse de Paula Cullen s'accordent aisément aux notes de la claviériste Lauren Kerchner. Le tout étant rythmé par la batterie obsédante de Sarah Grimes.
L'album s'ouvre autour d'un riff brumeux, présent dès l'introduction de Ghost, avant que les opinions politiques du groupe ne surgissent au premier plan, comme sur la chanson Jaw On The Floor qui évoque à la fois le mouvement féministe et l'insurrection de Pâques d'avril 1916 à Dublin, toujours présente dans les esprits. Catholic Guilt, titre aux accents nietzschéens, critique vertement la morale et l'institution de l’Église catholique à travers une lentille féministe. Age Of Indignation prend pour cible les réseaux sociaux, tandis que Love No One parle de l'incapacité de l'individu narcissique à pouvoir reconnaître ce qu'elles considèrent comme la « vraie beauté ».
Si les critiques sont fortes, la manière de les proférer se veut paradoxalement plus détachée, presque distante, ce qui rend le contenu moins rébarbatif qu'il n'y paraît. Car si, comme pour beaucoup de groupes passés et présents, la tentation du commentaire politique pure est forte, le groupe a réussi à la contourner, avec brio. Ce nouvel album résonne donc comme le cri d'un groupe assez confiant pour se laisser aller à ses propres inspirations. Et si l'indignation n'est pas nouvelle, elle a le mérite d'exister grâce une couverture sonore souvent bien huilée. Tout en conservant l'intensité entrevue à ses débuts, September Girls offre avec Age Of Indignation un album abouti, qui mérite largement qu'on y prête attention.