For Noise Festival

Comme il semble désormais en être de rigueur en cette année 2012, c'est sous une pluie soutenue que nous nous rendons sur le site de Pully avec une impatience d'assister au grand retour de Grandaddy et au show de Patti Smith mêlée à une fatigue de devoir subir et lutter contre les conditions météorologiques depuis maintenant trois jours. Néanmoins, la soirée promet de biens beaux moments, même si le premier d'entre eux ressemblera plus à un rendez-vous manqué.



C'est sur la Grande Scène qu'a été invitée la jolie Mina Tindle, signe de sa notoriété croissante, et ce même au delà des frontières de l'hexagone. La foule, probablement découragée par l'humidité ambiante, n'est pas encore très dense quand débute la Française. La pop folk sucrée est une mise en bouche agréable et les curieux semblent apprécier mais nous préférons rejoindre le DeMovie Salon afin de ne pas rater l'arrivée sur scène des Canadiens de Memoryhouse.



S'ils avaient ouvert il y a quelques mois pour Veronica Falls, nous attendons avec une certaine nervosité ce passage dans la cour des grands, sans filet. Œuvrant dans une catégorie dirigée par les talentueux Beach House, la dream pop de Memoryhouse semble d'emblée décomplexée, comme si les jeunots n'avaient pas à rougir de la comparaison flatteuse avec leurs aînés. Les spectateurs, venus nombreux, sont pleinement conscients de la chance de voir un set de ce groupe prometteur dans une si petite salle. Dès le premier morceau, ils sont parfaitement en place et effacent nos doutes. Les voix tout en écho nous comptent la candeur de leurs compositions, la cascade de synthé nous plonge dans leur univers cotonneux et nous en sortons comblés.



Pas le temps, malgré tout, de rester dans cet état contemplatif puisqu'il faut déjà courir jusqu'à la Grande Scène afin de faire un accueil triomphal à Grandaddy. Les cieux nous permettent même une trêve pour ce moment de pure grâce. Pendant une bonne heure et demie, les Américains, absents de la scène musicale depuis plus de sept ans, vont nous livrer une rétrospective parfaite de leur discographie, distillant leurs tubes tout en faisant éclater avec finesse et intelligence leurs compositions les plus enlevées. Le public ne s'y trompe pas et est en liesse. Malgré les quelques doutes, la magie opère à nouveau, comme au temps de Sumday il y a déjà presque une décennie. Casquettes vissées sur le crâne, la voix enchanteresse de Jason Lytle demeure intacte, avec ses montées dans les aigus réussissant à vous hérisser l'épine dorsale. Agrémenté de séquences vidéo reprenant de vieux clips mais aussi des films personnels du groupe, le concert est chargé en émotions, aucun bémol à apporter : Grandaddy a frappé un très gros coup et sera sans conteste notre coup de cœur 2012.



Le cœur gros après ce moment magique, nous décidons tout de même de faire un détour vers The Awkwards, à l'Abraxas, avant le début de la tant attendue Patti Smith. Les Suisses, montés sur ressorts, nous proposent un mélange de garage et d'électro clash tonique et déjanté, une bonne mise en jambes pour ce milieu de soirée. Malgré tout, nous succombons, comme tous ce soir, à l'appel de l'icône rock américaine, j'ai nommé Patti Smith.
Anglais, Allemands, Français et Suisses, le public est venu en masse pour cette tête d'affiche de premier choix, surtout pour un festival d'aussi petite envergure que le For Noise. L'introduction de Dancing Barefoot et voilà que la dame arrive sur scène, armée d'un énorme tournesol posé sur son épaule. La puissance et la justesse vocale sont bluffantes, signe que Patti n'a rien perdu de sa superbe en presque quarante années de carrière. Une mention particulière s'avère ici nécessaire : si l'Américaine et son charisme inégalable remplissent la scène, ses musiciens, aussi talentueux que professionnels, portent la prêtresse à bout de bras et inculquent un second souffle aux compositions.
Ponctuant la plupart de ses entames d'anecdotes, Patti Smith a le luxe de pouvoir piocher dans un répertoire discographique abondant. Pourtant, elle ne choisit jamais la facilité et fait découvrir des morceaux de son dernier album, notamment son hommage à Amy Winehouse. Même si quelques longueurs pointent parfois le bout de leur nez, elles sont vite reprises par la fougue de Patti. N'ayant rien perdu de sa vergogne et de son esprit revendicatif, la messe rock'n'roll a ce soir pour thème la liberté d'expression, le respect des hommes et de la planète avec une fin sur Rock'n'roll Nigga, avant le passage obligé du rappel sur Gloria et le tant attendu (et néanmoins éculé) Because The Night. Après près de deux heures survoltées, les spectateurs semblent hagards : les plus jeunes comprennent la chance d’avoir vécu ce moment tandis que la nostalgie se lit sur les visages des plus âgés. Une communion parfaite dans un lieu magique, Patti Smith est décidément plus que jamais la grande maîtresse du rock.



Si une telle tête d'affiche aura eu pour but de faire connaître à un public varié le For Noise festival, le revers de la médaille ne se fera pas attendre : après une trentaine de minutes, alors qu'arrivent les furibonds Infadels, la fosse de la Grande Scène est quasi déserte : ce soir, on est venu voir Patti Smith et peu importe de découvrir le reste. Dommage car la prestation dynamitée des Anglais sera de loin la meilleure clôture de soirée de cette édition.

Cette année encore, le For Noise Festival de Pully aura réussi à tenir le pari d'inviter à la fois des groupes montants (Memoryhouse ou Lescop) et des succès confirmés comme dEUS ou The Divine Comedy. Il aura aussi vu le grand retour des talentueux Grandaddy tandis que Patti Smith aura été pour beaucoup le grand moment de ces trois jours. Un peu moins d'audace que les années précédentes, même si DIIV aura comblé le manque avec brio et voilà que s'achève déjà l'édition 2012 du plus chaleureux festival suisse.