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Festival des Artefacts

Strasbourg, du 11 au 22 avril 2012

Live-report rédigé par François Freundlich le 18 avril 2012

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Ce premier samedi soir du festival des Artefacts promet une ambiance très électrique avec deux groupes britanniques cultes accompagnés par de jeunes pousses. Le public est par conséquent bien plus âgé qu’à l’habitude : les rockeurs des années 80s sont en effet au rendez-vous pour suivre leurs groupes fétiches.

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Bien entendu, la vision de ceux qui portaient des t-shirts Doolittle en taille 8 ans n’est pas la même que ceux qui ont connu la vague post-punk à sa grande époque, comme on peut en trouver en majorité dans la salle. Tâchons donc de redécouvrir ceux qui ont inspiré nombre de groupes actuels, en commençant par les anglais d'And Also The Trees. On se trouve dès le départ absorbé par le charisme du chanteur Simon Huw Jones, au summum de la classe dans son costume gothique Lestat chic. D’une voix parlée, grave et mélancolique, il s’ancre dans le romantisme noir de lentes sonorités dominées par un violoncelle électrique lancinant. L’ambiance est volontiers sombre et minimaliste, le groupe évoluant dans une pénombre à peine tranchée par un spot bleuté, imposant un silence attentif. Lorsque les morceaux s’emballent, la batterie renoue subitement avec un post-punk assumé et une guitare énervée. And Also The Trees se plaîsent à laisser le chant s’exprimer avec un minimum d’accompagnement. Les plages instrumentales complètent ensuite avec une intensité accrue les histoires déclamées par Simon, comme sur Slow Pulse Boy.
Avec une musique lorgnant volontiers vers un psychédélisme à la Velvet Underground, on pourrait faire un parallèle anachronique en une connexion avec le groupe de Tom Barman (dEUS), à travers cette prestance vocale écorchée. Soulignons également l’importance des lignes de basse, modifiant complètement la texture d’un morceau selon leur exécution au violoncelle électrique pincé sonnant cabaret ou par une guitare basse plus rock. Les claviers d’Emer Brizzolara, nouvelle venue dans le groupe, enrichissent le tout d’une touche de modernité, comme lorsqu’elle souffle dans un mélodica neurasthénique. Les anglais égrèneront leur discographie en se voyant signifier l’admiration d’un public acquis à leur cause. Un concert d’And Also The Trees se vit de l’intérieur, dans une ambiance mystérieuse qui aura marqué la soirée de son aura.

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Préparons nous à changer complètement d’ambiance dans un Club Laiterie assez clairsemé malgré un public venu en nombre pour la tête d’affiche de la soirée. Le duo belge The Black Box Revelation se déchaine comme si deux hommes invisibles jouaient avec eux. Leur blues rock crade à peine sorti d’un garage enfumé est rythmé par la batterie surpuissante d’un Dries Van Dijck qui se donne littéralement à ses fûts. Nos amis d’outre-Quiévrain rappellent les Black Keys de 2004 et nous décrassent les oreilles en bonne et due forme, solos électriques déjantés à l’appui. Jan Paternoster s’époumonne de sa voix grunge, braillarde et diablement relevée d’une légère saturation. Les morceaux calmes sont laissés au placard pour proposer un set toute en énergie et sans temps mort. Les nouvelles chansons sont de bon augure, elles accrochent encore plus l’oreille, à l’image de la très réussie Crazy White Man et son riff torride. Le duo prend toute sa saveur lorsque Jan se rapproche de Dries pour s’écrier dans un micro old school. The Black Box Revelation a livré prestation toute en puissance qui n’aura pas laissé de marbre les muscles des festivaliers.

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Les vrais fans de Killing Joke sont quant à eux restés campés sur leurs positions dans la grande salle. Ils sont prêts à en découdre avec le groupe culte de leur plus jeunes années, comme si l'on assistait à un concert de Kasabian en 2027. Les musiciens entrent finalement pour une courte introduction avant que Jaz Coleman ne fasse son apparition. Le leader d’un des groupes majeurs de la vague post-punk du début des 80s n’a pas changé de style. Cheveux ébouriffés, yeux bleus exorbités effrayant et maquillés, combinaison d’ouvrier s’étant fait mordre par un zombie à la sortie de l’usine, forment son apanage. Le son de guitare est lourd, la batterie très punk sur tous les titres tandis que la voix de gorge sent le cigare et le whisky. Malheureusement le son est plutôt mauvais, en plus d’être à son niveau maximum et l'on a du mal à distinguer les différents morceaux.
On reste dans le binaire en permanence aussi bien dans les guitares que pour la batterie. Il en résulte une sensation que Killing Joke jouent constamment à fond, sans que les morceaux ne décollent réellement. On passe le concert à espérer un changement, qui ferait que l’on aurait pas tout compris au bout de deux titres, mais rien n’y fait. Jaz Coleman a beau être des plus charismatiques, on s’ennuie. On se met à observer les fans en rut, lesquels semblent être au septième ciel à prendre des poses rock’n’roll ou à pogoter. Un certain manque de variété est perceptible et tenir l’intégralité du concert dans ces conditions relève de la performance ou du don d’être génétiquement résistant à l’acouphène industriel. Le rappel est malheureusement écourté par un batteur quittant la scène précipitamment à la surprise des autres membres. A cette vitesse (et à cet âge), un muscle peut vite se froisser. La performance mérite néanmoins un chapeau bas et ces rescapés sont toujours au sommet. Les conditions n’étaient peut-être pas les meilleures à la Laiterie ce samedi soir même si les hommes et femmes en noir de l’audience semblent avoir apprécié.

Pour terminer la soirée dans la petite salle, le groupe français Sidilarsen ressuscite le néo-métal à la française du début des années 2000. Pour ce petit frère spirituel de Pleymo avec dix ans de retard, l’ambiance est chauffée à blanc et la batterie fait trembler les murs. On ne tiendra pas suffisamment auditivement parlant pour s’en faire un avis éclairé.

Cette soirée rock culte et furieux du Festival des Artefacts a tenu certaines promesses... mais pas toutes. On notera la très bonne performance d'And Also The Trees entre subtilité et envolées électriques tandis que The Black Box Revelation ont été au niveau de leur réputation scénique. Killing Joke étaient précédés d’une aura telle qu’elle peut vite faire déchanter, même si leur leçon de post-punk old school fût enrichissante.
artistes
    Killing Joke
    And Also The Trees
    The Black Box Revelation Sidilarsen