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We Love Green

Paris, du 10 au 11 septembre 2011

Live-report rédigé par Olivier Kalousdian le 16 septembre 2011

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dimanche 11
Il pleut. C’était prévu, mais pas assez pour les centaines de personnes bloquées à l'entrée du Parc de Bagatelle pour cause de boue. Après une très longue attente, le peuple de l’herbe est enfin autorisé à faire son retour dans la prairie.

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Soko, qui avait le choix entre le chapeau et le charisme de Janis Joplin, entre en scène en premier en ce dimanche de giboulée, pire qu’en mars. Couverte d’une robe empruntée également à la friperie officielle de Woodstock, elle prend le risque de débuter ses premiers titres, seule ou accompagnée d’une guitare. Ça ne prend pas. Passablement énervés par le temps et par l’attente, le public boude cette jeune française de 25 ans (Stéphanie Alexandra Mina Sokolinski) qui fait aussi l’actrice (notamment dans A l’Origine de Xavier Giannoli) et s’évertue à nous faire croire qu’elle est Américaine, même dans ses commentaires intertitre.

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Arrivent un batteur et un guitariste. Les chansons s’éclaircissent, en même temps que le ciel, décidément plutôt ami avec We Love Art. La totale journée de pluie annoncée aurait vraiment gâché la fête tant il est vrai que les abris ne sont pas légion et l’espace Bagatelle particulièrement exposé au vent.
Artiste aguerri, Piers Faccini lui succède sous une lumière de fin d’orage d’été. Décidément folk, ce dimanche après midi inciterait bien à la sieste si l’herbe n’était encore détrempée. Piers Faccini joue des chansons romantiques d’une voix chaude et légèrement éraillée. Il laissera une bonne impression à un public qui doit aujourd’hui approcher les 6000 festivaliers.

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Première vraie tête d’affiche de la journée, Selah Sue est attendue avec impatience par ses fans et, au tournant, par la presse, tout démarrage en trombe d’une talentueuse et très jolie artiste de 22 ans aujourd’hui paraissant éminemment suspect. Animée d’une énergie positive et de très belles intentions, Selah la Belge hypnotise son monde de ses yeux bleu métallique. Sa voix, son flow et son style en scène ne peuvent pas ne pas faire penser à une récente disparue Londonienne, Amy Winehouse. Le remix de son titre phare, Raggamuffin, a déjà atteint les âmes puisque la majeure partie des filles présentes devant la scène se lancent dans des contorsions et des pas de danse qu’on n’avait pas vu depuis l’avènement des hippies.

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Dans l’espace presse, la tension monte. Jospeh Mount et son groupe, Metronomy viennent de découvrir leur loge, façon chalet Ikea ou cabane de jardin, c’est selon. Quelques verres de vin plus tard et une applique LED collée sur le torse, ils entrent en scène en ce début de soirée plutôt frais. Pete Dorherty vient également d’arriver accompagné de son manager et la sécurité s’en trouve renforcée.
La dernière fois que nous avions rencontré Joseph Mount, c’était chez Because Music, en mars dernier. L’album The English Riviera était tout juste annoncé et, à l'exception des fidèles auditeurs de nos chers Radio Nova, FIP ou Néo, le grand public n’avait aucune idée du nom de ce groupe pop aux mélodies électroniques pures et dures. En six mois, Metronomy a provoqué un raz-de-marée musical en plaçant plusieurs titres dans les playlists de nombreuses stations radiophoniques ou télévisuelles. Comme Joseph le disait alors très justement, c’était le moment pour eux de passer au vrai live avec de vrais instruments, toujours supportés par une électronique froide mais dansante, marque de fabrique du groupe. Et le résultat sur scène est indéniable : Metronomy est maintenant un groupe d'electro pop à part et à compositions entières.
Majoritairement venus pour eux, les 6000 personnes du jardin aux oiseaux se sentent pousser des claviers au bout des doigts au son de She Wants ou The Look. Les étranges appliques LED clignotent en rythme sur les poitrines des quatre de Totnes (sur la riviera anglaise) et le concert file aussi vite que les tubes plus anciens comme Radio Ladio ou Heartbreaker s’enchaînent sur la voix douce et le visage d’ange d’un Joseph qui semble y être (aux anges !). Une prestation parfaite, mais des titres que seul le studio permet de pousser dans certaines complexités difficiles à appréhender ce soir.

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Pete Doherty, alors en pleine interview surréaliste dans sa loge s’arrête dans sa phrase et, prêtant l’oreille au lointain Some Written de Metronomy demande : « Hey, c’est une cover ! N’est-ce pas la reprise de TenCC, I’m Not In Love ? ». Et, à bien réécouter le morceau...
Un quotidien anglais, pourtant réputé sérieux, avait envoyé sur place une journaliste et un photographe pour enfoncer le clou sur les dernières accusations qui pèsent sur Peter Doherty et pour le questionner sur tout, sauf sur sa musique ! Après la mort par overdose d’un jeune de dix-huit ans, la presse anglaise se déchaîne. Elle en sera néanmoins pour ses frais. L’enfant terrible d’une Angleterre ayant perdu la mémoire et les images des Sex Pistols ou des Clash n’est pas que l’abominable junk des neiges que certains médias aimeraient voir finir en apothéose macabre, telle son amie Amy. Arrivé un peu après Metronomy, on ne peut que reconnaître sa légendaire simplicité ; guitare sèche en bandoulière, il s’installe à l’extérieur de sa loge, à la vue et à l’écoute de tous, contrairement à la paranoïa annoncée et nous offre une reprise des Buzzcocks, Ever Fallen in Love (With Someone You Shouldn't've) parfaitement réinterprétée. Magique.

Contre toute attente, Peter Doherty accepte un échange aussi poétique que lumineux, court et surréaliste. Un trublion du rock un brin abîmé, mais aux idées très lucides, enfile son pull d’un rose très anglais. Si Peter est venu jouer à We Love Green, première édition d’un événement qui n’est finalement pas un festival à proprement parler, c’est pour la portée environnementale et le message que souhaitent faire passer les organisateurs à son public et dans les médias. Coup de cœur ou coup de tête dont il est coutumier.
Aimant se dire hermétique au déchaînement médiatique nauséabond contre lui dans son pays, il se moque gentiment du sujet abordé par un : « Ah ? Qu’est-ce qu-ils écrivent sur moi ? », parlant moitié-anglais, moitié-français, dès qu’il le peut. Il nous confirme que, depuis sa sortie de prison, son attachement à Paris est croissant et va se concrétiser dans les mois à venir par l’achat d’un pied-à-terre qui pourrait devenir plus que cela du coté d’un quartier central où il a déjà ses habitudes. Évoquant le film qu’il a tourné en France avec Charlotte Gainsbourg, Les Enfants Du Siécle, il évoque la quiétude qu’il ressent en France comparativement à Londres et l’architecture Parisienne qui, ayant échappée aux bombardements et à une trop grande remise en question capitalistique, a su garder un charme qui le ravit au quotidien. Et sûrement un peu d’anonymat et d’intimité...
Si Amy Winehouse était toujours en vie, nul doute qu’elle aurait pu être présente ce soir à en croire Pete. Il nous confie qu’il réfléchit à un hommage qu’il aimerait lui rendre ; quelques enregistrements de titres joués et chantés à deux, elle à la batterie et lui à la guitare sont dans les coffres du pirate Doherty. Il compte bien les utiliser pour faire taire les chiens qui aboient depuis sa disparition, pas tout à fait expliquée encore. Affecté par son décès, Pete l’est vraiment ; « Yeah, you know, I'm fucked ».

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Seul, accompagné de ses guitares acoustiques (mais électrifiées), Peter Doherty entre en scène comme d’autres en religion. Ici niche toute sa vie. Pull rose sous veste grise, coupe au bol éméchée vieille de six mois, il a les traits tirés et les cernes prononcées. Mais, Peter Doherty va enchanter ceux qui auront eu la bonne idée de ne pas quitter Bagatelle après la prestation de Metronomy. Enchaînant un à un, ou presque, tous les titres possiblement acoustiques, de son album solo à ceux des Babyshambles en passant par des titres des Libertines, Peter fait chanter sa guitare autant que ses cordes vocales. Comment peut-on tirer un tel son d’une guitare sèche ?
Pour un Can’t Stand Me Now totalement revisité, Soko est invitée à prendre la place de Carl Barât, seule avec son harmonica. Comme Carl, elle aura tout le mal du monde à suivre Peter dans ses envolées et sa réinterprétation très personnelle, décidé à perde le jeune française qui s’époumone sur un titre et des refrains qui n’en finissent plus. De Fuck Forever à Albion jusqu’à Last Of The English Roses, Pete Doherty en impose dans le plus simple appareil sans laisser la moindre seconde de répit entre chaque titre. Un concert à marquer d’une pierre blanche qu’il terminera comme une ode à son pays par un Twist And Shout des Beatles que le public finira de chanter seul ; il pose sa guitare au sol en plein titre et décide que le concert doit s’arrêter là. La lune est pleine et juste en face de la scène. Elle l’accompagnera dans un autre monde, plus underground...

Finalement, We Love Green n’est définitivement pas un festival de musique mais une tentative de communion sur les questions d’environnement et réussit à se hisser parmi les moments musicaux importants de cet été 2011. Quelques réglages d’organisation, une vision moins élitiste et plus de partenaires associatifs seront les bienvenus pour l’édition 2012 !
artistes
    SOKO
    PIERS FACCINI
    SELAH SUE
    METRONOMY
    PETER DOHERTY