Angular Recording Corporation, qui a lancé les carrières de Art Brut, The Long Blondes ou encore Bloc Party, sait varier les styles avec intelligence et le prouve une fois de plus ici avec Future Love Songs, troisième compilation du label rassemblant de nombreux talents, aussi bien connus depuis peu (The Long Blondes, Klaxons, Twisted Charm) que nouveaux venus (Lost Penguin, Navvy, Theoretical Girl, To My Boy, ...), en passant par ceux qui ne sont pas encore passés sur le devant de la scène malgré de nombreux singles et des patronymes en « The » (The Vichy Government, The Lodger, The Violets).

Une bonne partie des groupes présents joue sur le même terrain que Klaxons, c'est-à-dire une new rave, nouvelle scène ouvertement inspirée de la new wave à laquelle est incorporée une bonne dose d'énergie dans les claviers grotesques qui ont fait sa gloire dans les années 80. Le parfait exemple en est Outrragions de To My Boy, qui mêle à la fois mélodie kitsch et chant torturé.
Dans la même lignée, Twisted Charm et leur saxophone convulsif évoquent des Rapture décomplexés tandis que Navvy répètent à l'infini « my new building » jusqu'à ne plus avoir aucun sens. Les groupes vont si loin dans le ridicule qu'ils en deviennent terriblement touchants. Tellement de sincérité se dégage de leurs oeuvres qu'on en vient même à trouver passionnante la minute trente de Pleasurewood Kills, chanson electro-punk de Lost Penguin dont on ressent le sens de la mélodie se déployer au fil des écoutes, au point de pouvoir se la repasser en boucle des heures durant.
Theoretical Girl, fidèle à elle-même, parvient à partir de quelques notes de synthé à se réapproprier la new wave et la rendre plus exaltante qu'elle ne l'est déjà, de même que Klaxons ramènent, avec le déjà célèbre Gravity's Rainbow, les années 80 sur le dancefloor, et The Vichy Government, dont la mélodie prend ingénieusement des airs de musique asiatique, affirment une nouvelle fois leur style après un premier album remarquable.

À l'inverse, des groupes comme These New Puritans et The Violets offrent un rock brut de décoffrage, saturé pour les uns, dénué de tout artifice pour les autres. Pas si éloignés, Wetdog signent une chanson que l'on croierait tirée du Title TK des Breeders et The Lodger restent The Lodger grâce à ce Simply Left Behind à la croisée de Blink-182, le talent en plus, et Belle and Sebastien, la langueur en moins.
CaUSE CoMOTION, qui ont le malheur de figurer entre Twisted Charm et Klaxons, s'en sortent pourtant avec les honneurs avant que The Long Blondes ne confirment la raison d'un tel engouement autour d'eux grâce à un Lust In The Movies sautillant.

Enfin, The Be, Be, See et The Low Edges marient à merveille new wave à l'ancienne et rock fougueux : Eye TV n'aurait pas dépareillé sur un album de Interpol ou Editors, et quant à Leave The House, il semble tout droit sorti d'un album de Clinic avec ses choeurs et son son de clavier similaires.
L'album se clôt sur une ballade folk acoustique qui se serait semble-t-il paumée parmi tous ces fous. Lascive, émouvante, la chanson se voit portée par le chant hypnotique de la mystérieuse Mitten, qui n'est pas sans rappeler à l'évidence les soeurs CocoRosie.

À l'instar de labels comme Dance To The Radio et Marquis Cha Cha, Angular Recording Corporation a le don de dénicher des groupes aux sonorités contemporaines et variées, grandement influencés par leurs aînés mais incroyablement novateurs dans la forme. Les nombreuses influences sur lesquelles les groupes s'appuient finissent finalement par s'effacer face à autant de talent réuni ici. Le rock anglais n'a plus de souci à se faire, son futur sera a priori emmené par une génération à la fois passionnée et singulière, déchaînée et mature.