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Northside Festival

Aarhus, du 11 au 12 juin 2011

Live-report rédigé par Kris le 22 juillet 2011

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dimanche 12
Après une première journée des plus réjouissantes, le deuxième jour du Northside Festival s'annonçait sous les meilleurs auspices. Tout d'abord, j'ai pu, malgré moi, faire un peu le tour de la ville. Après le dernier concert du soir, je me suis pris d'une envie de rentrer à pied, tout en connaissant approximativement le chemin du retour. Il ne m'aura fallu qu'une heure et demie pour arriver à bon port - contre vingt-cinq en principe -, mais j'ai pu donc découvrir Aarhus de nuit. Son quartier animé, près du canal, le long de Åboulevarden, qui n'a rien à envier à certains coins de Copenhague ; son petit quartier latin sur Mejlgade, ses bars typiques et cosy ; la salle de concert Train qui accueille des groupes internationaux en tournée scandinave.

Une affiche géante de Northside Festival orne l'un des bâtiments en face de la mairie. Il faut dire que le festival bénéficie d'un très gros soutien de la commune, aussi bien financier qu'au niveau coopératif, mettant des bus à disposition pour les voyages centre-ville – Ådalen (le site du festival), ainsi que de nombreux endroits de promotion, normalement réservé à des messages communaux. C'est d'ailleurs en voyant une affiche sur l'artère principale, alors que j'étais en visite l'automne passé, que j'ai appris l'existence du festival, et que j'avais coché les dates dans mon agenda. Pour quelques-uns des groupes de ce second jour d'ailleurs...

The Vaccines – Scène 1 – 14h00
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Les choses sérieuses débutent tôt à Northside. Il n'y a pas à sourciller, les Vaccines ont tout pour eux. Ils ont l'attitude mi-angelots mi-salaces, les gueules de jeunes premiers nourris au rock propre, des influences très recommandables allant des distorsions des Jesus And Mary Chain aux mélodies entêtantes mi-figue mi-raisin de Pulp. On avait cependant de quoi demeurer perplexe en voyant une foule de jeunes filles, certaines avec des t-shirts Vaccines, accrochées à la barrière, et guettant la venue des relativement confidentiels Anglais.

Mais quand on a les chansons, malgré tous les a priori du monde, que peux-t-on faire ? Post-Break Up Sex a le dynamisme de tous les tubes de Girls. Wreckin' Bar (Ra Ra Ra) ou If You Wanna, c'est du Good Shoes sous infusion garage. On est sous le charme d'un groupe à qui tout semble encore ouvert, et c'est ce qui est probablement le plus enthousiasmant dans tout cela, bien plus que leur prestation. Pourtant, malgré toutes leurs qualités, on ne peut s'empêcher d'imaginer les Vaccines comme l'un de ces énièmes très bons groupes dont les CD 2 titres traîneront quelque part dans le fond des discothèques.

Tout est très bien calibré, très bien organisé, les looks, attitudes, inspirations, sont travaillés. Peut-être un peu trop, peut-être seront-ils plus beaux à découvrir une fois oubliés. Ou peut-être me trompé-je.

The Naked And Famous – Scène 2 – 15h00
Les Naked And Famous sont l'un de ces groupes qu'il vaut mieux écouter sur disque. On a tous eu ces mêmes expériences de déception, de sentiment fade, entre ce que l'on connaît de l'artiste/groupe et ce que l'on a sur scène. Ces dernières années, beaucoup de formations au son synthétique – c'est-à-dire de très nombreux groupes de la scène actuelle - ont ainsi beaucoup de mal à passer le cap du live. Problèmes d'intensité, de balance entre voix réelles et sons synthétiques, entre nappes et bruits. D'expérience personnelle, ce genre de concert est très difficile, que ce soit en salle (exemple : LA ROUX au Point Ephémère, une catastrophe) ou en plein air (exemple : MGMT à Rock en Seine, sans intérêt, même pour les amateurs).

Je réécoute aujourd'hui Punching In A Dream ou Young Blood, et je ne peux m'empêcher de penser au gâchis que fût leur concert. Pas affreux, ni foncièrement raté, mais il n'y avait que réellement peu de raison de s'enthousiasmer. Les basses, trop fortes ; les voix trop criardes ; les mélodies, trop inaudibles. En dehors des considérations techniques, le duo principal Alisa Xayalith et Thom Powers, leaders naturels d'un groupe resserré autour de ce noyau dur, semble bien fonctionner. L'envie est là, les visages sont ouverts et sympathiques, mais l'essentiel n'est pas là. Il manque de folie, de malléabilité, de perméabilité à la musique de Naked And Famous, auxquels on additionne les difficultés inhérentes du genre.

Jamie Woon – Scène 2 – 17h30
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Mêmes influences, même contexte, pas le même style mais mêmes origines, le multi-instrumentaliste Jamie Woon rencontre les mêmes difficultés que ses prédécesseurs de Naked And Famous. A la (grande) différence près que la musique de Jamie Woon est confinée, basée sur les silences, les échos, les voix multipistées, et se retrouve fortement mise à l'épreuve dans un contexte de festival. Les chansons de Jamie Woon, sont souvent statiques, aux variations échelonnées, aux vibrations sensibles, aux ambiances intimistes.

La musique douce et nuancée de Jamie Woon, entre pop synthétique et r'n'b moderne et minimaliste, arrive cependant parfois à prendre une force évocatrice, mais uniquement par bribes d'instants, par fragments morcelés. Ainsi, même les titres les plus dynamiques parviennent difficilement à percer face à un public qui attend désormais les gros groupes de la soirée. Jamie Woon rayonnerait sans aucun doute nettement plus dans une salle comble, et confinée, aux lumières tamisées et à l'ambiance moite. Là, son intimité et sa sensualité seraient perçues et ressenties comme il se devrait.

Interpol – Scène 1 – 18h30
On se sent vieillir à mesure que l'on voit ses propres idoles prendre l'âge. J'ai grandi avec Interpol. Ma culture musicale est née avec Turn On The Bright Lights. Je n'aurais que très peu écouté Our Love To Admire et Interpol, mais peu importe, certains de ces disques font partie de moi. Paul Banks a pris un sacré coup de vieux. Plus grand chose à voir avec celui des débuts, cheveux longs, peau lisse, look dandy. Aujourd'hui, la chevelure est moins entretenu, le visage plus marqué, une figure un peu plus adulte. Mais la voix forte, sombre, évocatrice n'a pas bougé. Les mêmes tressaillements dans les montées, les mêmes profondeurs dans les graves.

Si son visage se ferme et se fige lors des chansons, c'est avec un grand sourire que Paul Banks s'adresse au public, se targuant même d'un « Hvordan går det ? » (« comment ça va ? ») ; merci à la compagne. A la prestation très carrée, comme à leur habitude, Interpol jouent une bonne partie de leur discographie, très partagée entre les différentes périodes. Seul Fogarino va parfois à l'encontre du public, déchaîné sur chacun des principaux tubes. Car des tubes il y en a, sans folie certes, mais avec une intensité sans faille.

De Obstacle 1 à Evil, en passant par The Heinrich Maneuver, la setlist ne connait que peu de faiblesses (la négligeable Slow Hands, les titres du dernier album) et se veut un bon condensé de leur carrière, bien qu'aujourd'hui, cela puisse sonner plus comme résonance d'un glorieux passé que d'un réel concert d'actualité.

Mais mon cœur ira toujours à ces New-Yorkais, surtout lorsqu'ils font appel à mes plus jeunes heures de fanatisme, en jouant la fabuleuse Leif Erikson. Alors que les jeunes chevelus autour de moi sautent et braillent sur Narc ou C'Mere, en essayant de m'éviter que leurs 1m90 ne me retombent sur les orteils, je suis le seul surexcité sur la montée crescendo de Leif Erikson, cette ligne de basse pesante, ce chant lancinant. Puis cette explosion, cette chute sans fin, ces paroles fatalement humaniste, cette voix qui se brise comme une éternelle première fois. Ces quatre minutes sont pour moi, ce concert est pour moi. Laissez-moi ce moment, cet instant d'euphorie, ce passé ravivé. Je vous laisse le reste, je vous laisse tout.

Band Of Horses – Scène 1 – 21h00
Sans surprise, Band Of Horses est le groupe le plus attendu de Northside. En quelques années, les Américains auront tout conquis, passant du statut de groupe de pop-rock americana indie à celui de groupe de pop-rock indépendant... plus indie du coup, depuis leur passage chez Columbia pour leur dernier album Infinite Arms. Malgré leur énorme succès (et je pèse mes mots en ce qui concerne la Scandinavie) et leur exposition croissante ces dernières années, il y a quelque chose d’éminemment sympathique chez les Band Of Horses.

Ils ont beau arborer des tatouages de toute part, tous les membres de Band Of Horses ont – je ne sais comment mieux l'exprimer – des têtes de « gentils ». Pour certains groupes, pour qui le succès leurs tombent dessus et les font complètement dérailler (au hasard Kings Of Leon), les Band Of Horses semblent réellement complètement émerveillés par leur propre succès, satisfaits par le fait de pouvoir juste jouer leur musique. Ben Bridwell, et sa tête de poussin à peine sorti de l'oeuf, souriant constamment, remerciant à bras ouverts le public, y est pour beaucoup. Ces artistes-ci vivent pour la musique, sont heureux de jouer, et cela fait toute la différence.

Sur disque, Band Of Horses ont toujours été handicapé par la présence d'un énorme tube, masquant tous les autres : The Funeral sur Everything All The Time, Is There A Ghost ? sur Cease To Begin, Laredo sur Infinite Arms. Sur scène, tout est joué avec la même intensité, la même envie. Les guitares fusent, les rythmes sont poussés à bloc, la voix de Bridwell fait vibrer le site entier. S'il s'agit d'un bon groupe avec de bonnes chansons, Band Of Horses est surtout un excellent groupe de scène, qui se nourrit d'ambiance, surclasse les erreurs, surclasse les foules.

Elbow – Scène 2 - 22h00
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Mea culpa. Je n'avais jamais jeté une oreille sérieuse sur Elbow. Je n'aimais pas vraiment la voix de Guy Garvey, parfois poussive, trop ronde. Je n'étais peut-être pas encore prêt pour ce genre de pop, aux abords lisses, aux traits trop travaillés. Elbow a toujours été à contre-temps, ou plutôt hors du temps, avec sa pop lyrique, baroque, alors que la scène anglaise se replongeait dans le rock ou la new-wave. A Leaders Of The Free World et The Seldom Seen Kid ont ainsi été privilégiés des choses un peu plus fraîches, dans l'air du temps. Que je m'en veux désormais.

Quel concert. Quelle ambiance. Quel groupe. Quel Guy Garvey. Il a de tout ce soir. Il y a une entrée épique sur un The Birds qui n'en finit plus, une symphonie et une musicalité à tomber, un quator de cordes en soutien, et un public conquis dès la première chanson. Il y a l'énergique Grounds For Divorce, entonné par un public bouillonnant. Il y a la déchirante Lippy Kids et son sifflement diablement enfantin, et son terrible et flamboyant refrain « Build a rocket boys ! », d'une remarquable sensibilité – je jurerai que j'ai entendu 10 000 personnes renifler autour de moi.

Je suis abasourdi. Littéralement. En une heure, Elbow a délivré l'un des meilleurs concerts auquel j'ai pu assister, dense, cohérent, accessible et musicalement impeccable. Puis il y a eu One Day Like This, pour en finir de nous achever, sa beauté lyrique sans pareille, ses motifs cordées qui se forgent et ne nous quittent plus, sa capacité d'émerveillement universelle. Elbow a tout compris à la musique. Tout.

Suede – Scène 1 – 23h00
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On pouvait croiser plus tôt Brett Anderson en train de d'observer avec attention le concert d'Interpol, calmement, sans sourciller, les bras croisés. Ce sera le complet opposé que l'on verra s'animer sur scène. Déchaîné et intenable, Anderson fait le show à lui tout seul. Il n'a beau plus avoir la mèche, ni la jeunesse apparente de ses débuts, c'est en chemise et avec le poids des ans et sans attaches qu'il réincarne avec un certain plaisir ce qui faisait de Suede un groupe à part : excès, sensibilité, énergie.

A l'exception de Butler, tout le monde est de la partie, pour un concert où tous les tubes du groupe s'enchaînent. L'entrée sur la paire She / Trash donne le ton, avec les guitares lourdes, et un Anderson à la voix moins nasillarde que par le passé, mais avec un ton toujours aussi unique. Ce dernier s'amuse d'ailleurs comme un petit fou, sautillant, faisant chanter le refrain de Trash au public chauffé à bloc. Il se dandine, se livre en falsetto, enchaîne les poses suggestives. Brett Anderson a de nouveau vingt-huit ans, Suede n'a jamais cessé, The Beautiful Ones se joue et se fait chanter par un public qui a éternellement vingt ans.

Je quitte Northside Festival avant la fin du concert, pour essayer cette fois d'avoir un bus. Je ne l'aurais finalement pas. J'entame le chemin du retour, le sourire aux lèvres, et ces quelques kilomètres devant moi à siffloter Lippy Kids d'Elbow.
artistes
    Boho Dancer
    The Rumour Said Fire
    The Vaccines
    The Naked And Famous
    De Eneste To
    Jamie Woon
    Interpol
    Turboweekend
    Band Of Horses
    Elbow
    Suede