The Mules

Promis, j'essaierai d'éviter les calembours stupides. D'autant que les Mules n'ont pas vraiment la tête de l'emploi. Avec Save Your Face, son premier album, le quintet propose en effet un disque totalement hors norme, bien loin des standards impeccablement calibrés du rock britannique actuel.

Un batteur chantant. Avouez qu'on ne nous fait pas souvent le coup. Pour tous vous dire, quand on me dit "fûts et micro", je vois Phil Collins et ses bluettes à 2 balles. Ed Seeds, le vocaliste des Mules ne ressemble pourtant pas pour un sou à l'idole vieillissante. Ed Seeds ne ressemble à personne. Mais il ressemble aussi à tout le monde. Comme un caméléon, à la fois unique et capable de se fondre parfaitement dans son environnement proche. Save your face reflète admirablement cette polyvalence, avec son mélange détonnant de boogie, blues, soul, country et post-punk. J'arrêterai ici mes vaines tentatives pour me raccrocher aux références habituelles. Les Mules sont un genre à eux seuls.

"Je me souviens que la chanson était très dure à apprendre !". On croit sans peine James Lesslie, le bassiste de la formation. Polly-O, le premier single des natifs d'Oxford, fourmille de changements de rythmes, s'emballe sur le refrain pour retomber dans des couplets minimalistes, le tout dans une ambiance évoquant furieusement un film noir tourné à Chicago durant la prohibition. Save Your Face – la chanson – confirme cette impression avec sa basse chaleureuse et déchaînée. Se trouverait-on à présent dans un cabaret ? Les titres suivants persistent dans cette voie, notamment durant ce Picking In My Business, la parfaite bande son pour des mafiosis en pleine opération juteuse. Très courts, les morceaux claquent frénétiquement, portés par un piano boogie survolté, visiblement inspiré de Jerry Lee Lewis. Résolument plus moderne, Here To Help révèle des influences hip-hop marquées, auxquelles le violon de Nico Beedle apporte une touche originale et décalée. Certes, par moments, cette furieuse débauche d'idées antipodiques semble parfois franchement brouillonne, voire même fatigante sur certains titres (Plenty Warning, Stamp Collecting), mais dans l'ensemble, les Mules ont le mérite de ne pas céder aux sirènes d'airs stéréotypés, allant même jusqu'à maîtriser l'art délicat de la ballade grâce au soul The Catch ou au rêveur Tule Lake. Lorsque le rideau se ferme avec le festif Ham Shank et ses chœurs de music-hall, on a l'impression d'avoir assisté à un spectacle à la fois suranné et plein d'une rage juvénile.

Peut-être même vos mains applaudiront-elles sans vous demander votre avis. Car Save Your Face se révèle un vrai show discographique.