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Northside Festival

Aarhus, du 11 au 12 juin 2011

Live-report rédigé par Kris le 19 juillet 2011

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samedi 11
Le mois dernier se tenait la seconde édition du Northside Festival, à Aarhus, la deuxième ville du Danemark, tant au niveau démographique que culturel. La comparaison face à l'énorme complexe du festival de Roskilde ne tient évidemment pas. Le Northside Festival se tient dans un grand parc en dehors de la ville, sur deux jours, deux scènes et vingt-deux artistes présents. Si pour leur première édition l'année passée, le festival s'était contenté d'une programmation exclusivement scandinave sur un seul jour, l'édition 2011 tient cependant la dragée haute question groupes programmés : Band Of Horses, The Streets, Editors, Elbow, Interpol, Suede, White Lies et Crystal Castles rien que pour les principaux noms.

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Avec ces deux scènes, il est ainsi physiquement impossible de manquer un concert (luxe que l'on ne peut pas souvent se permettre en festival) car elles se font face, et attendent ainsi chacune que l'autre en ait fini pour commencer. Il y aura eu 15 000 spectateurs sur les deux jours (5 000 en 2010) ; et le succès n'est pas immérité, au vu des efforts apportés à la fois par l'organisation du festival, et de l'aide et le soutien apportée par la commune. On retrouvera sur le site de nombreux stands très « danois » : nourriture bio, ateliers de créations, animations écologiques... Le beau temps n'est pas toujours au rendez-vous, le public étant principalement dano-danois (difficile d'exister internationalement face à Roskilde) mais ce sont à peu près les seuls défauts que l'on peut trouver à Northside.

Northside Festival est un peu à l'image du pays en lui-même : un événement à taille humaine, qui grouille d'activité et qui parvient tout de même à attirer d'assez grosses pointures. En revenant de Roskilde, la première chose que je m'étais dit en revenant – après « mes pieds sont des cloques géantes » - était : « C'était super, mais j'ai manqué [remplacer par le nom de tous les groupes manqués pour cause de déjeuner, sieste, tempête...] ».

Là, je n'ai rien manqué. Et en plus, c'était bien.

The Floor Is Made Of Lava – Scène 1 – 14h00
Groupe danois au succès montant au Danemark, les quatre garçons de The Floor Is Made Of Lava inaugurent le festival. Les connaissant assez mal – à l'exception de posters de promotion qui traînaient un peu partout l'année passée à Copenhague pour la sortie de leur album – je m'étais fait à l'idée d'un groupe sautillant, probablement au style electro-pop (le nom est un peu trompeur) comme leurs congénères de Veto ou Turboweekend qui jouent également à Northside.

Pas du tout, mais pas forcément tant mieux. Si leur style est ainsi de facture beaucoup plus classique avec un combo guitares-basse-batterie et un rock aux résonances blues/garage, l'énergie est parfois bien éparpillée. Les mélodies semblent parfois brouillonnes, servant de prétextes à faire grincer les guitares, ou provoquer cassures artificiellement construites. Si certains passages entraînants (et répétitifs) parviennent à faire remuer un public pas encore complètement rentré dans l'esprit festival, mais au moins déjà présent en nombre, The Floor Is Made Of Lava ne possèdent décidément pas les moyens de leurs ambitions.

Fallulah – Scène 2 – 15h00
Seconde salve de star locale avec, cette fois-ci, quelque chose de plus conséquent en la personne de Fallulah, jeune star de la pop, aux influences très british comme Adele, Kate Nash ou Florence And The Machine. Et cela se sent, notamment au niveau des défauts que peuvent cumuler ces dernières. Rythme effréné pour masquer les défauts de chant de l'une, voix et intonation un peu grasse de l'autre. Mais les mélodies sont bel et bien là, vitalisantes et fortement efficaces.

En rotation lourde sur les radios danoises, venu le temps de son tube Out Of It, très difficile à ne pas fredonner, Fallulah n'aura pas eu besoin de se forcer pour faire danser une foule commençant enfin à prendre le rythme. Sympathique prestation aux chansons solides, il serait judicieux de garder un œil sur Fallulah, comme ça, sait-on jamais.

Veto – Scène 1 – 16h00
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J'ai la dent dure contre les groupes pompiers. Toute la veine opéra-rock, Queen en chef de file, très peu pour moi. Toute leurs héritiers rock lyrique, de Muse aux Killers, encore moins. Alors quand débarque sur la grande scène Veto, Troels Abrahamsen et sa voix grasse – apparemment, j'ai du mal aussi avec les voix grasses – j'ai su qu'il y aurait blocage. Pourtant, Veto, et particulièrement Abrahamsen, qui est également producteur, ont une bonne base de fans au Danemark.

Le mélange new-wave/lyrique peine à atteindre un juste milieu, comme si chaque chanson de Veto se composait à chaque fois d'éléments contradictoires, incapables de se plonger dans une mélodie homogène. D'ailleurs, le public ne danse pas. Les gens plient les genoux, remuent à peine le bassin. Ils tapent du pied, stoppant net, reprenant. On ne parle jamais assez de la manière dont les gens tapent du pied en concert. On devrait peut-être.

Editors – Scène 1 – 18h30
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On a un peu peur pour Editors lorsque l'on voit cette grosse pluie tomber sur Northside. On ne manquera à peine que quelques chansons fort heureusement. Bien qu'aucun nouvel album ne soit en promotion – le quatrième est en cours d'enregistrement – c'est bien le nom d'Editors qui figure parmi les têtes d'affiches du festival aux côtés de Band Of Horses et Interpol. Il est d'ailleurs intéressant d'avoir au sein du même festival ces derniers et Editors, et d'autres groupes à la même influence eighties, de White Lies à Veto, ou Crystal Castles. Je ne crois pas vraiment au hasard de la programmation, et je trouve cela osé – et tant mieux – pour un festival qui cherche encore à se faire un nom, de mettre en avant ainsi une telle frange du rock actuel, moins en vue que par le passé, mais qui est encore définitivement présente aujourd'hui.

Editors en sera d'ailleurs un des plus beaux fers de lance. Il existe une fragilité perceptible forgée en Tom Smith, malgré les sourires polis à la foule venue malgré la pluie. Appliqué, que ce soit derrière les claviers ou la guitare, derrière le micro, et une fois les chansons lancées, c'est une toute autre affaire. L'homme se plie, se courbe, place son corps, qui paraît désormais si frêle, en fonction de la position du micro. Les tressaillements du visage, les tensions des muscles des bras et des jambes. Il court derrière la batterie qui ne lui laisse aucun répit, il court après son souffle qu'il prend à peine le temps de récupérer, il court sur les grandes chansons que sont Munich et Smokers Outside The Hospital Doors. Même si Editors est loin d'être un groupe parfait, il possède l'urgence des grands artistes.

Crystal Castles – Scène 2 – 19h30
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On sait toujours à quoi s'attendre à un concert de Crystal Castles, mais on est toujours surpris par ce que l'on voit. Jamais tel chaos organisé n'est autant jouissif. Il y a tout d'abord ce son, très fort, très prenant, presque aliénant, par ces boucles, ces martèlements incessants. Puis vient Alice Glass, pile électrique au foie d'acier – une chanson, une gorgée de vodka – à l'intensité de tout instant, à la dévotion entière et inaltérable. Alors que sa voix se dilue sous les amas de couches, se fait triturer, et parfois sombre, elle demeure inflexible, se bat et enrage, comme si rien d'autre n'existait en dehors. Très représentative de l'essence même de leur musique, la performance scénique de Crystal Castles galvanisée par cette confrontation sans concessions. La rigidité moderne omniprésente d'un côté, l'instinctivité furieuse et déraisonnée de l'autre.

Sur cette base-là, un concert de Crystal Castles sera toujours foncièrement bon. Ce soir-là, ils sont bons, mais loin d'être irréprochables. La balance basses-aigus notamment est assez déséquilibrée, noyant à de nombreuses reprises les nuances électroniques de certaines de leurs chansons. Alice Practice ou Not In Love, par exemple, ne résonnent plus qu'aux sons de leurs basses, perdant beaucoup de leur diversité sonore.

The Streets – Scène 1 – 21h00
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Pauvre Mike Skinner. Cette dernière tournée avec les Streets semble vraiment lui peser. A la fois réellement ému par ce dernier concert au Danemark (le meilleur concert de sa vie était Roskilde 2008, selon ses propres dires), et frustré de n'avoir pu renouveler la même ferveur qu'il y a quelques années. Très loquace comme à son habitude, Skinner harangue, digresse, pérore avant, après, parfois même pendant, chaque chanson. Il pousse, s'énerve parfois, et pousse le public à le rejoindre à son même degré d'excitation.
Les tubes s'enchaînent, et Skinner n'a rien perdu de sa superbe. Son flow et son énergie sont intacts, arpentant la scène de long en large, jouant avec ses musiciens, ne se laissant aucun temps mort avec son comparse Kevin Mark Trail. On le verra même sauter des amplis, de la scène, ou même sur place. Il finira comme à l'accoutumée torse nu et dans la foule.

Skinner EST tout un pan de la génération anglaise : Has It Comes To This ? n'a pas pris une ride et brille par sa contemporanéité, Don't Mug Yourself et Fit But You Know It sont des chef-d'oeuvres désormais passés dans l'inconscient collectif. Bien sûr, Mike Skinner a désormais la trentaine, les derniers albums ne sont plus du même calibre que les premiers (ou si, peut-être trop justement, et souffrent ainsi de la comparaison), mais même en sachant cela, il est difficile de se faire à l'idée d'une scène musicale sans les Streets.

White Lies – Scène 1 – 23h00
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Je n'avais aucune idée de la popularité de White Lies. Grande scène, une horde de jeunes filles au premier rang, à s'égosiller. Est-ce juste au Danemark ou bien est-ce généralisé ? Sérieusement ?

Quoiqu'il en soit, côté scène, tout est là pour en donner plein la vue au public pour ce dernier concert de la journée : spots blancs à outrance, son très fort. Dommage que côté groupe en revanche, le spectacle donné soit si statique. Peu de mouvement, à peine quelques sourires et quelques mots. Malgré cela, on comprend l'attrait de la musique très immédiate de White Lies.

A mi-chemin entre les Killers et Echo & The Bunnymen, ce qu'ils perdent en originalité, ils le gagnent en musicalité cohérente pure. To Lose My Life ou Bigger Than Us sont faites pour être jouée fortement, rapidement, devant un large public. A partir de là, si on ne s'attend à rien de foncièrement révolutionnaire, White Lies n'a décidément rien à envier à tous les groupes qui sonnent exactement comme eux.
artistes
    Asbjorn And The Strange Ears
    Søren Huss
    The Floor Is Made Of Lava
    Fallulah
    Veto
    Thomas Dybdahl
    Editors
    Crystal Castles
    The Streets
    Tina Dickow
    White Lies