logo SOV

Iceland Airwaves

Reykjavík, du 31 octobre au 4 novembre 2012

Live-report rédigé par François Freundlich le 30 novembre 2012

Bookmark and Share
Le calme est revenu en ce dimanche, après la tempête qui a marqué toute la semaine. Mais c’est une autre tempête qui nous attend puisque l’un des groupes cultes de la scène islandaise joue en clôture de l'Iceland Airwaves, où il ne s’était pas produit depuis onze ans (alors que son dernier concert à domicile date de 2008). Le concert de Sigur Rós à la Laugardalshöll n’affiche pourtant pas complet bien que le reste du festival le soit depuis plusieurs mois. Surprise : on peut encore acheter sa place au guichet après avoir affronté la longue queue qui s’est formée devant le complexe de 5500 places.

L’excitation est de mise chez les fans qui attendaient depuis plusieurs heures avant d’être parqués devant des portes closes. C’est la première fois que nous voyons une si haute densité de population en Islande. L’ouverture libère un flot incontrôlable de spectateurs, courant vers les premiers rangs. L’organisation est à revoir, d’autant plus que le concert commencera avec une heure et demie de retard sur l’horaire prévu. Alors que nous anticipions déjà l’annulation, cramponné au second rang, les lumières s’éteignent finalement laissant apparaître la scène cachée derrière un rideau semi transparent. Il reflète un jeu de lumière captivant durant les trois premières chansons alors que seuls les premiers rangs parviennent à apercevoir le groupe au travers.

SOV

Les xylophones de Í Gær résonnent alors que la première salve électrique nous rassure sur la qualité du son et nous réjouit du torrent de magie qui va s’écouler dans nos oreilles pendant deux heures. Premiers frissons lorsque Jónsi déploie sa voix angélique, nous voilà au paradis. Le groupe est toujours caché lorsque les premières notes au piano de Vaka (Untitled #1) se déploient tout en douceur. Les images de ce clip marquant sont diffusées sur le rideau bien que l'on ait l’impression d’en avoir fait partie après avoir été hébergé dans une crèche de Reykjavik pendant quelques jours. On se laisse emporter par cette chanson intemporelle d’une simplicité enfantine et par ces répétitions vocales touchées par la grâce. Elle est enchainée avec Ný Batterí qui nous confirme que les morceaux les plus attendus de Sigur Rós seront interprétés ce soir. Des vagues de lumières blanches s’emparent de la salle alors que Jónsi excite son archet sur sa guitare dès les premiers déferlements électrisants. Les violons et cuivres se mélangent à une batterie qui explose pour la première incursion post-rock géante du concert, jusqu’à un final ou le rideau tombe subitement dans un grondement sourd.

C’est à cet instant que l’on entend cette note sous-marine, la première entendue de la part de Sigur Rós il y a de cela douze ans. Il s’agit bien de Svefn-g-Englar, amenée lentement par quelques grincements d’archet. On tente de sécher ses yeux pour apercevoir l’installation sur scène. Des ampoules éclairent un peu partout les musiciens alors qu’un gigantesque écran s’étend sur tout l’arrière de la scène, diffusant des images psychédéliquement boréales. Jónsi place sa guitare en face de sa bouche pour faire raisonner ce « Tjú » dans une envolée lointaine et planante. La beauté n’a jamais pris autant de sens que lors d’un concert de Sigur Rós.

SOV

Vient alors un passage plus calme dans le concert avec des chansons flirtant avec la pop ou la musique traditionnelle islandaise comme sur les entrelacs de xylophones, glockenspiel et marimba de Sæglópur. Le batteur Orri Páll Dýrason se défoule sur ses futs à droite de la scène, apportant cette implacable rythmique lorsque les orchestrations s’emballent dans de turbulentes saccades. Les délicieux violons reprennent finalement le dessus sur l’ancienne face-b Viðrar Vel Til Loftárása pour un instant de délicieuse pureté brumeuse. On ne peut que fermer les yeux et léviter. Lorsque Jónsi ne malmène pas son archet qui devient de plus en plus un simple bâton de bois usé, il le place à la verticale de son microphone, comme un mat qui flotterait au dessus de ces textures sonores liquides. Les pompons suspendus à ses manches pendent quand à eux dans l’autre direction.

Le moment clé du concert restera à jamais cette version magique de Hoppípolla. Une pluie lumineuse s’échappe des écrans alors que ces boucles de piano et de marimba (le fameux stone marimba fait en pierres de Kjartan Sveinsson) s’exaltent dans un frémissement infini. Des points lumineux virevoltent au fond de la scène, répondant aux ampoules clignotantes. Les cuivres s’élèvent de toute leur puissance, s’entrechoquant aux violons et à ces chœurs lointains sur les refrains. Le public reprend finalement l’air de Með Blóðnasir pour prolonger ce moment intemporel qui restera gravé dans l’esprit de chaque personne présente en ce soir de novembre. La bucolique Olsen Olsen tente de nous remettre de nos émotions en calmant le jeu avec sa flute traversière légère, mais ces variations de violons et ce final en fanfare nous ramènent encore une fois sur le sommet de l’Hekla. La petite troupe de violons et cuivres à l’arrière de la scène est un peu plus visible pendant Glósóli alors que la voix de Jónsi s’élève majestueusement sur les refrains « en hvar ert þú ». Le final volcanique est d’une force titanesque, chaque instrument explose dans un grondement bruitiste général. On ne peut que sauter frénétiquement et se laisser entrainer même si le reste du public y est moins enclin. Une pluie d’étoiles bleutées apparaît pendant Festival durant lequel Jónsi tient une note pendant près d’une minute dans une performance impressionnante, malgré quelques faiblesses vocales sur la fin du concert. Des lasers forment des aurores boréales bleues et vertes au dessus de la scène alors que les trompettes entament leur ronde et turbulente parade.

Un morceau du dernier album est finalement proposé avec Varúð, le meilleur titre de Valtari. Ce mot que l’on retrouve un peu partout sur des panneaux jaunes au bord des routes islandaises signifie « Attention ». La lumière se fait verte pour ce titre d’une incroyable intensité. Des silhouettes de personnages apparaissent derrière des montagnes sur l’écran comme dans son vidéo clip, créant des lumières qui s’envolent dans des vibrations planantes. Après cette quiétude, la puissante Hafsól termine la première partie du concert dans une avalanche bruitiste. Jónsi frappe ses cordes de guitare avec son archet qui ressemble plus à des cordes s'échappant d'un bâton. Le groupe s’éclipse quelques minutes avant de se réinstaller pour un début de rappel sur Ekki Mukk, un autre extrait du dernier album. L’écran vert refait son apparition alors que le bateau volant du visuel de Valtari, vole de la gauche à la droite de l’écran dans la langueur spatiale de ce morceau très sombre.

SOV

Toujours plongé dans ces rayons verts voluptueux, le groupe va alors jouer pour la première fois une nouvelle chanson du nom de Brennisteinn. S’inscrivant dans le prolongement de leur dernier album, elle s’introduit par de lourds grincements électroniques et des chœurs surplombant une voix restant dans une relative discrétion. Les violons tortueux prennent le dessus alors que le rythme se fait saccadé et répétitif. Dans un long passage atmosphérique, Jónsi crisse son nouvel archet dans d’inquiétantes mélopées stridentes. Fidèle aux habitudes, le show se termine sur Popplagið (Untitled #8), achevant définitivement les tympans. Le long crescendo s’achève dans ce que l’on pourrait comparer aux chutes d’eau de Gulfoss se déversant dans nos oreilles. Ce final jouissif est à la fois hypnotique et terrifiant, la puissance sonore y atteignant son paroxysme. Les yeux se révulsent face au lightshow, les tympans se cachent devant tant d’intensité, nous voilà recouverts des cendres de Sigur Rós. Puis tout s’arrête et nous restons dans le néant, le silence.

Après quelques minutes pour se remettre, nous constatons les dégâts : certains sont encore allongés par terre avec un sourire jusqu’aux oreilles et des yeux humides. Ils ont finalement vu leur groupe fétiche chez eux en Islande pour l’un des concerts de leur vie. Nous terminerons cette soirée sur le balcon du bar rock Dillon où une chorale improvisée chante des airs traditionnels islandais : ce pays est décidément magique. C’est ainsi que s’achève le festival Iceland Airwaves 2012, l’un des meilleurs au monde, permettant d’apprécier une scène locale exceptionnelle dans de petits lieux, en même temps que des pointures internationales. Tout festivalier se dit forcément qu’il y reviendra un jour...
artistes
    Boogie Trouble
    Sometime
    Elín Ey
    Jón Þór
    Ultra Mega Technobandið Stefán
    Skálmöld
    Hljómsveitin Ég
    Bárujárn
    Momentum
    Hellvar
    Saytan
    Two Tickets To Japan
    Sigur Rós