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Eurockéennes

Belfort, du 29 juin au 1er juillet 2012

Live-report rédigé par François Freundlich le 5 juillet 2012

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Après une brulante matinée sous les tentes du camping, on imagine difficilement le scénario d'une soirée s'écrivant comme un interlude à la fin du monde. Pour le moment, le public cherche juste de l'ombre ainsi qu'à s'hydrater avant de se rendre sur le site du festival le plus rapidement possible pour trouver un abris. Ces mêmes abris serviront par la suite différemment...

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La petite Sallie Ford & The Sound Outside arrive sur la Grande Scène, ayant cédé à la mode générale de l'extra mini short. Après une première journée en manque d'artistes féminines, c'est un plaisir de la voir ravissante dans son débardeur chat. Elle le concède elle même « we're here for the summer ». Le groupe enchaine des morceaux estivaux, bien accélérés pour l'occasion et poussant au déhanchement sans faire tomber ni sa bière ni ses lunettes de soleil. De la diva rockabilly rétro aperçue lors de ses performances en salle, Sallie se transformerait presque en surf rockeuse pour festivals californiens sous les palmiers. La brunette transmet sa joie de vivre communicative jusqu'à la fin des morceaux qu'elle conclut par de mignons petits mercis. Points de contrebasse aujourd'hui, elle mise tout sur les guitares avec une version des plus énergiques du tube Danger. Les clappements de mains de Cage sont repris par le public tandis que ses chœurs masculins répondent à la voix percutante et insolente de Sallie. La façade power rock du groupe s'est bien révélée, voilà un concert d'après-midi comme on les aime.

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Déplaçons-nous de quelques mètres vers la scène Loggia où Frànçois & The Atlas Moutains s'apprêtent à continuer ce début d'après-midi pop. Fers de lance du renouveau pop à la française, leur album E Volo Love fût l'un des meilleurs de 2011 et son adaptation live est toute aussi réussie. Ils débutent tout en douceur avec Soyons Les Plus Beaux, morceau qui s'incruste dans la mémoire comme une ritournelle sucrée. Le charentais et son groupe nous gratifient de quelques pas de danse gracieux sur City Kiss. Une certaine originalité dans la mélodie et la rythmique leur vaut une comparaison avec Of Montreal. On pensera également, et pourquoi pas, à Prince sur l'une de leur nouvelle composition prometteuse. Le chant alterne langues anglaises et françaises d'une manière surprenante, idéale et fluide à travers une voix sensuelle et flottante. Des percussions d'influences africaines complètent les nappes de synthés et autres bidouillages, pour un groupe dont l'avenir radieux semble tout tracé.

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On décide de traverser la butte vers la Green Room. Le public masculin, le vrai de vrai, s'est donné rendez-vous pour hurler devant les punks américains de Cerebral Balzzy pour un concert qui déménage sérieusement. On a du mal à en croire ses yeux en prenant le concert en cours : leur chanteur se fait porter par une foule en train de pogoter dans la poussière, tout en continuant à chanter sur le dos. Apparaît une légère impression d'avoir changé de dimension en traversant la butte, puis on s'habitue. Toutes les guitares sont dehors : un mur du son dont les retardataires restés au camping doivent pouvoir profiter à distance. Derniers déchainements de batterie, derniers hurlements puis l'on se dirige vers La Plage.

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On se disait bien que ce début de journée manquait d'artistes britanniques, et les écossais de Django Django sont chargés de nous faire ce plaisir. Ce quatuor de gentils garçons vêtus de leur t-shirts chamarrés assortis fait frémir les rares anglais présents dans l'assistance. Ces nouveaux favoris du public et de la presse sont à la hauteur de leur album, reprenant ses guitares teintées de psychédélisme. Comme un prélude à la soirée électronique qui s'annonce, les instrumentaux aux synthés sont mis en avant et développés longuement, sans jamais lasser, comme si la danse ne devait pas s'arrêter.
C'est bien Tommy Grace, cet intello au look d'anti rock star, qui nous fait remuer avec ses machines et ses multiples claviers. Quelques percussions viennent compléter son attirail. Vincent Neff saccade sa guitare en déployant sa voix grave, légèrement masquée mais entrainante, sur la bien nommée Life's A Beach. Django Django nous font aimer la vie sur cette scène de La Plage, mais ça ne durera pas toute la soirée. Le tube Default n'est pas oublié, il pousse à l'addiction transformant la plage en dancefloor. « We gonna take you somewhere else » annoncent-ils sur Skies Over Cairo et son ambiance de momie égyptienne qui se serait mise au krautrock.
Les harmonies vocales plutôt réussies sont l'autre marque de fabrique du groupe avec le mélange des deux voix sur la prophétique Storm. Toujours en recherche du son bizarroïde pouvant presque faire oublier la mélodie de base, les Django Django n'ont jamais laissé de place à l'ennui et ont conquis les Eurockéennes avec classe.

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Le phénomène Garage américain Thee Oh Sees s'apprête à investir la Green Room et on ne manquerait ça pour rien au monde. Armé de sa guitare transparente, le groupe du chanteur John Dwyer semble un brin psychopathe et fait vibrer l'atmosphère au risque d'attirer la foudre. Ces californiens manient le rock'n'roll diaboliquement avec un leader perfectionniste au point de triturer en permanence son ampli afin de trouver la sonorité idéale. Cette dernière rappelle The Jon Spencer Blues Explosion mais en plus bordélique et explosif, justement. Les chœurs sont assurés par la claviériste Brigid Dawson, un peu à l'écart sur scène car derrière la batterie. Ce duo vocal aiguë et attachant fait la force de Thee Oh Sees, avec des mélodies imparables incitant à sauter sur place jusqu'à en trouer le sol.
Les quatre convulsent sur place, passant d'un riff de guitare délirant à un autre en quelques secondes. Ils peuvent démarrer sur sympathique répétition pour parvenir à une tension noise déchainée et enfin repartir tranquillement comme en gambadant dans la forêt. On ne voit pas le concert passer, le tempo extrêmement rapide y est pour quelque chose : il s'agit bien là de l'une des meilleures prestations du festival. Seule ombre au tableau, l'organisation annonce une alerte météo sur les écrans en précisant de ne pas s'abriter sous les tentes ou les arbres. J'aurais été plus rassuré si ils avaient précisé « nous allons tous mourir » avec une photo de scène effondrée. Qu'importe les nuages noirs au loin, on s'ébroue une dernière fois avec nos favoris de la journée, jusqu'à plus soif.

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On tente malgré tout de s'incruster sur la Plage pour apercevoir Electric Guest. Après ces deux concerts au sommet, il est difficile de se plonger dans la pop lissée des américains. La voix et les synthés font beaucoup penser à Metronomy mais sans que tout cela ne décolle vraiment. On a beau insister, rien ne vient et on décide de se rapprocher de la Grande Scène pour Dropkick Murphys.
Une ambiance opposée nous y attend avec de lourdes basses et une voix plus qu'éraillée qui sent bon le cigare et le whisky sans modération. Une cornemuse accompagne le tout pour la touche celtique de la soirée. L'ensemble est gras comme la poitrine de porc du stand de mets argentins et cela incite plutôt à fuir, qui plus est alors que l'on annonce que le courant est coupé et qu'il va bien falloir y passer.

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J'embrasse mon accréditation et me réfugie sous un chapiteau de la zone presse. Le ciel nous tombe une première fois sur la tête avec un orage qu'on croyait alors fort. Cette première alerte ne dure qu'une dizaine de minutes mais suffit à créer les premières flaques de boue et à effacer le sourire des jeunes filles en bikinis et shorts. En remettant le nez dehors, on trouve alors Murkage sur notre chemin à la Loggia : une simple platine de MC et plusieurs rappeurs à l'avant de la scène, qui s'escriment sur un son violent et agressif. Le hip-hop reprend ses droits, on pense à Foreign Beggars. Il ne pleut plus mais l'alerte est maintenue : Miike Snow sont également autorisés à débuter leur concert.

Les suédois ont installé leur énorme machinerie circulaire au centre de la scène Green Room. Ce samedi divagant entre pop et électro se poursuit avec les ambiances froides des claviers et nappes de ces branchés secouant leurs corps en rythme au-dessus de leurs tables à boutons. Leurs compositions ont des allures d'hymnes électro pop pouvant facilement être déclamés par une foule extasiée. L'extase est ici trempée mais le public tente néanmoins de se remettre dans le bain. Miike Snow s'inscrit en prélude 80's à Robert Smith et sa bande qui leur succéderont, avec une touche vintage d'inspiration new wave.
On est néanmoins plus occupé à surveiller de menaçants éclairs lointains, à raison, puisque c'est le drame, tout s'arrête à nouveau après une poignée de titres. Cette fois-ci, c'est la vraie tempête : les éclairs traversent le ciel de part en part et le jour chasse la nuit toutes les dix secondes. On en profite pour assister à un showcase acoustique du groupe suisse Hathors. Ce groupe punk, habituellement déchainé sur scène, dévoile la façade plus folk d'un de leurs titres, marqué par une voix grave et sombre : plutôt plaisant.

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Mais l'orage est d'une violence inouïe et des trombes d'eau d'abattent sur le Malsaucy, provoquant le départ de nombreux festivaliers. La veille encore, seules quelques gouttes étaient annoncées mais rien d'une telle ampleur. Il ne reste qu'à attendre en espérant trouver les restes d'un festival après l'orage, et une tente encore attachée à la terre sur le camping. Après quarante-cinq minutes d'interruption, le temps se calme et on sort de notre tanière de privilégié pour constater les dégâts. Le Malsaucy s'est transformé en un champ de boue et les festivaliers en zombies humides. Plus de peur que de mal mais chacun n'espère qu'une chose : que The Cure débutent leur concert.
On profite du chaos général pour s'approcher de la scène afin d'apercevoir la tête d'affiche du soir au plus près. Les mythiques The Cure pénètrent finalement sur la Grande Scène sous une ovation générale et un certain retard sur l'horaire initial. Qu'importe, ils sont là et dès les premiers accords de Plainsong, on s'extasie devant leur son inimitable et reconnaissable entre tous. Robert Smith, fait entendre sa voix toujours au sommet de son intensité. Mieux, elle n'a jamais été aussi envoutante, profonde, mélancolique, belle tout simplement. Le simple fait de l'écouter s'élever provoque le frisson immédiat. Bien sûr, cet homme est tout bonnement effrayant avec son air de vieillard androgyne, ses cheveux tentant d'échapper à la masse, son maquillage et ses quelques kilos en trop.
A peine le temps de s'émouvoir que Pictures Of You débute alors que Robert se place de dos devant la batterie, affichant cette silhouette symbole du groupe. Le quintet du Sussex affiche une synergie parfaite avec notamment un Reeves Gabrels déployant avec classe ses notes de guitare qui s'éternisent dans la nuit, ou encore Roger O'Donnel dont les synthés émailleront les plus grands tubes du groupe proposés ce soir. Jouer The End Of The World après un tel cataclysme météorologique est plutôt bien vu. La basse de Simon Gallup, toujours en mouvement sur le coté droit, tourbillonne en répondant aux divins « I Will Always Love You » de Robert. Une autre ligne de basse, celle de A Forest, reprise tant de fois par d'autres groupes, nous enchantera tout autant. L'enchainement des deux morceaux cultes In Between Days et Just Like Heaven est tout bonnement magique, on ne peut s'empêcher de sauter en reprenant les « Yesterday I got so old » ou les « Show me show me show me ». Les quelques notes de synthés de la première sont entonnées comme un seul homme par le public, tout comme les montées et descentes de guitare de la seconde.

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Le groupe reste toujours très concentré, à l'image de festivaliers dont une partie reste statique, comme refroidis. On ressent certes un peu moins d'ambiance que lors de précédents concerts mais les plus grands succès font évidemment mouche. Au rayon des raretés, Sleep When I'm Dead révèle une approche plus brute avec des instrumentaux électriques plus présents. L'harmonica de la psychédélique Bananafishbones introduit un son de plus en plus énervé avec un Robert Smith montrant une réelle facilité lorsqu'il pousse sa voix dans ses derniers retranchements. Lullaby n'est pas oubliée, une variation magique qui prête à la rêverie... Douce mélancolie sur touches de piano aux souvenirs ineffaçables.
Certains commencent à quitter les lieux : 2h30 de concert ne sont pas de tout repos pour des non-initiés. D'autant plus que les derniers morceaux avant le rappel sont peut-être moins connus. Mais comment rester de marbre devant un Robert Smith vivant chaque seconde de ce bijou pop qu'est Mint Car, paré de sa guitare au slogan anti royaliste « 2012 : citizens not subjects ». La première partie du concert se termine sur Disintegration, que l'on aurait secrètement aimée voir se transformer en Fascination Street. Un premier rappel voit le leader exécuter un solo de plusieurs minutes avec sa guitare option wah wah sur The Kiss. Le second rappel tourne au Best Of en commençant par Close To Me, joué tout en délicatesse. On reprend en chœur ces trois notes de claviers formant cette chanson particulière qui semble n'appartenir à aucune époque ni aucun lieu. Robert Smith annonce alors que la journée du dimanche doit avoir débuté puis entame la géniale Friday I'm In Love : « but sunday always comes too late », le retard était donc calculé. Le public chante de tout ce qui lui reste de voix tandis que Robert s'amuse à ralentir son chant, peut-être pour prolonger ce moment de joie intense. Quelques frappes de batterie et les voilà qui enchainent sur Why Can't I Be You?, titre qui sent encore plus les années 80s que les précédents. La danse reprend de plus belle au son de ce synthé – saxo festif. C'est le tube planétaire Boys Don't Cry qui ferme le concert, on ne voit plus rien, on ne comprend plus rien, on se laisse juste emporter par l'hymne.

Après l'angoisse de l'attente, The Cure parviennent toujours à faire vibrer une audience pendant 2h30 avec des tubes qui n'ont presque pas pris une ride. Que faire après un tel spectacle et devant une telle désolation d'un festival détrempé ? Laissons les plus courageux se débrouiller pour supporter Justice alors que le chassé-croisé des fans s'opère sur la grande scène. La soirée électronique de La Plage semble quand à elle avoir été annulée à cause des conditions météorologiques.

Ce samedi aura livré son lot d'émotions et d'imprévus. De débuts ensoleillés avec les charmants concerts pop de Sallie Ford et Frànçois And The Atlas Mountains, on est passé au niveau au dessus avec de très bons Django Django et les fantastiques Thee Oh Sees. A l'image du concert de ce soir, The Cure restent pour toujours le groupe culte d'une génération, ayant réussi à nous emporter avec leurs tubes et à nous faire oublier la pluie et la tempête. En quittant le site, on garde évidemment en tête que le dimanche risque d'être compliqué...
artistes
    Dropkick Murphys
    Justice
    Mastodon
    Sallie Ford & The Sound Outside
    The Cure
    Cerebral Ballzy
    Die Antwoord
    Miike Snow
    Thee Oh Sees
    Wiz Khalifa
    Busy P
    Django Django
    Electric Guest
    Jesus Christ Fashion Barbe
    Kavinsky
    Kindness
    Sebastian
    Skream And Benga feat. Sgt Pokes
    Frànçois & The Atlas Moutains
    Hathors
    Marie Madeleine
    Murkage