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Festival Les Indisciplinées

Lorient, du 9 au 12 novembre 2011

Live-report rédigé par François Freundlich le 17 novembre 2011

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vendredi 11
Le public s’est déplacé en nombre ce 11 novembre 2011. Il a également rajeuni par rapport à la veille, contrairement aux groupes. La soirée s’annonce beaucoup plus rock avec deux groupes cultes, l’un des meilleurs groupes français et de jeunes pousses propulsées par la hype.

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Les concerts débutent avec les rémois de The Shoes, lesquels ont la lourde tâche de déverser leur son électro dance de fin de soirée à... 21h. En ouverture, il est difficile de négocier avec un public qui n’est pas forcément encore dans l’extatique mais le quatuor y met les moyens, pour la dernière date de sa tournée. Les deux chanteurs à l’avant de la scène sont à l’unisson tandis que les deux batteurs devraient penser à rapporter une médaille à la France dans une discipline synchronisée. Il se déchainent et ne font pas semblant derrière leurs fûts et percussions en amenant leur rythme chaud à une mélodie électronique.
En première ligne, Benjamin Lebeau et Guillaume Brière s’excitent derrière leurs synthés, livrant leurs corps à la dance. Parfois entrainantes, parfois racoleuses, leurs compositions sont relevées par quelques riffs de guitare électrique bien sentis lorsque l’un ou l’autre quitte un peu son monde numérique où on les sent un peu enfermés. On se retrouve subitement en plein Dance Machine volume 11, quand un sample bien connu de cette vague ressurgit en DeLorean. Le mélange de leurs voix aiguës apporte la face pop et accrocheuse, comme sur le fameux tube Time To Dance, entendu dans à peu près tous les jingles TV ou radio. People Movin' fait également réagir l’audience qui s’est décrispée quelque peu. Pari réussi donc, même si le concert eut peut-être été meilleur plus tard dans la soirée.

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Passons aux choses sérieuses avec le premier groupe culte de la soirée : The Fall. De la formation post-punk formée en 1976 ne reste aujourd’hui que son charismatique leader Mark E. Smith. Mark est bien présent ce soir malgré quelques absences d’esprit ou physiques. Tous les regards sont focalisés sur lui mais on s’aperçoit rapidement qu’il n’a pas manqué à sa réputation de forcer sur la bouteille. La voix éraillée et criarde est malgré tout toujours présente : en tendant uniquement l’oreille, Mark a toujours vingt ans et assure diaboliquement le show. Mais en ouvrant les yeux, seuls ses musiciens ont l’allure de jeunes lads à la mode qui viennent de faire leur première couverture du NME. Quand ces derniers sont terriblement efficaces pour faire honneur aux tubes du groupe légendaire, Mark cesse parfois de chanter comme si son esprit s’évadait, ou est obligé de s’asseoir à l’arrière de la scène.
Sa femme Eleni, derrière son clavier, prend alors le relai pour assurer les chœurs ou le lead lorsque Mark doit s’absenter en coulisses pendant deux chansons (fuites urinaires ?). Le batteur est quant à lui déchainé et livre une prestation hors-normes. Le guitariste, sérieux mais affuté, redonne un coup de jeune au son de The Fall en lui faisant prendre des accents de Foals. Chaque morceau est très accrocheur et on ne peut s’empêcher de remuer en appréciant la qualité du jeu, même si Mark ne tient plus la durée d’un concert. Qu’importe, l’âme est encore là et The Fall a toujours quelque chose à apporter à la musique, preuve en est de concerts qui font toujours référence et dont on se souviendra longtemps.

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Après ce pur moment de rock’n’roll, nous retrouvons plus de subtilité avec Herman Düne. Le groupe s’installe sur la scène de l’Espace Cosmao Dumanoir sous la forme d’un trio, réduit donc à son plus simple appareil. On a en effet l’habitude de voir le groupe plus nombreux sur scène avec des invités mais il semble que Yaya et ses acolytes sont revenus à quelque chose de plus brut. La voix de ce dernier est toujours aussi particulière et unique, véritable douceur pour les oreilles, le son quand à lui a tendance à s’éloigner des habitudes. Si leur dernier album Strange Moosic reste dans la lignée de ses prédécesseurs, son rendu live subit une adaptation plus électrique.
Herman Düne ont donc choisi le coté obscur de l’anti-folk en dévoilant un visage plus rock. La setlist s’en trouve axée sur ce bon dernier album, les chansons prenant une autre couleur en mettant en valeur la qualité de composition. Sur Tell Me Something I Don’t Know, on repense à ce clip mettant en scène une bestiole bleue, le genre de pop accrocheuse comme ce groupe sait si bien le faire. Après quelques morceaux à trois, Angela Carlucci du groupe The Baby Skins vient les rejoindre pour agrémenter de ses chœurs irrésistibles des chansons plus anciennes comme l’attendue I Wish That I Could See You Soon. Le batteur Neman vient alors faire résonner ses futs à l’avant de la scène pour un passage plus intimiste ou Yaya reprend sa guitare acoustique. Ah Hears Strange Moosic est un autre grand moment du concert où les voix de Yaya et Angela se répondent magnifiquement. Herman Düne parvient encore à nous surprendre malgré tous ces concerts passés en leur compagnie depuis une dizaine d’année. Même sans l’apport mélancolique des chansons d’André, le charme opère.

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Pour bien terminer la soirée, c’est un autre groupe culte qui va enflammer la scène : les anglais de Wire. Nous voici en 1976, et faute d’avoir été Totally Wired avec The Fall, on s’apprête à rattraper ce titre oublié dans la setlist précédente. La première chose à noter est que chaque membre du quatuor est totalement habité par sa musique, concentré pleinement sur son instrument et sur le rendu global. On a rarement vu une telle cohésion sur scène, une telle perfection dans la complémentarité des instruments. Sous leurs airs légèrement intello, les trente-cinq ans de scène sont palpables. Leur son si particulier que l’on retrouve dans moult groupes à la mode aujourd’hui est magnifié quand il est joué par ses inventeurs.
Ce mélange de post-punk et de pré-new wave est diaboliquement addictif. On entre dans une autre dimension pendant un concert de Wire : on aimerait se concentrer sur les prouesses techniques de ses musiciens mais on se laisse emporter par leur son en fermant les yeux. Le son des guitares est sombre et saturé tandis que la voix est beaucoup plus posée et assagie que sur les vieux albums. Il faut dire qu’ils ont pris quelques années et sont plus dans la quête d’une perfection musicale que dans la rébellion. Lorsque Colin Newman lâche le micro le temps de quelques morceaux, c’est le bassiste Graham Lewis et son superbe couvre-chef marin à ponpon qui fait entendre sa voix. Wire n’a pas nuit à sa réputation dans la nuit Lorientaise, le public en redemande pour un rappel tout en puissance.

On s’attendait à une belle soirée avec ces quatre groupes et on peut dire que Les Indisciplinées ont réussi leur pari, la salle était pleine ce soir. On gardera en mémoire d’ou vient le son de Wire et de The Fall lorsque l’on verra ces jeunes groupes qui le reprennent aujourd’hui. Herman Düne quant à eux, peuvent revenir quand ils veulent.
artistes
    Wire
    The Fall
    The Shoes
    Herman Düne