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Nuits Secrètes

Aulnoye-Aymeries, du 3 au 5 août 2012

Live-report rédigé par Maxime Delcourt le 9 août 2012

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dimanche 5
Troisième et dernière journée à Aulnoye-Aymeries. Encore une fois, on apprécie la variété d'une l’affiche où les joyeux saltimbanques de Zebda se confrontent à l’électro-pop de Great Mountain Fire ou aux slogans Rastafari de The Congos, Max Romeo et Lee Scracth Perry. Une seule certitude avant de se rendre sur le site : malgré quelques perturbations météorologiques, la journée sera belle.

En attendant les belges de Great Mountain Fire, on se rend aux Secrètes Sessions (studio mis à disposition des artistes leur permettant de jouer entre eux, d’expérimenter et de partager leurs acquis) où Marvin Hood, groupe électro-pop lillois, est en train de composer un joli groove digne des Foals. Ce n'est qu'une anecdote car, en termes d’électro-pop, Great Mountain Fire a déjà tout compris. Sur le moment ou plusieurs heures après, on reste bluffé par la grandeur, la maitrise et l’élégance pop d’un groupe dont l’avenir commence dès maintenant. C’est désormais certain : des petits frères de Phoenix, plus directs et moins produits, viennent de naitre. Ils se nomment Great Mountain Fire et leur album Canopy, prévu pour la rentrée, sera l’une des révélations de l’année. Les versaillais n’ont qu’à bien se tenir.

C’est donc avec une confiance évidente en l’avenir de la pop music que l’on se rend à la deuxième moitié du concert de Colin Stetson. Étrange mais attachante, car unique en son genre, la performance du canadien, saxophoniste pour les plus belles troupes de la planète (au hasard, Arcade Fire et Sufjan Stevens), restera certainement la plus étrange du festival. Difficile avec un jazz aux mélodies aussi instables de conquérir un public curieux mais déstabilisé. Quoi que l’on en dise – car la performance créera des clivages, c’est certain – Colin Stetson mêle habilement technique de souffle improbable et jazz expérimental. Pour poser un avis critique définitif sur l’artiste, on ne vous conseillera jamais assez de tendre l’oreille attentive à l’album New History Warfare, Vol.2 : Judges : une manière peut-être plus efficace de découvrir l’univers de ce déjanté.

Petit à petit, on sent que le festival arrive à son terme, mais il reste tant de belles choses à voir que l’on oublie rapidement cette pensée nostalgique. Voilà plus de vingt ans que Zebda se trimbalent sur les routes avec le monde comme unique maison. A l’occasion de leur dernière date de concert estivale, les toulousains demeurent fidèles à leurs idéaux contestataires et rappellent, si cela était nécessaire, qu’être un groupe engagé peut se vivre dans l’enthousiasme et le partage. Avec leur accent du sud et leur métissage sonore, Magyd, Mustapha et Hakim auront réchauffé un ciel d’été qui en avait bien besoin.

Un regret malgré tout : avoir manqué le concert de Charles Bradley, présent au Jardin, dont les qualificatifs – « extraordinaire », « splendide », « fabuleux » - entendus à la sortie suffisent à comprendre ce que l’on vient de manquer. Nous nous rattrapons avec le rock aux intentions rockabilly mais aux références gospel de The Dustaphonics. Emmené par le français Yvan Serrano Fontova (on n’est pas chauvin, mais il fallait le dire), le collectif londonien ne recule devant aucune caricature. Ce pourrait être un défaut. C’est en réalité ce qui fait le charme de leurs compositions glaciales et sensuelles, mordantes et tranchantes. Certes, cela manque d’homogénéité, certes, c’est peu pour prétendre au renouveau du rock, mais c’est suffisant pour passer un dernier bon moment sur la Grande Scène et rappeler que le rock peut se tenir en trois accords répétés inlassablement durant presque trois minutes.

Et si, pour terminer le week-end en beauté, on délaissait la nouveauté pour aller fouiller les greniers d’amateurs de musique ? Le dernier concert au Jardin pose une question : lorsque l’on est face à des légendes du mouvement reggae, que rajouter quand le seul nom suffit ? Beaux parce qu’intouchables, Max Romeo, Lee Scratch Perry et The Congos sont autant de références qui font les délices du genre. Pourtant, pas question pour eux de jouer les stars. L’heure est à l’humilité, à la solidarité et à la paix. Bien entendu, pour un concert de reggae cela peut être un cliché d'affirmer ceci, mais là où certains artistes du cru s’enterrent dans des mièvreries révolutionnaires, ici, la performance s’apparente à un véritable tour de force. Et voilà quatre dernières décennies que ça dure. Assurément, un grand moment.

Il est désormais possible d’affirmer que cette 11ème édition fut à la hauteur de ses ambitions. Qu’il s’agisse de la programmation ou des lieux, magnifiques et atypiques, proposés lors des « parcours secrets » surprenants, les Nuits Secrètes, malgré la grisaille tenace, n’ont pas déçu !
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