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Festival Art Rock

Saint-Brieuc, du 20 au 22 mai 2010

Live-report rédigé par François Freundlich le 25 mai 2010

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samedi 22
Ce samedi, le festival Art Rock commence en fin d’après-midi par un concert d’Elysian Fields dans le Petit Théâtre de la Passerelle. Alors que je reviens de l’exposition de Troy Henriksen dans l’ancien Monoprix et que la chanteuse Soem reprend Lauryn Hill dans le village du festival, c’est déjà la cohue à l’entrée du Théâtre.

C’est toujours un plaisir de voir des groupes particuliers dans ce lieu privilégié, et c’est avant tout grâce à ça que l'Art Rock surprend chaque année. Le duo américain Elysian Fields entame son set toute en finesse dans une ambiance très paisible. Oren Bloedow s’installe au piano tandis que Jennifer Charles distille sa voix chaude et langoureuse. A l’occasion de la réédition de leur album culte Queen Of The Meadow, plusieurs extraits sont réinterprétés, le titre éponyme recevant un accueil des plus positif.
Le passage d’Oren à la guitare tranche avec le coté jazz - cabaret instauré par les premiers morceaux et la timide Jennifer tente quelques mots pour demander si le public vient de Saint-Brieuc, mais aussi pour vanter la qualité du beurre breton (toujours un succès). Oren s’essaye également au chant, tandis que la tension est à son paroxysme lorsque la guitare répond au chant suave de Jennifer. La dernière chanson, Little Red Riding Hood, est inspirée par le Petit Chaperon Rouge, tandis que Stars est interprétée en rappel.
Un concert tout en douceur pour terminer cet après-midi. Avec un tel son et de telles conditions d’écoute, on serait bien resté toute la soirée installé sur ces fauteuils.

Mais il est l’heure de rejoindre le chapiteau de la place Poulain Corbion pour une ambiance totalement à l’opposée, entouré par une jeunesse briochine toute excitée.
La diva berlino-roumaine Miss Platnum est chargée d’ouvrir la soirée avec son R'n'B teinté de cuivres et de sons d’Europe de l’est. Le set est carré et millimétré, taillé pour réchauffer un public de début de festival. Les diverses danses exécutées par la miss et ses deux choristes vont quelque peu remuer l’audience, à l’image des tubes Give Me The Food et Mercedes Benz, mais le tout reste peu intéressant et assez lassant.
La fanfare de cuivre jouera également quelques morceaux en solo avant que Miss Platnum ne revienne faire l’apologie du girl power et du bling-bling. On attend la suite.
Rachid Taha se produit ensuite, accompagné de l’ex-leader du groupe The Clash, Mick Jones. Le son en est évidemment pleinement rock'n'roll et Rock The Casbah constitue le premier moment de folie de la soirée avec un son de guitare assez intense. On sent malgré tout le chanteur algérien un peu fatigué et sa voix s’essouffle rapidement. N’étant pas un amateur inconditionnel de raï, les arrangements orientaux présents dans la majorité des chansons ont tendance à me lasser, malgré un oud sonnant particulièrement bien sur cette place difficile à sonoriser. J'abandonne finalement le concert après le tube Ya Rayah, accueilli par des clappements de mains dérythmés.

Je décide de revenir dans le Grand Théâtre de la Passerelle pour un concert hommage aux travaux d’Andy Warhol. Il s’agit du projet 13 Most Beautiful... Songs For Andy Warhol Screen Tests By Dean And Britta. Dean Wareham et Britta Phillips sont les anciens membres du groupe New-Yorkais Luna, séparé en 2004. Ils vont interpréter treize chansons superposées aux travaux de portraits cinématographiques muets en noir et blanc qu’a réalisés Andy Warhol dans son atelier The Factory entre 1964 et 1966. Une installation vidéo est présente au-dessus du groupe pour diffuser ces portraits de personnalités qui gravitaient autour de Warhol. Avant chaque chanson, Dean ou Britta expliquent brièvement l’histoire de ces personnalités, qui tournent souvent autour de l’abus de drogues et de comportements excessifs. La bande son des films sonne évidemment très sixties, des morceaux rock, reposant et simples. Le chant est partagé entre Dean, aussi présent à la guitare, ou Britta, la bassiste. Un groupe les accompagne à la batterie et au clavier.
Sur les vidéos apparaîtront tour à tour Dennis Hopper, premier acheteur d’une œuvre de Warhol, ou Lou Reed se désaltérant d’un Coca Cola (accompagné de I'm Not A Young Man Anymore du Velvet Underground). Nico apparaît époustouflante de beauté pour l’accompagner avec une reprise de I'll Keep It With Mine de Bob Dylan (écrite à l’origine pour Nico). Voir ces travaux dans de telles conditions, accompagnés d’une telle bande son, est pour l’admirateur d’Andy Warhol que je suis un réel bonheur. En cerise sur le gâteau, une reprise de Bonnie & Clyde de Serge Gainsbourg en rappel. Ces concerts dans les théâtres sont décidément de très bons moments.

Pour continuer à sauter du « coq à l'âne », après cette très belle installation, je retourne sur la place Poulain Corbion où Cœur de Pirate termine son concert. J'assiste aux deux dernières chansons, dont le titre Comme Des Enfants repris en karaoké général par un public connaissant tellement bien son classique radiophonique de 2010 que la voix de la canadienne en est submergée. Je ne peux m’empêcher de sourire à la vision de mon voisin, monsieur muscle tatoué, tout ému par cette chanson : les tatouages de la jeune fille probablement. En rappel, une reprise de I Kissed A Girl de Katy Perry en piano-voix... dispensable. Notre amie québécoise s’éclipse enfin en faisant des cœurs avec ses doigts. Art Rock et ses paradoxes.
La soirée continue avec Peter Doherty qui a quitté Albion pour les Côtes d’Armor. On sent une attente fébrile de la jeunesse qui se bouscule déjà en mouvements de foule plus ou moins contrôlés. L’ancien membre des Libertines va revisiter en solo et en acoustique quelques unes des meilleures chansons de son premier groupe, des Babyshambles ou encore de son album solo. Il est pour l’occasion accompagné de deux charmantes danseuses synchronisant leurs pas aux variations des interprétations de Peter, ou exécutant la danse de l’Union Flag avec des drapeaux. Dans le public, on est parfois hystérique, parfois déçu de n’avoir que de l’acoustique, mais des crowdsurfing au ralenti (acoustique et alcool oblige) sont tentés.
Une petite surprise est jouée d'emblée par Peter avec une version de Don't Look Back Into The Sun des Libertines que je ne pensais pas réentendre mais qui a le mérite de lancer le concert sur de bons rails. Les adaptations sont très réussies et les anciennes chansons des Libertines sont accueillies avec grand plaisir : de Time For Heroes à What Katie did ou Can't Stand Me Now, fredonné par les plus « anciens », avec une adaptation acoustique particulièrement réussie.
Peter est au sommet de sa forme, complètement relaxé et heureux d’être là avec son chapeau et sa marinière. Les morceaux plus récents sont également plaisants, avec notamment Last Of The English Roses, alors que Fuck Forever des Babyshambles est l'autre tube repris en chœur par le public. La setlist est parfaite, les enchaînements réussis, et je suis moi même surpris d’avoir autant apprécié le spectacle, n’étant pas un grand amateur de sa période post-Libertines. Pour reprendre une expression célèbre, ce soir Pete Doherty ne nous a pas entubé.

C'est avec Caravan Palace que la soirée continue sous le chapiteau mais je fuis lâchement face à l’obstacle pour me rendre au Forum de la Passerelle. Le sextet américain White Rabbits est de retour avec un nouvel album sur les terres bretonnes après les Transmusicales de 2008. Le forum est plein à craquer pour cette soirée.
Tout en rythme et tension, les deux batteurs se font entendre derrière un clavier de plus en plus présent sur les nouveaux morceaux. L’alternance du chant entre Stephen Patterson assis au piano et Gregory Roberts à la guitare apporte de la profondeur aux mélodies rock proposées par les New-Yorkais. Le fiévreux Kids On My Shoulder reste le moment phare du set avec son tempo accéléré par un troisième batteur et son tensiomètre au maximum. Le groupe se donne au maximum et le public le se ressent : les américains possèdent pleinement leur musique et essayent de se dépasser à chaque instant. White Rabbits est un groupe assurément en devenir et leur prestation remuante de ce soir ne peut que confirmer tout le bien que l’on pense d’eux.

Il y avait à boire et à manger en ce samedi briochin, mais en cherchant bien et en se déplaçant beaucoup entre les différents lieux, il y avait possibilité de passer une bonne soirée en évitant les quelques creux. Mention spéciale aux délicieux Elysian Fields qui nous ont fait vibrer et à cette installation vidéo-musicale Andy Warhol pour la performance. Peter Doherty et White Rabbits ont quand à eux fait raisonner comme il se doit le rock, dans ce festival qui en manquait parfois cruellement.
artistes
    Elysian Fields
    Miss Platnum
    Rachid Taha feat. Mick Jones
    13 Most Beautiful... Songs for Andy Warhol Screen Tests
    Coeur de Pirate
    Peter Doherty
    Caravan Palace
    White Rabbits