logo SOV

Festival Mo'Fo

Saint-Ouen, du 27 au 29 janvier 2012

Live-report rédigé par Cyril Open Up le 4 février 2012

Bookmark and Share
dimanche 29
Après avoir séché la soirée de la veille pour cause de Club Folamour! à la Flèche d'Or, il fallait pas mal de motivation pour affronter la ligne 13 bondée suivie de la longue marche vers Mains d'Oeuvres en ce dimanche glacial. L'affiche avait intérêt à être à la hauteur. Cinq heures de concerts en compagnie de sept groupes, c'est parti !

Légèrement en avance sur l'horaire prévu, les écossais de Haight-Ashbury déboulent où la plaque de ce quartier de San Francisco les attend discrètement placée au bas de scène. Composés d'un frère, d'une sœur et d'une amie proche, les trois compères se sont formés en 2007. Ils ont bien fait de persévérer car leurs efforts commencent à porter leurs fruits et les fans se font plus nombreux de concert en concert. Ils avaient déjà répondu présent fin décembre dernier à l'International.
Ce soir, les musiciens communiquent plus que d'accoutumée car... ils ont perdu leur setlist ! Il faut donc s'entendre sur ce qui sera offert à nos oreilles. Le retour dans le passé n'est pas seulement auditif, il est également visible puisque les deux jeunes femmes arborent de belles robes pailletée pour l'une et verte fleurie du plus bel effet pour l'autre. On les croirait sorties d'un musée. La guitare cytharisante nous envoie à Katmandou, entourés de hippies, mais si l'on ouvre les yeux nous sommes bien à Mains d'Oeuvres en 2012, il ne manque plus que les bâtons d'encens pour que l'illusion soit totale. Si Haight-Ashbury emprunte le look et la musique de ses aînés, c'est également pour le remettre au goût du jour avec de la guitare furieuse et de la grosse caisse qui frappe fort mêlées à des passages méditatifs. Certains morceaux s'allongent en concert et offrent tout loisir au trio de se lâcher lors d'envolées instrumentales à grand renfort de décibels. Les classiques Freeman Town, Mothers Ruin et Favourite Song sont bien sûr joués au milieu de titres à paraître prochainement sur un nouvel album. On pourrait rêver que leur musique remplace le mauvais reggae de certains coffee shops hollandais mais je digresse... surtout que la drogue, c'est mal. Revenons-en plutôt à la prestation, Haight-Ashbury a charmé le public hétéroclite du festival, le flower power n'est toujours pas mort.

SOV

Pas le temps de redescendre, que les quatre lapins masqués de Sleep Party People sont déjà en train de jouer devant une nuée d'enfants mais également de grands adultes. Ces danois officient dans la dream pop sur le même terrain que M83 (en moins post-rock) ou encore Miracle Fortress. Les synthés sont doux et la voix noyée sous des effets de réverbération. Les morceaux sont joués au piano, à la guitare sèche ou encore électrique et prêtent plus à la rêverie qu'à une sortie en boîte de nuit. Sur la fin du set, les rythmes se font plus saccadés, les oreilles de lapin bougent de plus en plus mais Matt Elliott va démarrer son concert, il faut donc prendre congé.

SOV

Leader de The Third Eye Foundation, Matt Elliott vient de Bristol et, comme ses comparses de Portishead, porte plutôt la mélancolie et la souffrance dans son coeur. Il interprète ses lents morceaux étirés (le premier durera plus de dix minutes) seul, assis sur une chaise en les enchaînant vite car il n'a « pas beaucoup de temps ». Sa guitare sèche et sa voix rauque accentuent le désespoir d'être seul qu'il nous conte dans son premier titre. Il utilise un laptop pour superposer les couches de voix, de sifflements et de guitares. La technicité est là mais l'ensemble est quand même très froid.
Cela me rappelle les concerts solo de son voisin Nick Talbot de Gravenhurst. Y aurait-il donc une malédiction sur Bristol qui voudrait que l'on soit obligé de faire de la musique dépressive ? Il va falloir ouvrir un dossier pour en savoir plus... Quoiqu'il en soit, cela n'est pas très approprié pour un dimanche soir d'hiver et une partie du public quitte les lieux avant la fin, pensant assister par moment à un concours de frappé de cordes avec cris désespérés. Matt, main sur l'oreille (mais si, tu vois bien à quel groupe je peux faire allusion ici), est très concentré, parle un très bon français entre chaque titre en s'excusant de n'avoir « pas assez de temps ». Il effectue une étonnante reprise calme et acoustique du tube de Screamin Jay Hawkins, I Put A Spell On You. Lorsqu'il demande combien de temps il a encore pour jouer, on lui accorde dix minutes et ce dernier se réjouit de cette durée qui va lui permettre de placer encore deux titres courts de son répertoire dans nos oreilles. Le premier parle de fantômes qui hantent nos nuits et le second est plus rythmé et fait frapper des mains les spectateurs mais Matt se mélange les pinceaux et loupe la sortie. Il sera heureusement acclamé par ses plus fervents supporters.

SOV

Les six parisiens de Minors prennent le relai sur la scène Fo. Leur folk tribal et choral avec flûte, saxo, violon et tambour frappé de façon militaire ne convainc pas. Le premier titre très lent et long ne s'accélère jamais et ne devient plaisant qu'au bout de sept minutes pour s'achever sur un final bâclé, c'est bien dommage. Le second morceau à la guitare sèche et au violon ne me séduit pas plus. Allons donc rendre visite à Mo.

SOV

Le français Don Nino (Nicolas Laureau pour les intimes) et Luke Sutherland, collaborateur de Mogwai, présentent un projet inédit. Ils sont quatre sur scène. Le premier morceau est interprété en duo vocal. La voix monotone de Nicolas ne sauve pas les titres assez plats proposés ce soir. Pas grand chose à se mettre dans le tympan. On ne retient rien des paroles ni des harmonies. Luke Sutherland, tantôt à la guitare, tantôt au violon, tente de donner du relief à l'ensemble. Le second titre connaîtra une bienvenue petite envolée mogwaienne mais cela n'y changera rien : au milieu du concert, le public se lasse et quitte la salle. On The Line, plus pop, aurait pu sortir du lot, mais non. Un étrange morceau avec des sons subaquatiques sera le seul moment que l'on retiendra du concert. Il reste encore deux titres, le public se fait rare et point d'amélioration à l'horizon. L'attraction du festival n'aura malheureusement pas tenu ses promesses.

SOV

La française Mélanie Valera, sous le surnom de Tender Forever, prend ensuite possession de l'espace Fo. Celle qui a consommé des stéroïdes en raison d'une double hernie discale est ainsi en pleine forme. De la tendresse tout le temps, on voudrait en partager avec elle. Seule sur scène, elle propose autant un one woman show qu'un concert. Elle délivre ses messages sur la politique (petite dédicace à Nicolas Sarkozy), l'homosexualité, les critiques des journalistes (dont certains l'accusent de simuler ses essoufflements sur scène) avec bonne humeur et une grosse dose d'humour parfois noir.
Le fil conducteur du show reste son frère dont elle nous montre les mails, photos et vidéos qu'il lui envoie. Il sera notamment question de sexe, de headbanging et de drogues au cours de la soirée. D'accord, c'est bien beau tout ça, mais qu'est-ce que ça donne quand elle chante ? Sans conteste, son style se rapproche du meilleur des soeurs CocoRosie. Une musique préenregistrée chaloupée avec une interprétation dynamique. Quand il s'agit de passer à l'acoustique, Mélanie est également très douée et chante en anglais sans difficultés. Son joli timbre de voix se marie à merveille aux délicates notes de la guitare. Ce concert divertissant restera comme la bonne surprise de la soirée.
Il faut retrouver Mo pour achever cette édition avec l'univers inquiétant de Farewell Poetry. Les guitares sont travaillées à l'archer, le tempo est très lent, les paroles sont parlées (le groupe ne porte pas son nom pour rien). Il s'agit de musique pour se dire bonne nuit. Tout cela fait du sur place, a deux de tension, et est aussi animé qu'un encéphalogramme plat. La chanteuse, ou plutôt personne chargée de réciter des poèmes, nous sort à peine de la torpeur. La communication avec le public est inexistante et le contraste, après le show participatif de Tender Forever, ne joue pas en leur faveur.
Ils jouent accompagnés de vidéos projetées sur un mur adjacent, ce qui, à moins d'être atteint d'un strabisme divergent ne facilite pas les choses. Les poésies lues par cette diva métal évoquent un happening où l'on scande des textes pendant des heures avec une musique d'accompagnement qui ne se marie pas forcément avec eux. Pour donner un peu plus de corps à l'ensemble, la chanteuse utilise par moments un dictaphone qui répétera ses dires. Le final instrumental et explosif du dernier morceau me laissera sur la déception de ne pas avoir assisté à une déferlante de décibels tout du long, contrairement aux fans transis d'admiration. Que veux-tu, on ne peut pas être touché par toutes les musiques...

Cette dernière journée de festival laissera un amer goût avec une programmation peu cohérente mélangeant trop les genres et jouant le grand écart. Si Haight-Ashbury et Tender Forever restent les grands moments de la soirée, on pourra aussi tirer son chapeau à la tristesse froide et sans concession de Matt Elliott.
artistes
    Haight-Ashbury
    Sleep Party People
    Matt Elliott
    Minors
    Don Nino feat. Luke Sutherland
    Tender Forever
    Farewell Poetry