Chronique Compilation
Date de sortie : 25.09.2015
Label :Cherry Red Records
Rédigé par
Xavier Ridel, le 9 octobre 2015
Cinq disque, pas moins de cent-vingt-quatre morceaux. Voilà ce qui compose cette compilation de Creation Records, années 1983 à 1985. Le label anglais, avec à sa tête le charismatique et non moins génial Alan McGee, fut à lâorigine de lâémergence du shoegaze et de la britpop, signant des artistes aujourdâhui adulés. Jugez plutôt: The Jesus & Mary Chain, Slowdive, My Bloody Valentine, Oasis, Primal Scream... La liste est longue. Inutile, donc, de faire état du respect que chaque amateur de rock doit à ce label défricheur et visionnaire.
Accompagnés dâun livre écrit par le journaliste Neil Taylor, les 5 volumes de cette compilation se concentrent sur les débuts du label créé en 1983. Deux petites années, donc, qui ont vu se succéder The Jesus & Mary Chain, The Pastels ou encore Meat Whisplash. L'organisation de la compilation est assez simple : les deux premiers CD sont des florilèges de Faces A et B, le troisième, des chansons rares ou tirées dâalbums, le quatrième, des démos et, enfin, le cinquième, des sessions BBC.
Osons lâadjectif: le résultat est assez époustouflant. Se plonger dans cette compilation revient à errer dans les rues de la pluvieuse et thatcherienne Albion, au début des années 80. A ce moment là , Ian Curtis sâest pendu chez les collègues de Factory Records, New Order reprenant le flambeau et signant ainsi lâavènement de la synth-pop. Vient donc le temps de la mélancolie, des synthétiseurs, et de lâémergence des drogues de synthèse. Creation Records nâen a que faire. Cordes électrifiées, batterie et basse sonnent la révolte face aux claviers analogiques et aux boites à rythmes. Chez McGee, le rock se joue au médiator, bières aux pieds, et parfois, notamment dans le cas des frères Reid, dos au public. Bon, un peu de drogue circule aussi sans doute. Sans aucun doute, à vrai dire.
Toujours est-il que, sur cette compilation, tous les morceaux sont excellents. Du premier au dernier titre, pas un nâest à jeter. Câest le premier single sorti par le label qui ouvre la danse. 73 In 83, OVNI signé par The Legend!, clame que tous les bons groupes sont morts. Une batterie, un piano lointain et une voix au fort accent cockney qui baragouine quelques mots. Rien de plus. Sâensuivent deux morceaux du même groupe, qui prouvent que non, Mike Skinner, si respectable et talentueux soit-il, nâa pas inventé la poudre.
De redécouvertes (Big Bang Pow!, The Pastels, The Jasmine Minks...) en découvertes (The X-Men, The Moodists, The Loft), les morceaux sâenchainent sans se ressembler. Quelques véritables perles sont disséminées ça et là , comme en témoignent le très beau Everybodyâs Got To Grow Up Some des jasmine Minks, le curtisien Walk Away de Meat Whiplash ou encore la sublime version démo de Just Like Honey de The Jesus & Mary Chain.
En dehors des Peel Sessions, pour la plupart de très belles versions (celles des Moodists en tête), la qualité des lives reste aléatoire. Nâoublions pas néanmoins que les techniques dâenregistrement de lâépoque nâégalaient en rien celles dâaujourdâhui. Ni que les groupes avaient lâhabitude de jouer à un volume sonore proche de celui dâun avion en vol à cinq mètres du sol. Quâimporte : les mélodies sont magnifiques, les jeux de guitares cristallins ou distordus à souhait, les formations ont chacune leur marque de fabrique, tout en étant parfaitement complémentaires.
Nul doute nâest en conséquence permis, il sâagissait là dâune bien belle époque pour le rock. Et le label Creation Records, qui a influencé tant de groupes (en particulier un grand nombre de nos contemporains), mérite largement ses lettres de noblesse, tant le le charme de lâAngleterre irradie ici chacun des 124 titres. Ne reste plus quâà croiser les doigts pour que Cherry Red Records se décide à publier rapidement une nouvelle compilation des années faisant suite à celles traitées par ces cinq disques.