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Festival des Artefacts

Strasbourg, du 16 au 17 avril 2010

Live-report rédigé par François Freundlich le 18 avril 2010

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vendredi 16
Strasbourg accueille en ce week-end volcanique le Festival des Artefacts dans la nouvelle salle du Zénith Europe. D’architecture moderne, le bâtiment ressemble à un énorme lampion orange qui aurait atterri au milieu de la ville : assez réussi je trouve. L’intérieur est également sympathique, 12000 places qui en paraissent moins, ce qui en fait pourtant le plus grand Zénith de France.

Lorsque j’arrive dans l’antre, le groupe français Eiffel est en train de faire sa balance entre deux concerts. L’occasion d’entendre une reprise de Where Is My Mind qui comble l’assistance. Le chanteur Romain Humeau lâche un « c’est fini, merci Strasbourg ! » avant de revenir deux minutes plus tard pour débuter le concert. La douce Minouche débute le set tout en subtilité, la guitare acoustique se mêlant divinement aux claviers d’Estelle Humeau. Une majorité de titres de leur dernier album A Tout Moment est interprétée à l’image de la très punk Le Cœur Australie qu’ils enchaînent directement. Les singles sont bien entendu au rendez-vous : A Tout Moment La Rue peine à faire autant frissonner que la version studio mais Sous ton Aile est magnifiquement interprétée. Ce qui marque d’emblée lorsque l’on écoute Eiffel, c’est la beauté constante des textes, parfois difficiles à interpréter en concert mais qui méritent de s’y pencher plus en profondeur. La guitare est torturée par Romain, mais aussi par un Nicolas Bonnière qui se contorsionne, s’agenouille l’œil fixé sur ses nombreuses pédales d’effet. Quelques détours par les anciennes chansons comme la très intense Sombre ou la tubesque Ma part d'Ombre, les bordelais lâchent les chiens pour Bigger Than The Biggest et son passage psychédélique où Yesterday des Beatles se conjugue avec une guitare lacérée. Une petite allusion à Search & Destroy que le groupe reprend en général mais ce soir, ils laisseront ce soin à Iggy. Un concert trop court mais très intense pour l’un des meilleurs groupes live français.

The Brian Jonestown Massacre entre sur scène, ce qui va remplir considérablement la salle. Les Californiens sont huit sur scène et vont enchaîner des tubes rock très efficaces avec des mélodies immédiatement accrocheuses. C’est ce qui fait avant tout plaisir chez ce groupe en concert : le son déraille comme du shoegaze mais les chansons possèdent une puissance pop donnant l’impression d’un enchaînement de tubes. L’impassible Anton Newcombe déploie sa voix grave et éraillée devant un public très attentif. Il est accompagné de l’homme au tambourin, Joel Gion au centre de la scène et laissera parfois chanter le second guitariste. Au vu de la réputation sulfureuse du groupe sur scène, je m’attendais à une prestation plus bordélique mais le combo ne s’énervera vraiment jamais et on tendra à s’ennuyer au fil du concert, en attendant une quelconque envolée qui ne viendra pas. On se console en appréciant des chansons carrées et justes (un comble ?) mais ce concert ne saura pas rester dans nos mémoires, surtout au vu de la suite.

Iggy & The Stooges débarquent sur scène et déchainent la fureur immédiatement sans aucune prévention ni entrée en matière. Incapable de saisir le début du concert, surpris par l’intensité du pogo et la compression de ma cage thoracique, je sauve quelques jeunes filles en pleurs en bon chevalier servant et m’éloigne un peu de l’émeute. Le son est gigantesque et l’iguane au sommet de sa forme. Les tortillements épileptiques et la voix d’outre-tombe sont au rendez-vous tandis que The Stooges assurent diaboliquement la cadence. Scott Asheton à la batterie a l’air d’un grand-père un peu rabougri mais ce qu’il sort des fûts est dantesque. Les solos de saxophone de Steven Mackay s’entremêlent à la guitare de James Williamson, remonté sur scène récemment après le décès de Ron Asheton. L’occasion d’entendre des morceaux de l’album Raw Power, comme la géniale Search & Destroy ou I Need Somebody. Les enchaînements de chansons cultes déchainent un public en pleine folie adolescente : 1969, I Wanna Be Your Dog, TV Eyes ont raison de mes genoux. L’innarêtable Iggy ne cesse de courir d’un bout à l’autre de la scène, haranguant le public le poing levé et le rejoignant dans des crowd surfing insensés. Jusqu'où ira-t-il ? Il demande à quelques chanceux de le rejoindre sur scène et tout ce beau monde saute joyeusement autour de l’idole. Alors qu’il perd son pantalon, Iggy précise qu’il est temps de le remonter un peu. Après des Brian Jonestown Massacre sages comme des images, un Iggy qui se rhabille ? C’est la quatrième dimension. Un groupe qui se connait par cœur, un public déchainé, un Iggy maléfique : on ressort difficilement d’une telle déflagration sonore. Quel son ! Quel concert !

Pour les rescapés qui en veulent encore, la soirée électro débute aux Artefacts. Yuksek, le DJ à la mode chez les concessionnaires, arrive seul pour engager les hostilités. Le français ne se cache pas derrières ses platines puisqu’il chante également d’une voix robotisée ou non, jouant de son air rebelle à mèche qui plaît au genre féminin. Son tube Tonight est accueilli chaleureusement même si ses autres mix sont en majeure partie déclinés de celui-ci. Les synthés sont mis en avant tandis que le maitre de cérémonie n’hésite pas à venir sur l’avant de la scène pour faire le show. Un set très dance qui aura ravi ceux qui aiment l’électro mainstream.
Le duo de DJs italiens Crookers propose ensuite une house aux relents hip-hop bizarroïdes. Le style est plus binaire et les basses beaucoup plus mises en avant. La danse va continuer jusqu’à très tard puisque leurs compatriotes The Bloody Beetroots Deathcrew 77 débarquent avec leur masques de Venom, le Spiderman noir. Le set est beaucoup plus electro-punk et la cadence s’accélère. Un batteur s’ajoute pour donner un coté organique à des titres jubilatoires. Assurément, ceux qui sont restés jusqu’à cette heure tardive auront l’assurance de voir le meilleur groupe éléctro de la soirée. L’un des vengeurs masqués n’hésite pas à se saisir de la guitare pour se transformer en vrai groupe de rock et enflammer un peu plus la foule avec un remix de Metallica. The Bloody Beetroots ont emmené des Artefacts qui auraient pu être fatigués bien au-delà d'eux-mêmes.

Le festival des Artefacts renoue avec des soirées rock passionnantes et ce premier jour fût une réussite, aussi bien pour les prestations que du public au rendez-vous.
artistes
    Iggy And The Stooges
    The Brian Jonestown Massacre
    Eiffel
    ThE bEwItChEd HaNdS oN tHe ToP oF oUr HeAdS
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    Bloody Beetroots Deathcrew 77
    Crookers
    Yuksek