Noisettes

Depuis avril 2005, date de sortie de leur première oeuvre, Noisettes travaillent d'arrache-pied pour satisfaire leur public qui se fait de plus en plus nombreux. Leur secret ? Être capable de marier instinctivement soul langoureuse et punk convulsif à vitesse grand V.
Posé quelque part entre The Detroit Cobras et The BellRays, le trio londonien multiplie les singles. Quatre sont parus depuis leur EP Three Moods Of The Noisettes de 2005, accompagnés d'autant de B-sides qu'on aurait aimé retrouver dans ce bien trop court What's The Time Mr Wolf?.

Dix titres – onze si l'on tient compte de Never Fall In Love Again, gentil folk mixte braillé à tâtons – comprimés dans une demi-heure, prêts à exploser à la moindre demande. Don't Give Up, Scratch Your Name, Nothing To Dread, tous possèdent une tension palpable qui ne fait que s'amplifier tout au long du disque. La ligne de basse obsédante et la bonne ambiance communicative de Sister Rosetta (Capture The Spirit) se sont, dirait-on, échappées d'une répétition de M.A.S.S. (anciens Hey Gravity!) tandis que s'alternent plus loin, sur un Cannot Even (Break Free) schizophrène à souhait, la voix soul de Dr Shingai et les hurlements hystériques de Mrs Shoniwa, virevoltant entre rythmique bluesy et rock incantatoire.
Seulement, derrière les quelques riffs percutants dignes des déjà grands Black Keys se cachent de subtils accords qui se font et se défont sur fond de tension punk. Ainsi, Nothing To Dread ne serait rien sans sa cadence funk fort aboutie sous sa couche d'électricité dominante, tout comme IWE perdrait de son génie si elle ne faisait pas la part belle aux notes aigues qui volent progressivement en éclat jusqu'à aboutir à un solo miraculé de tout ce vacarme étourdissant qui émane harmonieusement de la chanson.
Mais surtout, What's The Time Mr Wolf? ne serait probablement pas aussi passionnant si Bridge To Canada n'était pas. À la fois minutieux et épique, simpliste et persécuté, son refrain en forme de dynamite se voit progressivement éclaté sur plus de trois minutes prodigieuses, entre des phrasés passionnés et frénétiques, une batterie exaltée et une guitare sauvagement fébrile.
Et, de temps à autre, l'énergie étincelante s'évapore au profit d'une bouffée de soul éthérée, laissant libre court au chant de dévier sa course et d'emprunter un chemin sinueux mais terriblement fulgurant (The Count Of Monte Christo) et une ruelle plutôt sombre où l'on sent le froid s'engouffrer peu à peu dans ses bronches avec délice (Hierarchy, puis Never Fall In Love Again).

Burn, Signs – les deux autres titres présents sur le premier EP du groupe et qui ne figurent pas dans l'album – et tant d'autres B-sides encore auraient très bien pu trouver leur place dans tout ce fatras d'ingéniosité véloce tant l'efficacité des compositions reste toujours énormément présente. Tension, garage, excitation habitent aussi bien leurs premières oeuvres que les dernières en date tout en se renouvellant intensément dans leur structure.
La merveilleuse voix de Shingai Shoniwa prend ses chansons en otage pour ne les libérer qu'une fois sa tâche accomplie, c'est-à-dire amener son auditoire à écouter attentivement chacun des sons qui sort de ce What's The Time Mr Wolf? et a véritablement sa place. Car, à se passer en boucle Bridge To Canada et son bref mais splendide pont quasi a capella, on peut sans le moindre doute certifier qu'il est avant toute chose un disque de soul et rien d'autre.