logo SOV
The Beatles - Love
Chronique Album
Date de sortie : 20.11.2006
Label : EMI/Capitol
5
Rédigé par Valy, le 22 décembre 2006
Bookmark and Share
Encore une compilation des Beatles ? Une de plus ? Mais pourquoi, pour qui ? Cette pochette voyante à l’autre bout de chez votre disquaire préféré, ces autocollants et ces affiches qui promettent « 26 titres ré-arrangés par Giles et George Martin : LES BEATLES COMME VOUS NE LES AVEZ JAMAIS ENTENDUS »…il y a de quoi faire peur, de prime abord. Parmi les arguments commerciaux, Apple et EMI Music ont sorti la grosse artillerie de la stéréo en 5.1 sur 78 minutes de musique. Il faut dire que Love est aussi la bande originale d’un spectacle du Cirque du Soleil du même nom, produit à Las Vegas, pour une salle où le son doit envelopper le spectateur. Que penser de cette initiative revendiquée par les Beatles Ringo et Paul, en accord avec Yoko Ono Lennon et Olivia Harrison ? Il faut bien sûr l’écouter vraiment, et aussi se libérer de la question éthique que soulève la sortie de l’objet.

On a tôt fait de hurler au crime de lèse-majesté, de crier au sacrilège. Comble de ce viol présumé, le profanateur n’est ni plus ni moins le producteur légendaire des Beatles. En exhumant tout le répertoire auquel son talent a largement contribué, le père du son des Fab Four aurait-il répondu aux sirènes d’un vulgaire trafic d’organes musicaux ? Ou Martin a-t-il simplement voulu dépoussiérer l’album de ses plus beaux souvenirs afin d’encore mieux les conserver des outrages du temps ? Quelles que soient les raisons profondes de son nouveau travail sur le catalogue des Beatles, on se dit que seul compte le résultat, et que le Sir ne saurait abîmer son propre bébé. En outre, l’initiative a la vertu de rappeler que la musique n’est pas une langue morte, et qu’on ne la respecte jamais mieux qu’en jouant avec. L’adage est sans doute plus juste encore au sujet de la musique populaire. Sacraliser la pop, c’est un peu sacrifier son âme sur l’autel d’une aristocratie illégitime. Aussi faut-il, me direz-vous, savoir re-créer sans casser ses jouets, comme Michael Jackson a pu le faire autrefois avec le répertoire des mêmes Beatles. Mais respirez, la tâche cette fois-ci ne lui a pas été confiée. L’intérêt que peut donc avoir cet « album », a priori, est bien de redécouvrir l’œuvre du premier grand groupe de pop sous un autre angle, de la même façon que Salvator Dali revisita Mona Lisa, ou comme les chefs d’orchestre contemporains offrent leurs versions des symphonies de Beethoven. Pari réussi par Martin & son, ou cible manquée ? Tendons l’oreille…

Love, c’est d’abord un silence, le chant lointain d’oiseaux, le bourdonnement d’une abeille. Un paradis champêtre offrant un nid douillet aux chœurs angéliques de « Because » a capella, voire « naked » (nus). Il paraît cependant rapidement clair que l’objectif n’est pas le même que la version 2003 de « Let it Be », qui était pour ainsi dire une correction, une mise au propre des arrangements initiaux. Ici, le grand barnum des Beatles s’auto-bordelise tout seul. Dès les premiers titres, l’oreille du fan est titillée par une curieuse cuisine où par exemple « Julia » rend visite à « Eleanor », « Being for the Benefit of Mr. Kite ! » se retrouve jumelée avec « I want you » et « Helter Skelter ». L’audace est périlleuse, mais l’acrobate réussit le tour de force de retomber sur ses pattes comme si la cascade était évidente : bien sûr que ces titres ont tout à faire ensemble ! « Helter Skelter » (« la débandade/le toboggan »), n’a jamais aussi bien porté son nom. Les chansons de la période 1966-1969 se prêtaient déjà au jeu du trifouillage des bandes sonores jusqu’au moindre détail, les moyens actuels poussent le vice plus loin, avec la même irrévérence surréaliste qui faisait le charme des quatre garçons dans le vent à l’époque. On surprend ci-et-là les fantômes d'un «Nowhere Man», l'écho lointain de mélodies connues par coeur, de rires, de dialogues. L’introduction très roots de « Strawberry Fields forever » emplit le cœur d’émotion, les « fondus enchaînés » entre les pistes se boivent comme du petit lait, le timbre éclatant de l’ensemble du disque est un bonheur de clarté. On a parfois l’impression d’accueillir Paul, John, George, et Ringo, dans son salon. On se surprend à jubiler de remodelages pas très catholiques comme à la première écoute des originaux. Un enchaînement électrisé comme « Revolution » et « Back in the USSR » décoifferait un chauve, pourquoi bouderait-on son plaisir ? Chacune des touches bruitistes ajoutée à l’arrangement trouve sa justification dans un clin d’œil aux paroles ou à l’auteur (comme par exemple l’ambiance indienne apportée à « Here Comes the Sun », à laquelle vient d’ailleurs s’adosser une autre chanson de Harrison, « The Inner Light »). En cela, Love est un cadeau pour les fans curieux qui se replongeront ensuite avec bonheur dans les œuvres originales, plutôt qu’un disque de découverte du groupe pour les novices. Ceux-là, cependant, en écoutant « Within You Without You » teintée de « Tomorrow never knows », pourront apprendre avec peut-être plus de facilité, si ils l’ignoraient, à quel point ces scarabées sont d’une modernité sans âge. A l’approche de Noël, cette bouffée d’Amour, c’est un peu le petit Jesus (cet illustre inconnu) qui vous fait pipi dans les oreilles, sous le regard bienveillant d’une Lady Madonna revigorée. All you need is LOVE !

C’est George Martin qui doit avoir de sacrées « ampoules à ses doigts »…
tracklisting
    01. Because
  • 02. Get Back
  • 03. Glass Onion
  • 04. Eleanor Rigby
  • Julia (Transition)
  • 05. I Am The Walrus
  • 06. I Want To Hold Your Hand
  • 07. Drive My Car/The Word/What You’re Doing
  • 08. Gnik Nus
  • 09. Something
  • Blue Jay Way (Transition)
  • 10. Being For The Benefit of Mr. Kite!/I Want You
  • (She’s So Heavy)/Helter Skelter
  • 11. Help!
  • 12. Blackbird/Yesterday
  • 13. Strawberry Fields Forever
  • 14. Within You Without You/Tomorrow Never Knows
  • 15. Lucy in the Sky With Diamonds
  • 16. Octopus’s Garden
  • 17. Lady Madonna
  • 18. Here Comes The Sun
  • The Inner Light (Transition)
  • 19. Come Together/Dear Prudence
  • Cry Baby Cry (Transition)
  • 20. Revolution
  • 21. Back In The U.S.S.R.
  • 22. While My Guitar Gently Weeps
  • 23. A Day In The Life
  • 24. Hey Jude
  • 25. Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band (Reprise)
  • 26. All You Need Is Love
titres conseillés
    tous
notes des lecteurs
notes des rédacteurs