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Fête de l'Humanité

Paris, du 14 au 16 septembre 2012

Live-report rédigé par Natt Pantelic le 24 septembre 2012

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vendredi 14
Jurer la mort de quelqu'un à la Fête de l'Humanité, c'est relativement antinomique, convenons-en. Et pourtant... À mort l'ingénieur du son ! Attendre impatiemment une flopée de concerts qui s'annoncent bien et entendre difficilement une purée de décibels, ça s'annonce mal. Le brouhaha et le fourmillement dans les allées de cette manifestation mêlant culture, politique et musique masquent un temps cet état de fête.

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Mais ici, au Parc de la Courneuve, la vraie première claque n'est pas auditive. En naviguant entre les stands, les senteurs assaillent violemment, et même pour une habituée à ce marronnier post-estival, le parfum de merguez-brochettes-barbaque en tous genres grillées au barbecue surprend toujours. Croiser pour la première fois des hipsters à l'air hagard dans les allées menant à la grande scène vaut d'ailleurs son pesant de cacahuètes, vendues un peu plus loin à trois Euros le cornet avec un badge Che Guevara offert.
La grande scène, où vont se produire les Future Of The Left, est à l'approche. Le brouhaha laisse peu à peu place au son des instruments, apparemment branchés sur des amplis poussés au max et là, c'est la deuxième claque, the auditory slapping begins ! Les gallois de Cardiff viennent d'entamer leur set décoiffant devant un public encore épars dans le grand amphithéâtre de verdure où certains échappés du bureau font une petite sieste avant les longues festivités du week-end. Mais comment rester zen face à ces riffs acharnés et assourdissants ?! Aux abords de la scène, on s'échauffe un peu plus tout au long des morceaux issus essentiellement de leur dernier album The Plot against Common Sense, sorti en juin dernier, beaucoup plus même, jusqu'au final pendant lequel le guitariste invite les fans à monter rejoindre le groupe, d'une voix quelque peu nasillarde à cause de son nez cassé. Le grand écran nous envoie alors les images d'un fan surexcité, portant une canette de bière scotchée sur le front, qu'il verse dans la bouche du musicien allongé par terre. Aucun doute : l'esprit de la Fête vient de se réveiller sur les derniers accords assourdissants des Future Of The Left.

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Un petit tour pour les traditionnelles retrouvailles avec des amis, quelques gobelets de plastique entrechoqués pour se souhaiter une belle fête et se réchauffer un peu en cette fraîche soirée, réussir à en joindre d'autres malgré la friture sur les ondes et dans les narines en louvoyant à l'heure du dîner parmi les stands-restaurants dans les allées maintenant bondées, écouter les nombreux artistes mobilisés pour soutenir les Pussy Riot mises à l'honneur cette année sur la scène Zebrock, et retourner vers la Grande Scène pour y écouter Shaka Ponk. Attendus en tant que véritable tête d'affiche de cette première soirée de Fête de l'Humanité, les français du groupe électro-rock débutent chacune de leurs chansons pour le moins agitées par un petit laïus du chanteur tout aussi turbulent, dans lequel il nous apprend qu'il est un « petit trou du cul qui se fout de la scène, la Fête de l'Huma est là ! ».
Pendant que leurs tonitruants morceaux défilent, ma quête de sens à cette phrase sibylline s'intensifie, en vain. Torse-nus, tatoués et ultra-lookés électro-psyché-cowboys pour la plupart, les Shaka Ponk me font alors penser à mon chat qui est punk : hurlements, sautillements, ondulations, opérations séduction en tous genres, capable de faire l'âne pour avoir du son. Mais là, la question se pose : vendre son âme au diable pour avoir du son, du vrai, ne serait-il pas préférable ? Pour ajouter à l'abîme de réflexion dans lequel je suis plongée, j'entends à mes côtés : « tiens... pourquoi les Superbus ont changé de nom ? ». Un gars en pantalon volé à Johnny Clegg, blouson Casport, et bob Cochonou semble s'éclater sur la pelouse, heureusement épargnée par la pluie cette année. Le souvenir de ces éditions passées où la boue régnait en maître sur les corps mouvants des festivaliers pogotant dans la fosse m'égare un instant, et je me dis que si les conditions météorologiques m'inspirent plus, c'est là qu'est l'os, hélas. Un bref instant, j'envie le sosie de Johnny Clegg.

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À 22h00, les New Order arrivent sur fond sonore du Once Upon A Time In The West d'Ennio Morricone. On se demande un peu ce que vient faire ce bout de western spaghetti dans la choucroute, et puis on finit par trouver ça gonflé, lyrique, énième degré, en un mot : beau. Le groupe new wave s'installe pour un set à l'image de cette entrée, avec tout de même quelques dérapages incontrôlés vers une électro ultra-datée, à l'instar de Bizarre Love Triangle. Cette anthologie à elle seule du synthé-criard-eighties donne l'impression de se retrouver propulsé vingt ans auparavant au Metropolis où l'on corrigeait déjà la myopie à coups de lasers explosant la rétine. On en donnerait presque raison au gamin croisé dans la foule quelques heures avant la performance des britanniques, qui prétendait que « la new wave, c'est has-been ». Comme pour se faire pardonner ces fautes de goût, ils entonnent la mythique Elegia de l'album Low Life, sorti en 1985. À noter que la version intégrale de dix-huit minutes de ce morceau avait été éditée en avril dernier en EP vinyle limité. Un collector, pour les oreilles aussi.
Sur l'écran de fond de scène, la projection du clip de Crystal montre maintenant un groupe de jeunes, en contraste avec l'image vieillissante du groupe apparaissant sur l'écran latéral : la voix de Bernard Sumner colle encore avec le protagoniste pubère du clip, mais... Les New Order poussent des basses ultra-dansantes sur 586 et True Faith, qui pourraient laisser penser que le groupe n'est pas aussi dépassé que certains le croient. Mais l'erreur de ce parcours pourtant réjouissant survient à la fin du live, qui prend alors une dimension passéiste lorsqu'ils rendent un nostalgique hommage à Ian Curtis et Joy Division avec Love Will Tear Us Appart. Un morceau pourtant mythique lui aussi, excellemment joué et intensément acclamé par un public déchaîné, mais qui les ramènent en arrière quand ils devraient regarder droit devant.

Trop de Disorder tue le New Order.
artistes
    New Order
    BB Brunes
    Future Of The Left
    Shaka Ponk
    Daniel Darc
    Barbara Carlotti
    Mustang
    Hippocampus Jass Gang
    Black Rooster Orchestra
    Zayan
    L’1consolable