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Montreux Jazz Festival

Montreux, du 1er au 16 juillet 2011

Live-report rédigé par Aurélien le 17 juillet 2011

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mardi 5
Retour annuel sur les bords du majestueux Lac Léman pour assister à ce qui s'annonce être la soirée britannique de ce très chic 45ème Montreux Jazz Festival avec, en vrac, les concerts de James Blake, Laura Marling, Villagers et The Vaccines. Deux heures chrono à la Rolex pour espérer entrevoir tout ce joyeux petit monde, un record ! En effet, voulant mettre les petits plats dans les grands, le prestigieux festival suisse propose cette année une sélection gratuite de toute grande qualité qui nous ferait presque oublié une programmation payante, que l'on qualifiera d'un peu terne sur les trois semaines, britanniquement parlant. Ceci dit, mieux vaut ne pas savoir où tourner de la tête, plutôt que fixer le sol d'ennui pendant cent-vingt minutes par manque d'artistes dignes d’intérêt.

Ainsi, prêt à vivre une soirée bien remplie, notre festival débute par le traditionnel passage au coin presse vers le coup des 20h où, quelle surprise, nous attend un tout nouvel environnement de travail, mêlant sérieux, détente et convivialité. Des canapés moelleux, un coin désaltérant, des bornes informatiques, ainsi que la retransmission directe des concerts du soir sur deux écrans de qualité; on se sent très vite à l'aise, comme à la maison. Toutefois, pas le temps de traîner dans le coin, car la première artiste du soir nous attend déjà sur les planches du Miles Davis Hall.

Petit changement. Rumer ayant fait faux bond à la dernière minute, c'est la jeune suissesse Olivia Pedroli qui finalement montre le bout de son nez sur scène. Baignée dans une musique d'ambiance indo-hispanique, entre guitares et cithares sous des lumières violettes, la maigre foule présente accueille poliment la jeune femme qui gagnera vite son nouveau public grâce à un talent vocal évident et à un univers musical envoûtant. Vêtue d'une robe noire à pois blancs, cheveux blonds tressés façon Heidi, la demoiselle s'annonce désolée, mais heureuse à la fois de jouer ce soir au Montreux Jazz.
Rêve devenu réalité pour la jeune artiste, cette dernière joue à fond sa carte en entraînant le demi-millier de curieux à ses pieds dans une spirale sonore nordique captivante. Bien entourée de quatre musiciens expérimentés, vivante sur scène, la suissesse délivre à la perfection titre après titre de son dernier album, fruit d'un pari fou venu d'Islande il y a deux ans de cela. Violoncelle, piano à queue, bugle, saxo ou encore bidouillages électroniques, le nouveau style musical islandais d'Olivia Pedroli plaît tout en étant mis en valeur par l'acoustique parfaite de cette salle légendaire.

Le temps passe vite, elle nous fait déjà ses adieux. Celle qui nous aura fait penser à l'autre suissesse qui est Sophie Hunger, quitte l'espace pour faire place un peu plus tard au phénomène anglais nommé James Blake. Jeune loup anglais, bricoleur des sons et des styles, ce dernier fait salle comble. Aux claviers, mèche brune tendance dans les yeux, le londonien fait craquer la salle et son lot de jeunettes attentives aux premiers rangs. Spots lumineux bas, sobre dans les couleurs, le jeune anglais soigne son ambiance minimaliste tout en enchaînant les titres phares de son album éponyme fait maison, ainsi qu'en offrant quelques nouveautés difficilement identifiables. Très expérimentales, voire trop, certaines pistes assomment quelque peu l'auditeur, mais globalement la magie électronique du jeune soul man prend forme, voire se magnifie comme sur I've Never Learnt To Share et sa montée en force teintée d'émotions où James Blake n'hésite pas à mettre ses mains dans le cambouis, en superposant plusieurs samples de sa voix captée directement sur scène pour l'occasion. L'effet est intéressant, l'orgie de décibels vibrante et l'explosion de lumières éblouissante, au final à l'image de l'artiste, en quelque sorte.

Petit pincement au cœur, pas le temps d’en finir avec James Blake, que Villagers prend place sur la scène gratuite du Montreux Jazz Café. Ni une, ni deux, on s'empresse de filer s'entasser devant la petite scène bruyante. Peu importe si le jeune irlandais a du retard, on se dit que l'attente en vaut clairement la chandelle pour voir l'étoile montante irlandaise, effectuant sa première date en Suisse.
Compacte, la foule acclame Villagers après dix minutes de retard vite pardonnées. La petite scène étoilée s'illumine pour faire place à un freluquet aux cheveux bruns ébouriffés, vêtu d'une simple chemise beige. Sorte de petit lutin venu d'Irlande, seul sur scène, le jeune homme commence sa prestation par un nouveau titre tout en finesse. Une finesse qui contraste avec le brouhaha ambiant de la salle qui, on le rappelle, est au carrefour de nombreux bars et ne se prête pas au respect de artistes, bien malheureusement.
On sent le bonhomme un poil agacé. Quatre musiciens le rejoignent. Guitare sèche, chant doux, le titre essaye péniblement de percer le bruit de fond, mais ce n'est pas gagné. Cette fois, c'est nous qui sommes frustrés de ne pas pouvoir profiter d'un deuxième titre inédit dans des conditions d'écoute optimales. Des maracas rythmées, une ligne de basse attirante, le morceau plaît. Puis, Villagers, finalement pas si agacé que cela, s'enquière de son public en lançant dans un français approximatif un « Ca va ? Bien ? » tout en nous annonçant son intérêt de jouer pour la première fois sur sol suisse. Ni une, ni deux, il enchaîne avec, dans l'ordre, les excellents Set The Tigers Free, Becoming A Jackal et The Pact (I'll Be Your Fever) pour captiver l'attention du toujours presque autant bruyant Montreux Jazz Café. On apprécie, plusieurs autres centaines d'auditeurs attentifs également. Dans la foulée, le lutin irlandais se pose au piano pour interpréter le vibrant I Saw The Dead. Batterie tribale, mimiques et cris du chanteur, le morceau fait le spectacle, malgré les conditions acoustiques.
Le temps passe trop vite, plus que deux chansons, mais pas des moindres, et ça en sera terminé pour le courageux Villagers face à quelques méchants loups gueulant dans le public. Deux nouvelles pistes, rien que ça. La première s'intitulera Grateful Song et se situera entre douceur mélodique et puissance instrumentale. La seconde, qui achèvera un concert attendu mais gâché par une salle peu disciplinée et mal accueillante, se prénommera Memoir et a tout du futur tube. Grosse guitare électrique, cris, douceur et énergie, l'équilibre semble parfait pour ce titre final en guise d'au revoir.

Pas le temps de souffler ou de grommeler contre les jacassements du Montreux Jazz Café que nous voilà partis vers les hauteurs du Miles Davis Hall pour accueillir Laura Marling. Plongé dans un bain de lumière sang, un public oscillant entre la vingtaine et la trentaine attend la venue de Laura Marling et de ses vingt-et-un printemps.
Quelques minutes de retard, puis arrive l'anglaise sur la prestigieuse scène, sous les applaudissements évidemment. On y découvre une petite blonde fragile au teint pâle, chemise blanche sans manches, pantalon noire et guitare sèche à la main. Très vite, la discrète chanteuse est rejointe sur scène par ses cinq musiciens. Une bonne heure de concert folk à l'acoustique parfaite nous attend. Contrebasse, violoncelle, harmonium façon Anna Calvi, tout y est musicalement pour enthousiasmer la foule au gré de titres plus ou moins bien reconnus. Anciens morceaux et pistes tirées de son dernier opus I Speak Because I Can s'entremêlent paisiblement. Mise à part l'oubli soudain et définitif du riff de guitare de son deuxième titre du soir, qui sera tout simplement biffé et mis sur le compte d'un coup de soleil ravageur sous les rires d'un public joueur, la jeune demoiselle offrira un sans faute musical. Intensité vocale, émotions et justesse, on se prend une dose de Laura Marling par excellence.
De nombreux admirateurs se permettent de déclarer leur flamme à l'anglaise du soir entre deux chansons, provoquant une réaction mi-gênée mi-flattée de l'artiste. Peut-être encore troublée par ce trop plein d'amour, la demoiselle se remet même à bafouiller joyeusement son jeu sur un titre guitare-voix, en se plaignant cette fois-ci de sa guitare. Un instrument qu'elle s'empressera de changer avec nonchalance, comme à son habitude.
Puis, le concert touchant presque à sa fin, Laura Marling annonce un medley composé de deux titres inédits à retrouver sur son prochain album, déjà daté pour septembre pour la petite anecdote. L'auditoire apprécie.

Pas le temps de dire correctement au revoir à la jeune Laura, que les quatre gars du groupe The Vaccines saturent déjà de leurs guitares la bruyante salle gratuite du Montreux Jazz Café au loin. Ni une ni deux, on se poste par curiosité aux arrières d'une foule jeune, compacte et heureuse de découvrir le phénomène indie rock anglais en chair et en os. Sur un fond noir et blanc géant où il est inscrit un imposant « What Did You Expect ? », on fait face à une formation énergique menée par un chanteur aux cheveux bruns courts, coupe tête-au-carré façon enfant sage trompeuse. Gilet en jeans pour le guitariste et bassiste chevelu, voilà l'image que l'on se fait de ce groupe produisant un rock garage sale et très rythmé. Ça captive les jeunes évidemment. Criards et pogoteurs, ces derniers dépoussièrent les premiers rangs de la salle au rythme de titres connus et reconnus tirés du seul et unique album de la formation londonienne. Une majorité de pistes excitées à l'instar de Wreckin' Bar (Ra Ra Ra), un soupçon de morceaux calmes, ainsi que quelques compositions accrocheuses, forment l'armature d'un concert réussi, mais sans histoire.

Le temps file, il est déjà presque une heure du matin. Le temps de rejoindre le parking, on se dit que le temps a passé trop vite sur les bords du lac Léman. Au bilan, pas de jazz, de très bons concerts gratuits en provenance d'outre-Manche, une programmation payante de qualité; bref le Montreux Jazz Festival se démocratise et c'est tant mieux !
artistes
    Olivia Pedroli
    James Blake
    Villagers
    Laura Marling
    The Vaccines