« C'est pour mon petit frère » prétextera, en bafouillant, le jeune rocker à la jolie caissière de la grande surface lorsque celle-ci, un sourire en coin, observera la compilation Colours Are Brighter, pourtant stratégiquement placée entre le dernier Playboy et un pack de bières. Se souvenant, de retour chez lui, qu'il est fils unique, le jeune rocker se vautrera nonchalamment sur le canapé après avoir mis la galette dans la chaîne hi-fi et appuyé sur lecture.

Chacun des onze groupes et artistes qui défileront alors dans le salon ont enregistré une nouvelle chanson spécialement pour l'album – exception faite du Tidy Up Tidy Up de The Barcelona Pavilion.
Snow Patrol et The Divine Comedy reprennent respectivement I Am An Astronaut de Ricky Wilde, et trois pièces de l'écrivain Alan Alexander Milne. Tandis que les premiers font une reprise plutôt plaisante d'une chanson détestable, les seconds adaptent Three Cheers For Pooh, Cottleston Pie et Piglet Ho avec brio : l'orchestration décomplexée et la voix majestueuse de Neil Hannon servent à merveille les textes simplistes de Milne, créant ainsi une sorte de mini opéra pour enfants. Ce n'est donc pas encore cette fois que le groupe décevra le jeune rocker tant il reste lui-même et parvient, toujours avec ce talent qu'on lui connaît, à poser des textes aussi bien mélancoliques que second degré sur une musique hybride.
La plupart des compositions de l'album restent fidèles à leur créateur. The Kooks excellent dans l'art de faire du Kooks, ils ont su garder cette fougue qui les caractérise tant et les rend si attachants. The King & I aurait donc très bien pu figurer sur leur premier album, tout comme Jackie Jackson qui se veut du pur Franz Ferdinand, toute électricité dehors, et Go Go Ninja Dinosaur, une énième excentricité passionnante de Four Tet, n'auraient pas dépareillé sur leurs albums respectifs.
Chacun des groupes, tout en ne perdant pas de vue son objectif, reste fidèle à lui-même et ne se perd pas dans des expérimentations qui auraient pu s'avérer néfastes. Ainsi, le minimalisme d'artistes comme Jonathan Richman et Kathryn Williams convient parfaitement au concept du projet car il atteint l'intimité lumineuse des comptines.
Seuls Belle and Sebastian sortent du lot en s'éloignant de leur pop folk, mais avec tellement de talent que le jeune rocker sait là qu'il tient une petite pépite d'un des groupes britanniques les plus mélancoliques et loués de tous : The Monkeys Are Breaking Out The Zoo est tellement loin de ce que le groupe a l'habitude de nous faire entendre, aussi bien dans la mélodie guillerette et ses sons délirants qui ponctuent chacune des phrases que dans les paroles naïves et entraînantes, que le jeune rocker se prend à rêver d'un album entier du groupe composé de ce genre de fantaisies jubilatoires.

Colours Are Brighter s'avère donc la compilation idéale pour bercer le jeune rocker en pleine descente tard dans la nuit, une bouteille de bière à moitié vide à la main et un sourire complètement imbécile sur le faciès dès les premières notes de The Monkeys Are Breaking Out The Zoo venues. Il sera alors fier, avant de s'endormir lourdement, l'aiguille encore plantée dans le bras, de s'être procuré l'album et d'avoir pu apporter sa maigre contribution à l'association Save the Children.