Elbow

A bien des égards, la composition d'un album de musique est comparable à la gestion d'une course à pied. Il y a ceux qui gèrent, économisent et misent sur la régularité, ceux qui partent lentement et finissent crescendo, et enfin, ceux qui, depuis l'aube, font le pied de grue sur la ligne de départ, pour rester en tête aussi longtemps que leur sprint le permettra. Le problème étant que bien souvent, les derniers cités sont les premiers que l'on retrouve en bord de route au troisième virage.
Bien que connu pour la régularité de ses performances à chaque course, et malgré sa forme Olympique à Londres en 2012, l'ancien quintet devenu quatuor mancunien Elbow semble faire partie de cette troisième catégorie sur ce septième effort.

Certainement galvanisé par ses exploits passés et les quatre 9/10 attribués à ses précédents albums par le sacro-saint NME, la bande à Guy Carvey démarre en trombe avec l'excellent Magnificient (She Says) qui renoue avec la grandiloquence des One Day Like This et autres The Birds. Elbow vire donc en tête à la sortie du premier virage et, alors que se dessine au loin le second : Gentle Storm, la pole position semble ne plus vouloir quitter le groupe. Seulement, c'était sans compter sur la longueur de cette deuxième courbe qui, bien qu'assez plaisante au début, s'avère finalement assez monotone, et sans réelle variation. Un manque de surprise que l'on retrouve ensuite sur un Trust The Sun somme toute assez plat, qui voit Guy Carvey nous mettre en garde contre la fidélité du soleil. Les ravages de la météo mancunienne...

C'est alors qu'à l'image du Paris-Roubaix 2015, la course croise un passage à niveau fermé avec sur ses barrières, écrit en lettre capitales : PIXIES (cités comme influence principale du morceau). Face à cela, deux attitudes : attendre patiemment que le train passe, et apprécier ce glorieux héritage de la première révolution industrielle ou traverser sans plus attendre pour passer à la suite car on a déjà perdu assez de temps comme ça.
Quelle que soit la stratégie adoptée la suite sera la même avec Head For Supplies qui, tout en douceur, rappellera à l'auditeur attentif que la magie d'Elbow réside avant tout dans sa maîtrise inégalée de l'harmonie feutrée.

C'est précisément au moment où il commence à relever la tête que le coureur Elbow aperçoit le ravitaillement avec Firebrand & Angel : une vraie batterie, des variations rythmiques, un pianiste qui appuie sur ses touches, un refrain taillé pour les stades... en somme : de quoi se refaire une petite santé et repartir sur un bon pied. Hélas une fois encore, le groupe se laisse emporter par son excès d'enthousiasme et s'enferme avec K2 dans une litanie répétitive sans pour autant être entêtante, malgré un usage éclairé du delay.
Puis vient Montparnasse, virage qui, s'il a le mérite de ne pas faire perdre de terrain à nos coureurs, ne leur en fait pas gagner pour autant. Seulement voilà, c'était le dernier virage qui débouche à la partie tout aussi difficile qu'importante : la dernière ligne droite avec Little Fictions. Une ligne droite plus longue qu'il n'y paraît (8:26), pour laquelle, vu la fébrilité d'Elbow, il va falloir gérer pour ne pas s'étaler en son milieu. Et c'est exactement ce que font les quatre comparses en construisant leur dernier effort brique par brique pour réserver aux dernières secondes une dimension épique dont seuls nos voisins britons ont le secret. De quoi se dire que finalement tout n'était pas si raté dans cette course. De sacrés filous ces quatre là ! Et qui dit ligne d'arrivée, dit ravitaillement final mais aussi repos bien mérité, et Little Fictions ne manque pas à la règle avec le très calme et reposant Kindling sur lequel le groupe qui fête ses vingt ans effectue les étirements que son âge exige désormais.