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Hannah Peel

Awake But Always Dreaming

Hannah Peel - Awake But Always Dreaming
Chronique Album
Date de sortie : 23.09.2016
Label : My Own Pleasure
35
Rédigé par Cassandre Gouillaud, le 24 septembre 2016
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Les douces harmonies vocales de Prospect Of Skelmersdale, dernier album du trio The Magnetic North, résonnent encore que déjà Hannah Peel revient intégrer nos existences avec un attendu second album solo, sur lequel elle aura travaillé non moins de cinq ans.

Awake But Always Dreaming est un essai sur la mémoire, source de mélancolie à l'évocation des joies passées, parfois tragiquement défaillante. Après nous avoir ouvert les portes de Skelmersdale, l'artiste nous ouvre un peu plus celles de son intimité avec une oeuvre traitant de la démence, maladie affectant sa grand-mère. Si le mot est entré dans le langage commun en tant que synonyme de folie, elle s'attarde ici sur le symptôme de la perte de mémoire, et puise dans la force des souvenirs la matière principale de cet effort.

Pour autant, celui-ci est loin d'être un recueil relatant uniquement le processus tragique de la perte de soi-même. Il aurait sans doute été étonnant que Hannah Peel nous ait offert un album privé de cet éclat de lumière qui animait jusque-là tous ses projets. All That Matters, premier single et chanson d'ouverture, introduit cette dualité de la mémoire. Mêlant boucles électroniques aériennes et cordes dans une électro-pop tirée vers le rêve, Hannah Peel traite des souvenirs qui nous lient aux êtres d'un bout à l'autre de la vie (« when you're old and full of sleep / all that matters is you with me »).
Elle poursuit l'évasion sur Standing On The Roof Of The World, où les délicates envolées des arpèges maintiennent le cap d'une pop que l'on ressent animée par une mélancolie plus innocente que pesante. Bientôt, pourtant, l'album se teinte de reflets obscurs, à mesure que le bonheur est éclipsé par l'oubli. Tenderly, et surtout Don't Take It Out On Me, sont déparées successivement des rythmiques entraînantes et du chant clair de l'artiste pour laisser place à de lents propos animés par la peine et le regret. L'album bifurque dès lors vers une matière bien plus sincère et touchante, qui constitue là son véritable coeur.

Plaisir ultime de l'écoute d'un album, Octavia, référence aux Invisible Cities d'Italo Calvino dont les existences sont elles aussi en sursis, est le moment où Awake But Always Dreaming se révèle soudainement comme un effort à double visage. Oubliée cette pop légère, que l'on regarde soudainement comme un peu facile, des premiers titres. Nous voici face à quatre minutes d'errances graves et tourmentées, où nappes et boucles aux accents bruitistes s'unissent dans un périple entre réalité et illusion. Surgit tout juste d'entre les tréfonds l'écho lointain de la voix de l'artiste, murmurant « wake up », signe de retour au réel. Plus atmosphérique, Awake But Always Dreaming poursuit dans le sens de cette confusion nouvelle, incarnation de l'inconstance des mémoires qui se perdent et s'enchevêtrent. L'édifice des souvenirs est ébranlé, entraîné dans une chute sans retour incarnée par le retour obsessif de boucles comme de voix aériennes.

Conversations, point de départ et coeur de l'album, s'attaque frontalement aux conséquences tragiques de la démence. Ce piano/voix, sans doute le plus touchant, incarne ces liens avec le monde se perdent « when I awake, yesterday is far away /when I awake, don't recall your name my only friend ». Hannah Peel esquisse un destin où il ne reste plus de place pour cet imaginaire de la fin de vie heureuse, entouré des personnes que l'on aura aimé. La musique, mimant la mémoire, semble errer tel un être désarticulé sur Foreverest. Les voix s'en vont, sont de plus en plus lointaines.

Awake But Always Dreaming n'est pas qu'un album sur la démence, il l'incarne par la musique. L'artiste ne raconte pas une histoire sur les personnes atteintes de démence, elle ouvre une porte sur leur esprit par la musique. L'album tient plus du voyage que du roman. Il se terminera d'ailleurs en douceur sur cette cover de Cars In The Garden de Paul Buchanan, en duo avec Hayden Thorpe de Wild Beasts. Une fin sous le signe du retour à l'enfance, et aux plus heureux des souvenirs.
tracklisting
    01. All That Matters
  • 02. Standing On The Roof Of The World
  • 03. Hope Lasts
  • 04. Tenderly
  • 05. Don’t Take It Out On Me
  • 06. Invisible City
  • 07. Octavia
  • 08. Awake But Always Dreaming
  • 09. Conversations
  • 10. Foreverest
  • 11. Cars In The Garden
titres conseillés
    All That Matters, Don't Take It Out On Me, Octavia
notes des lecteurs
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