Alexis Taylor

De temps à autre, le petit Alexis Taylor quitte le monde fantasmagorique de Hot Chip pour voguer vers des terres qu'il est le seul à savoir atteindre. C'est là-bas que sa sensibilité s'exprime le plus librement, sans complexe ni retenue, que sa musique se fait la plus délicate, simple, immédiate. C'est également là-bas que son piano et lui s'accordent le mieux, et si ce troisième disque solo parle copieusement d'amour, il est surtout le théâtre d'une danse des plus langoureuses entre un homme et son instrument de prédilection, son compagnon le plus fidèle : comment imaginer alors pour cet album un autre nom que celui qui lui a été choisi ?



Poser l'oreille sur le dernier-né d'Alexis Taylor, c'est s'attabler dans un club de jazz de bon aloi, profiter d'un cadre feutré qui sait préserver ses hôtes des querelles extérieures. Au milieu des convives, un petit bonhomme aux bésicles proéminentes s'abandonne à nous, se met à nu armé de sa seule voix et de son piano, caressant nos âmes de sa voix fluette, fragile, mais parfaitement placée. Jamais le leader d'Hot Chip ne nous avait paru si sincère, si vulnérable, n'avait partagé avec autant d'aplomb ses doutes, ses obsessions (dont la plus intense de toutes, l'amour), ses angoisses, ses morceaux de cœur également, le disque proposant à ses ouailles deux jolies reprises, l'une du vénérable Artie Glenn (Crying In The Chapel), l'autre de la chanteuse américaine Crystal Gayle (Don't It Make My Brown Eyes Blue).

Chevronnées, les doigts d'Alexis Taylor passent des blanches au noires avec une fluidité déconcertante, rappelant celle avec laquelle les minutes se relaient à l'écoute de ce Piano cotonneux. Mais les mélodies ici charpentées ont beau avoir été brodées sur du velours, tout cela ne saurait être plus qu'un exercice de style. Agréable, certes, mais un exercice de style quand même.

C'est là le seul et véritable reproche que l'on pourrait faire à ce nouvel essai signé Alexis Taylor. A être trop uniforme et appliqué, il ne peut prétendre marquer durablement les esprits, s'imposer comme le grand disque de son auteur. Piano est du genre easy-listening, ce qui n'est pas un reproche, mais souligne forcément son caractère limitatif.