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Nuits électroniques de l'Ososphère

Strasbourg, - 28 septembre 2012

Live-report rédigé par François Freundlich le 4 octobre 2012

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vendredi 28
Après deux ans d'absence, le festival des Nuits Eléctroniques de l'Ososphère à Strasbourg est de retour pour une série de soirées s'étendant jusqu'à la fin de l'année. Une pléthore d'artistes de la scène électronique au sens large du terme se succédera pour l'ouverture ce vendredi soir. Malheureusement, les annulations se succèdent également : après celle de De La Soul, c'est SebastiAn qui déclare forfait suite à une hospitalisation. Qu'importe, la salle de La Laiterie est pleine à craquer pour cet événement qui manquait visiblement à la jeunesse de la ville.

Suite à quelques changements d'horaires, la très jeune clique de La Femme investit finalement la petite salle de La Laiterie. Jeunes mais avec déjà pas mal d'expérience puisqu'ils enchainent les premières parties, ce qui nous donne l'occasion de les revoir assez souvent et de s'apercevoir que la chanteuse n'est déjà plus la même. On pourrait s'en réjouir si cette blondinette n'avait pas l'air nouée par le trac et si sa voix n'était pas quelque peu effacée. La rangée de synthés alignés sur le devant de la scène est mise à rude épreuve. La Femme s'enfonce dans un revival new wave des 80's sans toutefois y apporter la dose de fraicheur attendue.
Si leurs morceaux phare comme Sur La Planche ou Françoise ont été adaptés dans des versions encore plus synthétiques et instrumentales, il manque ce petit quelque chose pour nous emporter dans la danse. Peut-être est-ce la concentration, mais ils ne montrent pas un grand plaisir ni un quelconque intérêt à jouer et se contentent de faire le job. Le groupe joue assez froidement, comme un spectateur qui ne vivrait l'instant présent qu'à travers la vidéo de son téléphone. Si les musiciens sur scène ne le vivent pas non plus, que reste-t-il ? Tout juste une version remaniée de Antitaxi qui nous aura émoustillés quelques secondes. On reste néanmoins en quête d'inventivité pour la suite de la soirée.

Les Naïve New Beaters se voient finalement offrir le créneau horaire de SebastiAn dans la grande salle de La Laiterie. Le trio saupoudre un électro rock explosif d'une basse funky que toute hanche normalement constituée ne peut s'empêcher de suivre. David Boring fait le show à l'avant de la scène en rapant avec un flow faisant parfois penser à Mike Skinner (The Streets) comme sur Get Love et sa guitare pop. Coiffé d'un bonnet de Castor Junior, son humour second degré doublé d'un accent précieux fait mouche lorsqu'il annonce qu'il va faire apparaître des palmiers. Les arbres apparaissent vraiment, mais en version gonflable.
Les parisiens livrent un show énergique et maîtrisé apte à chauffer l'audience. Installés à l'avant de panneaux lumineux, les trois donnent leur corps dans des chorégraphies synchronisées. Ils n'hésitent pas à faire des incursions dans la dance 90s sur La Onda et ses allures de tube de l'été. Le morceau phare de leur premier album est finalement laissé pour la fin du concert. Le public réagit immédiatement sur l'introduction de basse de Live Good avant de reprendre ses refrains en chœurs. Si le groupe tourne en rond au bout d'un moment en tirant toujours les mêmes ficelles dancefloor, la joie d'être un pantin était bien présente lors de ce concert tout en décontraction.

Retour dans la petite salle ou de vrais “Jeunes Gens Modernes“ vont succéder à La Femme. Rescapés de la vague new wave française du début des années 80 et donc plus vraiment jeunes, le duo Kas Product va malgré tout offrir la meilleure performance live de la soirée. Ce groupe culte de la scène underground française a notamment tourné avec Marquis de Sade en 1981 avant de jouer aux quatrièmes Transmusicales de Rennes en 1982.
On s'interroge sur la présence d'un tissu tendu à l'avant de la scène alors qu'une ambiance sonore sombre et synthétique s'abat subitement. Le tissu est lacéré à coup de cutter par une chanteuse inquiétante faisant correspondre ses lâchés vocaux à ses coups d'armes blanches. Elle traverse finalement l'installation pour arriver à l'avant de la scène : on découvre Mona Soyoc, croisement entre Juliette Lewis pour l'énergie scénique et Diana de la série télévisée V pour le coté... bizarre. Elle ne s'arrache pas la peau (quoique) mais donne toute sa voix au public clairsemé avec un plaisir communicatif. On se demande alors si ce public très jeune, principalement venu pour les DJs programmés, connaît l'existence de la petite salle ou si le fossé qui le sépare de ces anciens est trop important pour l'attirer. Il reste néanmoins quelques fans de l'époque pour danser sur les boîtes à rythmes synthétiques du claviériste hippie Spatsz. Débordé par l'énergie débordante de la chanteuse guitariste, il produit ces textures hypnotiques qui fleurent bon le post-punk de la grande époque derrière son clavier customisé. Mona déploie quand à elle une voix profonde et angoissante et on ne peut que se concentrer sur cette énigmatique personnalité. Elle ne fait que nous surprendre, comme lorsqu'elle se saisit d'un pistolet à amorce et tire sur la foule. Cette dernière se déporte légèrement l'espace d'une demi-seconde, croyant peut-être à une vraie arme, surtout dans cette ambiance particulière. La tireuse est malgré tout émue aux larmes lorsqu'un fan lui offre un bouquet de fleur dont elle n'arrive pas à se détacher. Un peu d'amour dans cette soirée de brute, avec ce concert de Kas Product nous ayant fait découvrir ce groupe qui a bien fait de se donner une seconde vie il y a quelques années.

Captivé par cette performance, on en oublierait presque que la majeure partie du public est déjà dans une grande salle surpeuplée pour le live du DJ Brodinski. La chaleur est insupportable et les kids dansent à en perdre plusieurs litres d'eau par mètre cube. D'autres membres du label Bromance comme Gesaffelstein ou Club Cheval vont se succéder dans la soirée mais Brodinski nous en met déjà plein les oreilles. Le son est lourd et rapide, couplé à un lightshow stroboscopique faisant disparaître et réapparaître un public qui crie sa joie à chaque coupure. Le DJ n'hésite pas à jouer avec lui, enchainant les lentes montées suivie de déferlantes de beats et foudre de décibels. Certains passages ne sont pas sans rappeler les prestations live de Boys Noize : cette trame techno venue de l'est ne déplait forcément pas à un public allemand ayant traversé la frontière en nombre ce soir. Après un temps d'adaptation, il ne reste qu'à laisser ses membres supérieurs et inférieurs s'emporter et vivre leur vie de membre.

Mais la fureur et la chaleur sont trop intenses, il convient de se calmer quelque peu avec l'anglais Nathan Fake qui a investi la petite salle. L'ébouriffé natif de Norfolk venait peut-être de se réveiller mais semble plus concentré que jamais sur son laptop. Ses textures minimalistes plus délicates, inspirées par les harmonies pop anglaises, tranchent avec le son plus mainstream de la grande salle. Nathan Fake va, de fait, bien plus loin dans la recherche sonore. On se plait à être plus attentif à la superposition de couches vibrantes, là où précédemment, on se contentait de crier. La musique de Nathan Fake est néanmoins tout aussi entrainante car le DJ sait également lâcher les beats les plus dansants. Ces derniers seront toutefois accompagnés d'harmonies plus planantes et légères. Les lasers verts venus de l'arrière de la scène viennent nous surprendre dans nos mouvements alors que l'anglais retire parfois toute rythmique pour ne laisser qu'un lancinant cri synthétique, avant de relancer la machine à pulsation. Tout cela n'aura pas arrangé l'état de nos tympans mis à rude épreuve ce soir. Le DJ anglais aura quoiqu'il en soit fait forte impression malgré un public peu nombreux dans cette salle.

Cette première soirée de l'Ososphère se prolongera jusqu'à l'aube avec des sets de Gesaffelstein, Club Cheval, Total Warr ou encore Fritz Kalkebrenner. Les Nuits Electroniques nous reviendront quant à elles jusqu'à la fin de l'année dans plusieurs lieux de la capitale alsacienne avec des invités prestigieux comme Kavinski, Michael Mayer, Étienne de Crécy ou DJ Pone. On n'a pas fini de danser !
artistes
    Naïve New Beaters
    Brodinski
    Gesaffelstein
    Club Cheval
    Fritz Kalkennbrenner
    La Femme
    Kas Product
    Total Warr
    Nathan Fake
    Kate Wax