Big Deal

Le duo anglo-américain Big Deal vient de publier son troisième album, intitulé Say Yes. Sa réalisation aura été pour le moins chaotique, entre un ordinateur volé qui contenait toutes les démos, une séparation avec leur label, une rupture amoureuse et un appartement cambriolé. Malgré ces déboires multiples, une session d'enregistrement de dix jours durant l'été 2015 aura suffi à faire accoucher d'un merveilleux album de pop affleurant le grunge. Le groupe - Kacey Underwood et Alice Costelloe - s'apparente aussi à un couple qui ne peut que relever l'ambiguïté des paroles, et subira à raison les inévitables comparaisons stylistiques avec The Kills ou Cults. Leur relation a en fait commencé sous la forme d'une liaison professeur/élève, avec une fascination pour Sonic Youth et Dinosaur Jr qui imprègnera toute leur musique.

Say Yes ne déroge pas à la règle. Dès le single Avalanche on retrouve toutes les sonorités qui avaient fait la saveur de June Gloom : des guitares électriques musclées, l'entremêlement des voix des deux chanteurs couvertes de résonances, un déluge de batterie ainsi qu'une mélodie impeccable. La chanson était dans une impasse avant qu'un séjour bucolique en vienne à bout ; Underwood était en fait parti d'un riff qu'il avait entendu quelque part et qu'il a essayé de retrouver à l'oreille.

Le disque est fait d'un noise rock métallique autant que mélodique, bien plus américain qu'anglais, bien plus estival qu'hivernal. On se situe essentiellement dans la veine des années 1990 alternatives, avant que ce style ne se ferme la plupart des radios commerciales. Ainsi la plupart des morceaux de l'album sont d'une facilité d'écoute déconcertante, sans lasser trop vite non plus. L'équilibre est bien trouvé entre passages musclés (Hold Your Fire, Say Yes, Kitty Pride ou V.I.T.R.I.O.L , qui va faire un tour du côté de la new wave des années 1980, avec une batterie électronique pas franchement subtile) et passages plus calmes comme Saccharine et sa lancinante mélodie accompagnée d'un bottleneck (on n'est pas loin des morceaux les plus paisibles de Hole) ou Lux, au son ample fait de grandes nappes sonores et d'une batterie toujours aussi peu fine. Le groupe excelle même dans les balades, comme la mélancolique Still My Dream et ses voix qui alternent entre fragilité et puissance, un peu à la sauce Slow Club période chatoyante.

Kacey Underwood a récemment expliqué que leur premier album traitait du fait de ne pas être ensemble, le second du fait d'être ensemble, et enfin le dernier du fait de s'être séparé et d'essayer de comprendre ce que ça signifie. La seule existence de Say Yes reflète aussi la ténacité et le refus de la fatalité, de la part d'un groupe à la popularité encore modeste mais qui se fait sa place petit à petit dans le monde du rock alternatif.